Front à gauche!

Lequel de nos grand-parents, au sortir de la dévastation physique et intellectuelle qu’a été la Deuxième guerre mondiale, aurait pu croire qu’un jour leurs descendants pas si lointains que çà en arriveraient à douter aussi férocement de la démocratie et du sens même de leur vote? Quelle puissante entreprise d’enfumage a pu amener un tel anéantissement? Car la dissolution progressive, mais constante, du champ politique dans la logique économique, surtout depuis l’effondrement du bloc communiste d’Europe de l’est et de l’URSS, atteint aujourd’hui les proportions grandioses du bouquet final, l’étape qui précède toute extinction. La disparition d’une parole politique authentique, indépendante des contraintes de marché, est certainement le reflet du vide de sens dans lequel le monde surnage depuis le débarquement massif de la culture chewing-gum il y a 60 ans. Les acquis sociaux qui ont pu être gagnés ces derniers siècles face aux logiques industrielles et financières, qui se la jouaient « force loi », sont en train de sombrer à nouveau dans les  travers du paupérisme intellectuel et de la logique de privatisation mais d’une façon beaucoup moins frontale. De manière insidieuse, le constat selon lequel les appareils d’État sont de plus en plus dépendants de la logique de crédit et de spéculation, et donc de leurs créditeurs privés, prend maintenant toute la force de l’évidence, qu’il n’est plus utile de démontrer.

Pourtant, même face à ces gravités porteuses des raisins de la colère, il nous est toujours donné d’entendre, ici ou là, des têtes chantantes UMP proclamer à propos des cinq ans de présidence Sarkozy, d’un ton de castra coupés des réalités, que « l’on a jamais autant modernisé la France ». … Il serait judicieux de définir avec plus d’exactitude le terme « moderniser », dans un pays où la précarité s’installe, où les communautarismes s’amplifient par réaction au trop plein de « marche ou crève », où les factures du quotidien se savourent comme des fractures, tous domaines confondus (de la SNCF à l’électricité en passant par la Poste), avec une fâcheuse tendance à l’élévation spontanée, où le logement et ses prix odieux sont plus que jamais une épine dans le pied de bien des foyers (actifs, jeunes ou retraités), sans parler de tous ces gens échoués comme des étrons dans les rues de nos belles villes (dont certaines gares interdisent maintenant la mendicité). Bref, ce meilleur des mondes aux équilibres « auto régulés » et au discours marchand fondé sur l’appât du gain est-il le futur inéluctable de l’être humain? J’ose espérer que non, que l’homme n’a pas égaré son bon sens dans l’escarcelle étroite de quelques poignées de combinards qui s’évertuent à lui faire croire que tout bonheur s’achète.

2012, temps d’élections. Le Sénégal va s’y coller, les États-Unis, également, sont appelés aux urnes. En France, les ténors déjà vus mille fois, rompus au petit jeu du maniement des esprits et des faux semblants, déploient de nouveau leurs palette de farces et attrapes en vue de la conquête du trône. L’opération séduction est enclenchée, par ici artillerie de mesurettes pour compétitivité accrue en ce qui concerne notre non candidat de président sortant, par là flou un peu mollasse d’un rose si translucide qu’au bout de tant d’années il devient suspect, par là encore jeu de jambes trompeuses de blonde aux dents longues et visions courtes, aux airs un peu trop confiants de « Troisième homme » du scrutin, par ici encore, l’optique du « achetez Français » malheureusement porté par un centrisme en ombre de lui-même, peu parlant ou trop discret. Et puis, il y a le Front de gauche. Cette espèce de fourre-tout informe et trublion d’une gauche rabibochée avec elle-même et sa verve tonitruante, pourrait-on penser vu de loin, produit, contre toute attente, un programme politique qui sort du lot. Évidemment, il exhale une vision sociétale de gauche, fondée sur un État fort et une règlementation accrue du tissu économique.

D’un point de vue formel, la présentation est plutôt bien ficelée car assez claire. Le propos est articulé en 9 thèmes facilement identifiables, comprenant chacun plusieurs mesures. Chaque thème est subdivisé en deux parties: l’une intitulée « Agir tout de suite », sous entendu dans les premiers temps suivant l’investiture afin d’insuffler un changement de cap sans attendre les calendes grecques vendues aux marchands de tapis, et l’autre sous le titre « Agir pour un changement durable », où les mesures sont exposées pleinement, et envisagées dans la durée. Ainsi, quand le PS fait durer un suspens inutile jusqu’au 26 janvier 2012 pour exposer son programme, le Front de Gauche, lui, affiche des idées très structurées depuis le 22 septembre 2011. Donc, loin d’un fourre-tout, c’est peut-être à la naissance d’une authentique union des différents mouvements de la gauche hors PS à laquelle on est en train d’assister. Vous me direz, il serait temps! Mais il n’est jamais trop tard, comme le dit la sagesse populaire. Concrètement, le Front de gauche est constitué du Parti communiste, du Parti de gauche, de Gauche unitaire, de la Fédération pour une alternative sociale et écologique, de Convergences et alternatives, de République et socialisme, et du Parti communiste ouvrier de France. Sans compter les nombreux transfuges du NPA, qui s’entête malheureusement dans son idée de faire cavalier seul alors qu’une vraie gauche aurait besoin de lui. Environ 4000 adhérents du NPA ont rejoint le Front de gauche sur un total de 9000.

Alors il y a toujours, quelque part ou n’importe où, de ces schtroumpfs grognons qui crient à l’imposture et à la résurgence de vieux spectres gauchos poussiéreux dont on a déjà vu l’immobilisme à l’oeuvre par le passé. Ce qui est vrai. C’est ce que l’on pourrait penser en voyant le « communiste » pointer le bout de sa truffe dans cet assemblage composite. Mais le seul fait de voir autant de mouvements se réunir est suffisamment fort pour ne pas le signaler et témoigne, s’il était besoin de le préciser, de l’obligation permanente de discussion entre les différentes composantes pour pouvoir mener front commun et accoucher d’un discours cohérent. Un pluralisme d’opinion qui ne doit pas toujours être évident à mener mais qui témoigne d’un certain bouillonnement, que l’on ne trouve, d’ailleurs, pas dans les autres formations. Car une fois les yeux plongés dans les lignes du programme, pour peu qu’on s’en donne la peine, force est d’avouer l’incontestable évolution de cette gauche reconstituée. Et, par rétro action, l’on prend toute la mesure de la dérive sociétale actuelle, en constatant à quel point les démocrassies bancaires et télévisuelles, dans lesquelles pataugent nos envies de vivre, déshumanisées par le numérique et le serrage de ceinture imposé comme seule vérité, réclament à cor et à cri l’émergence d’un horizon plus égalitaire et plus propice à l’avènement d’individus éveillés. À quel point, aussi, l’on s’aperçoit que notre rapport à l’autre, donc à la collectivité, s’est laissé empoisonner au compte goutte par des concepts sournois de compétition et de rentabilité, rencontrés jusque dans les télédivertissements de grande écoute où des groupes restreints de scénaristes s’évertuent à faire miroiter l’appât des millions, condition sine qua non pour « être ». Il n’est pas question ici de déballer tout le programme du Front, ce serait trop long, d’autant que le prix dérisoire de 2 euros en permet une acquisition aisée. Il s’agit plus d’un soutien symbolique.

Pour en dessiner tout de même le contour, le texte attaque par les réalités concrètes, celle du nerf de la guerre: j’ai nommé la maille, avec laquelle nombre d’entre nous a maille à partir. Ces premières mesures sont d’ordre économique, plus précisément salariales. Le premier thème développe l’idée de la revalorisation des salaires minimaux. Notamment les retraites ainsi que le SMIC, réévalué à 1700 euros brut. 1700€ brut en début de quinquennat pour arriver à 1700€ net en fin de quinquennat. Oui, çà décoiffe! On ne peut alors s’empêcher de penser à une « démagogie électorale sarkozyste » ou à de simples « effets de manche » car, par les temps qui courent, les caisses du royaume sont vides, entend-on entre Picardie et Navarre. La dette française est colossale, en gros 1600 milliards d’euros (à peu de choses près 17 000 euros par habitant tous âges confondus), avec un effet boule de neige constamment amplifié par les taux d’intérêts du capital emprunté. Comment diantre, dans ces conditions, prétendre sainement imposer la hausse des salaires au tissu d’entreprises qui fait déjà ce qu’il peut, en tous cas pour les PME? En fait, les réponses se cachent dans le deuxième thème, axé sur la moralisation et la régulation des excès insupportables de la grande finance. En effet, le simple fait, par exemple, de voir des jeux de hasard brasser autant de moyens prouve bien que l’argent existe quelque part et que, contrairement à ce que l’on nous martèle sans cesse depuis les années 1990, cette manne n’a pas déserté la planète France. On l’empêche juste de s’épancher de manière équitable dans les poches du plus grand nombre. L’idée est donc de le prendre là où il est, l’argent, en proportion suffisante, pour permettre le fonctionnement de l’appareil d’État. Quelques mesures, prises au vol:

Placement sous contrôle social des banques privées qui ne respecteraient pas la nouvelle réglementation en matière de lutte contre la spéculation et la financiarisation de notre économie, blocage des échanges de capitaux avec les paradis fiscaux, réforme de la fiscalité avec notamment l’augmentation de l’ISF et de l’impôt sur les revenus du capital, taxation du revenu financier des entreprises.

… et quelques autres. Voilà donc les rapaces prévenus.

– INTERMÈDE –

Voici les réactions à chaud du candidat Jean-Luc Mélenchon aux propos de Nicolas Sarkozy fin janvier, dans lesquels Notre Président dévoilait notamment la TVA sociale.

 Pour en revenir au programme, la question de la dette n’est pas oubliée. Il est toujours utile de préciser que si celle-ci flirte avec des sommets inimaginables, c’est dû aux intérêts. Cette machinerie d’usure s’auto-alimente d’une année sur l’autre, rendant les sommes dues totalement inremboursables aujourd’hui. Ce qui favorise, sous prétexte de crise et de la baisse des notes administrées par des agences américaines marchant de concert avec les créditeurs, l’éviction de gouvernements élus de certains pays souverains, telle la Grèce et probablement bientôt le Portugal, au profit de « techniciens » censés remettre les mauvais payeurs dans le « droit chemin ». Comme cette parodie de gouvernance ne passera pas par le mien, de pays, le Front prévoit donc un retour de ces sommes cosmiques, devenues irréelles puisque personne n’en profite, dans la sphère publique, afin de créer de la richesse tangible, celle qui se voit et revient à l’ensemenceur. Quatre axes seront développés:

– reprise du contrôle des mouvements de capitaux aux frontières de l’UE

– possibilité que les banques centrales contribuent directement au financement de services publics

– obligation de détention de titres de la dette publique par les institutions financières

– abrogation du Pacte de stabilité et du Pacte pour l’Euro+ pour ouvrir la voie à un nouveau Pacte européen de progrès social et de codéveloppement.

La première mesure ne nous dit pas de quelle manière, précisément, l’Europe pourrait exercer un contrôle sur les capitaux entrants ou sortants, c’est un peu flou et réclamerait quelques précisions. Néanmoins, ce programme a le bon sens d’illustrer ses velléités de changement en fondant sa réflexion sur des exemples concrets, actuellement en usage, en dévoilant certains privilèges qui fleurent bon la fiscalité à deux vitesses:

Privilèges fiscaux des grandes entreprises: l’exemple de Total.

Le groupe pétrolier Total a réalisé en 2011 plus de 10 milliards d’euros de bénéfices, distribués pour moitié à ses actionnaires. Mais il ne verse pas un sou au titre de l’impôt sur les sociétés. C’est la conséquence du « bénéfice mondial consolidé », une niche fiscale taillée sur mesure pour cinq grands groupes désignés par le ministre de l’Économie (dont Total, Vivendi et NRJ). Ce dispositif est révélateur des privilèges fiscaux concédés principalement aux grandes firmes transnationales. Les petites entreprises de moins de neuf salariés sont ainsi taxées en moyenne à 30%, là où celles du CAC40 le sont seulement à 8%. Mais il ne représente qu’une petite part des 170 milliards d’euros de niches fiscales dont bénéficient chaque année les entreprises au détriment du budget de l’État.

En lisant çà, je comprends mieux pourquoi j’ai mal aux impôts! Qui sont, d’ailleurs, repartis pour augmenter dès l’an prochain avec, par exemple, 17% d’augmentation pour les célibataires. À ce rythme là, il faut croire qu’on aura plus que des pissenlits à se mettre sous la dent, les mecs! Voilà les pratiques de Sarkozy et sa clique de bons copains atlantistes mises à jour. Il faut quand même comprendre que c’est ce genre de favoritisme qui vampirise les forces vives d’un pays à petit feu, pays dont on se demande si les dirigeants actuel se préoccupent encore.

L’autre partie du programme prône une idée de changement politique durable sous la forme… de l’avènement d’une VIème république, axée sur la démocratie participative. Rien que çà! L’idée est séduisante sur le papier mais qu’en est-il réellement? En fait, c’est une idée en germe depuis les années 60 mais qui transpire beaucoup dans la grogne actuelle. Le fait qu’elle s’insinue maintenant au coeur même de certaines expressions politiques comme celle-ci montre bien le chemin parcouru… Mais également la potentielle récupération. Mais après tout, il faut un début à tout. Halte, donc, à l’enflure présidentialiste du bling bling sarkozien dégénéré, nous n’en sommes plus au temps des rois, bien que certains se paluchent copieusement rien que d’en imaginer l’éventuel retour. La parole est au citoyen lambda, celui/celle qui bosse tous les jours, celui/celle qui jardine, bûche sur sa thèse, écrit ou construit, élève simplement ses enfants ou aide les personnes âgées. Ici, c’est lui le roi, le seul qui vaille en réalité, loin des bouffonneries de lignage protocolaires et toutes ces lubies vieille France, cul serrées et passéistes. Place à l’individu responsable et acteur de premier plan. C’est lui/elle, ce citoyen(ne), qui, par sa participation à des discussions collectives, en donnant son avis, impactera directement la marche à suivre. C’est le sixième thème du programme dont la partie « Agir tout de suite » est claire:

– convocation d’une Assemblée constituante

– abrogation de la réforme territoriale de 2010

– rétablissement de la proportionnelle à toutes les élections

– création du Conseil national des médias

Cette liberté de ton et de parole s’appliquera autant au salarié de l’entreprise qu’au particulier. Quelques idées maîtresses ressortent. En effet, « Le droit des citoyens à intervenir dans le développement de la recherche sera inscrit dans la Constitution ». Cette VIème République sera donc celle de, je cite, « l’implication populaire permanente ».

Nous voulons renforcer et amplifier la souveraineté directe du peuple. La démocratie participative sera inscrite dans la Constitution et des lois déclineront ce principe pour donner les moyens, les outils, les espaces pour sa mise en oeuvre. Elle s’appliquera à l’élaboration des lois, à la mise en oeuvre des grandes politiques publiques et à la gestion des collectivités territoriales, notamment au moyen de budgets participatifs. (…) Une nouvelle instance nationale pluraliste chargée du contrôle de constitutionnalité sera créé en lieu et place du Conseil constitutionnel actuel, les citoyens ayant pouvoir de la saisir. Nous créerons de nouveaux domaines d’intervention populaire. Le référendum, ou toute autre forme de consultation populaire directe, pourra être initiée par voie de pétition réunissant un pourcentage conséquent de la population. (…) L’initiative d’une loi sera ouverte aux citoyennes et aux citoyens, aux organisations syndicales et aux associations.

On peut dire que l’intention est clairement établie: redonner la parole et reconnecter les citoyens avec leur capacité de débat, voire d’initiative légiférante, chose très nouvelle. Par contre, la mise en application reste assez vague. Que signifie exactement « pourcentage conséquent de la population »? Quels seront les modalités précises des « moyens, outils et espaces de la mise en oeuvre » de cette république collatérale? Nous aimerions en savoir plus… Mais, finalement, ce sera peut-être à nous, citoyens de France, de les dessiner, ces précisions, de les construire petit à petit, ensemble. Toujours est-il que cette possibilité d’interpellation des pouvoirs et de dialogue sera articulée sur une implantation locale, partout dans le territoire. C’est un point qui ressort nettement de la lecture. L’on peut imaginer aussi que cette liberté donne lieu à des paralysies fréquentes du fait même de l’accumulation de points de vue inconciliables. L’idée de pourcentage minimum pour engendrer une loi prend alors plus de sens. Mais, même après avoir lu la totalité, il n’est pas dit de quelle manière les décisions prises après débat seront acheminées du local au général, de la salle communale perdue jusqu’au coeur pensant parisien, centre exécutif. Qu’en sera-t-il des assemblées locales parisiennes? Qui siègera à l’Assemblée nationale? Le programme nous renseigne brièvement:

Un statut de l’élu(e) dans toute les collectivités (communes, départements, régions, assemblées nationales et européenne) sera garanti ainsi qu’un statut du bénévole.

Nous en déduisons donc que le schéma commune, département, région, État sera conservé, ainsi que le statut d’élu (donc représentant) mais avec toute latitude au citoyen lambda de s’exprimer.

Question Europe, Le Front de gauche n’est pas contre l’idée d’unification, ni même de monnaie commune mais fermement opposé au fameux Traité de Lisbonne, rejeté à tour de bras par les populations elles-mêmes. Le programme avance l’idée d’une refonte du modèle actuel, que personne ne comprend et dont plus grand monde ne veut, en modifiant les missions et statuts de la toute puissante BCE et en engageant des discussions pour un nouveau traité faisant la part belle aux visées sociales et écologiques. « La France s’engagera pour une Europe de l’harmonisation des droits sociaux et politiques ». Ce septième thème, bien que motivant, est sans doute le point le plus faible du programme et, en tous cas, le moins développé. Quand certains prônent la sortie pure et simple de l’Europe, comme « l’autre Front » ou encore Jacques Asselineau, le Front de gauche ne renie aucune union continentale mais l’envisage sous un autre angle, beaucoup moins économique. C’est un point de vue plutôt fin mais comment se maintenir au sein d’une organisation telle que l’Europe en faisant fi de ses règles, et, fatalement, sans risquer de s’y plier à un moment donné? Refuser la logique à l’oeuvre induira une position bancale de la France, en perpétuelle lutte, que le Front de Gauche règle peut-être un peu trop vite en pensant que, je cite,

Notre désobéissance fera tâche d’huile dans l’Union et dans la zone euro. Elle sera un appui pour les pays dévastés par les plans de rigueur (Grèce, Portugal, Espagne, etc…). À terme, notre objectif est de briser le bloc libéral au sein de l’UE et de pousser à la négociation d’un nouveau traité. La France, en tant que pays fondateur de l’Union européenne, a les capacités de la transformer si elle conjugue action souveraine et bataille d’opinion européenne. Loin d’être isolés , nous en sortirons renforcés  dans une Europe actuellement dominée par l’ultralibéralisme et le monétarisme promus de longue date par les gouvernements britannique et allemand. Nous agirons pour le réaménagement négocié des dettes publiques, l’échelonnement des remboursements, la baisse des taux d’intérêts les concernant et leur annulation partielle. Nous exigerons des moratoires et des audits sous contrôle citoyen.

Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, « quand on représente la France, qu’on est la 5ème puissance mondiale, fondatrice de l’Europe, qu’on pèse 65 millions d’habitants, et que l’on s’assoit à la table des négociations, çà crée une ambiance ». Nous n’en doutons pas, mais est-ce réellement suffisant? L’aura de la France ne s’est-elle pas étiolée à force de devenir le paillasson de la politique internationale américaine? Et si le lobbying français pour une Europe meilleure échoue, que se passera-t-il? La France compte-t-elle sur le seul sursaut des populations? Comme qui dirait, çà sent le coup de poker…

À n’en pas douter, ces propositions lancent de nouvelles pistes qui provoquent le débat. Tout comme il y a vingt ans avec l’effondrement du « bloc de l’est », nous sommes au bord de l’écroulement d’un capitalisme financiariste et virtualisé à l’extrême, devenu dominant mais en décrochage de plus en plus marqué avec la réalité d’une grande majorité d’hommes et de femmes, signe d’obsolescence. La vision du Front de gauche a au moins le mérite de réconcilier avec l’envie de voter. Car la prendre au pied de la lettre ou la bénir sans y réfléchir et la faire sienne n’est pas le but en soi. Ce programme ne représente finalement que l’amorce d’une nouvelle façon de penser et se réapproprier la chose politique, à l’heure ou la logique marchande ronge les économies, lamine toute notion de contact humain par écrans interposés et transforme petit à petit le citoyen en « administré », l’écartant de la conscience même de sa faculté de réflexion autonome par un flot de spectacularisation audiovisuelle excessive et permanent. Comme tout défi majeur, le futur n’est pas dessiné d’avance, il nécessite de le construire brique par brique. C’est la responsabilité la plus difficile qui puisse échoir à un groupement humain quel qu’il soit, celui de se prendre en charge et enfin retrouver la parole, du moins une parole créatrice, qui agit pour l’intérêt collectif. C’est bien le genre de chantier qui demande les remises en question les plus drastiques mais le nivellement par le haut est à ce prix, une nation de rois sujets ne se fabrique pas en un jour. Mais les habitudes se changent, surtout les mauvaises.

Ce changement de cap est à portée d’urne, symbole sacré du droit inaliénable d’expression. Il suffit d’un bulletin de vote pour renverser les vapeurs aux arrière goûts d’american way of life périmée et permettre à tous un juste partage des richesses de ce pays. Arrêtons donc de quémander le meilleur, créons le.

Parce-qu’il y en a assez de la soupe télévisuelle et ses discours inégalitaires scénarisés, parce-qu’il y en a assez des retraites insuffisantes ne permettant même plus à certains de régler le cumul des factures alors que d’autres se permettent des chambres d’hôtel à 3000€/nuit et des cafetières en or dans des imitations d’Air Force One inutiles, parce-qu’il y en a marre de la privatisation/précarisation progressive des services publiques, minés de l’intérieur, tels la Poste ou EDF qui contribuent au coût de la vie grandissant, parce-qu’il y en a marre de raquer maintenant 130€ à une entreprise privée pour enlever un nid de guêpes ou de frelons chez soi alors qu’il y a 20 ans les pompiers intervenaient gracieusement sur simple appel (impôts locaux), parce-qu’il y en a marre de voir l’Éducation nationale déplumée de ses moyens alors que la population augmente, marre de la responsabilité diluée où personne n’est joignable au bout du fil lorsque l’on rencontre un problème (bancaire, logement ou autre) impossible à détailler à une messagerie stupide, parce-qu’il y en a marre de se voir imposer, sans l’ombre d’une demande, l’enregistrement systématique de la conversation téléphonique avec son banquier sous prétexte « d’étude de qualité » interne, parce-qu’il y en a plus qu’assez des lois votées l’été en catimini à l’insu de tous et sans prévenir, de préférence à des heures tardives où l’Assemblée est désertée, marre de cette maigreur démocratique qui maintient un pays entier dans l’indignité, marre de ce jeu politique dénaturé aux bulles opaques, marre des plans d’austérité votés sans l’assentiment des peuples, parce-qu’il y en a assez de voir des petits hôpitaux et des tribunaux fermer, parce-qu’il y en a marre de devoir travailler la nuit et se dérégler la santé pour prétendre à un salaire décent quand l’employeur refuse d’augmenter, parce-qu’il y en a marre de la morale de comptoir qui insinue que si l’on ne travaille pas, ou que l’on refuse un travail qui n’est pas adapté à ses compétences, on ne vaut guère plus qu’un moins que rien (car l’idée de sous homme n’est pas loin), marre de s’entendre dire qu’on est interchangeables « parce-que-si-t’es-pas-content-y’en-a plein-d’autres-derrière » alors que ce n’est pas vrai puisque chacun est unique, marre des caquetages stériles et raccourcis aux encoignures qui prétendent détenir la vérité sur ce que serait une « vraie France », à savoir privée de sa pluralité, alors que ce pays est par définition un creuset (« à la croisée de »), marre, tout autant (et sans renier l’esprit de la loi de 1905), de ces maires socialo qui n’éclairent plus les Notre Dame de Paris, ces livres ouverts d’un savoir encore plus ancien qu’elles-mêmes, sous prétexte éculé de religion, symbole, si l’en était, d’un certain obscurantisme idéologique actuel, alors que l’on pourrait trouver bien d’autres solutions écologiques au service de l’éclairage public et que le dit maire ferait mieux de s’occuper des sdf qui viennent gonfler les artères de notre capitale vendues aux grands groupes publicitaires et leurs marchés juteux, marre de ce pourrissement des mentalités et de leur dégringolade vers les facilités coupables du chacun pour sa gueule et de l’après moi le déluge, marre des politiques rustinaires vernies à la démagogie.

Pour cette somme de petites écorchures qui cimentent les grands désaveux, et pour tant d’autres ras-le-bol qui débordent, et parce-qu’une démocratie n’est rien qu’une peau morte sans son agora, le Front de gauche, malgré ses incomplétudes, peut s’avérer le point de départ d’une autre voie pour la vie collective, une nouvelle façon d’imaginer l’espace géographique que l’on nomme pays avec son pendant mental et identitaire que l’on nomme nation. Finalement, l’impasse Sarkozy aura amené plus vite que prévu vers les limites du système et un besoin vital de changement. Pour que les résolutions vers un retour à l’équilibre résonnent dans toutes les aspirations au mieux être et fécondent les volontés dispersées afin d’en révéler les soleils créateurs, pour peut-être enfin dessiner un cadre où chacun puisse avoir sa place et parler hors des faucilles de la peur du lendemain, pour peut-être arriver à un vrai sens commun sans effacer l’individu, pour toutes ces raisons valables, le vote dit « utile » ou « de barrage » doit se bonifier en vote conscient. Et pour cela, il n’y a que la pratique du dialogue qui vaille, en terrain humain. Pas facile, certes, mais dans ce grand jeu des réciprocités personne n’est seul. Soyons des laboureurs infatigables d’idées pour engendrer les floraisons de demain.

– INTERMÈDE –

L’on entend, parfois, certains parler de Jean-Luc Mélenchon franc-maçon. J’oserais répondre qu’aujourd’hui, quel homme politique ne l’est pas? Et puis peut-être que ceux qui propagent ce discours ne savent pas ce que recouvre la franc-maçonnerie dans son entier. Un milieu dans lequel, certes, il faut faire attention où l’on met les pieds mais aussi porteur d’idées nouvelles (c’est en grande partie à ceux de la fin du XVIIIème siècle que nous devons la Constitution de la Ière République, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le drapeau français actuel, la Constitution des États-Unis d’Amérique bafouée également aujourd’hui). Ou d’une admiration non dissimulée de Jean-Luc Mélenchon pour Serge Dassault. Là encore, l’on pourrait y voir une craquelure dans le rouge de façade mais chacun sait que certaines amitiés peuvent naître parfois indépendamment des réflexions et idées politiques, voire en opposition, les unes n’empêchant pas les autres. La vie est truffée de ce genre de contradictions. En renversant le constat, cela tendrait plutôt à montrer que le Front de gauche n’exprime aucune aversion stupide pour le monde de l’entreprise, bien au contraire, et que son propos n’est nullement de plonger la France dans l’ère glaciaire d’un soviétisme à l’ancienne. Ce serait n’avoir rien compris au message et, pis encore, aux enjeux de notre époque. Sachons nous préoccuper de l’essentiel. Dernier point, pour les obsédés du sionisme qui prétendent à tour de bras que Jean-Luc Mélenchon n’a pas d’avis sur la question palestinienne et les abus répétés de l’État d’Israël dans la région, il en va encore d’une idée fausse et bien vite répandue…

Comme quoi il suffit d’un peu d’écoute et d’un rien de bonne volonté pour dénicher la preuve du contraire aux détour d’une interview. En ces temps de crise, il est important d’éviter les lieux communs, car ils sont le ferment des radicalismes et des raisonnements stériles.

– INTERMÈDE –

De l’autre côté de la rampe, voici le genre d’aberration crasse que propose « l’autre Front », juste pour la note grave: http://zeredac.com/2012/01/31/deremboursement-de-livg-de-confort-le-vrai-visage-du-fn-de-marine-le-pen/

Toujours en vente sous sa forme papier, édité par Librio, le programme du Front de gauche est maintenant téléchargeable gratuitement sur la page web du Parti de gauche. Idéal pour approfondir. Je le laisse également ici, pour les pèlerins de passage un peu plus pressés: l’humain_d’abord_pgm_FG

Élection oblige, Jean-Luc Mélenchon, comme tous les autres candidats, fait son show médiatique. Car, comme a dit Onfray à Poutou l’an dernier, pour obtenir le pouvoir, à un moment il faut le vouloir.

Parce-qu’une « révolution » peut très bien se faire dans le calme, parce-que la politique est estropiée de la poésie et du souffle, espérons que l’évolution de conscience soit au rendez-vous de ce prochain scrutin présidentiel, avant que ne sonne le glas des illusions à taux d’intérêts variables…

Au peuple j’ai donné autant de puissance qu’il suffit, sans rien retrancher ni ajouter à ses droits. Pour ceux qui avaient la force et en imposaient par la richesse, pour ceux-là aussi je me suis appliqué à ce qu’ils ne subissent rien d’indigne. Je suis resté debout, couvrant les deux partis d’un fort bouclier, et je n’en ai laissé aucun vaincre injustement.

Solon par Aristote, dans Constitution d’Athènes. XII, 1

– INTERMÈDE –

Une courte interview qui en dit long sur le ras-le-bol du représentatif, avec ses dérives, son inaction et sa volonté de ne pas écouter. Car les idées fortes ont l’avis dur et ne naissent pas en deux jours…

Et parce-qu’il serait dommage de ne pas en parler, l’équipe du Front de gauche compte un allié de poids dans ses rangs en la personne de Jacques Généreux, docteur de troisième cycle en sciences économiques à l’IEP de Paris, entre autres diplômes, et actuellement Secrétaire national à l’Économie du Parti de gauche. Il expose et prône, dans plusieurs ouvrages, une refonte de l’économie pour casser le néolibéralisme imposé, contre lequel il s’élève. Il ne se contente pas d’énumérer les défauts des rouages financiers, il illustre son discours par des solutions concrètes, qui structurent toute la partie économique du programme. À l’instar d’un André-Jacques Holbecq et son écosociétalisme, Jacques Généreux développe une analyse à la force démonstrative étonnante, en isolant simplement les principes de bases de la pensée économique actuelle et les mécanismes européens. Où il explique, d’ailleurs, l’idée de « tâche d’huile » d’une opposition française au sein de l’Europe.

Ici encore, retrouvons Jacques Généreux dans l’excellente émission de décryptage audiovisuel Arrêt sur images, où l’économiste développe ses solutions aux côtés de Karine Berger, également économiste et intervenante au Parti socialiste. Cette discussion/débat met en lumière les divergences entre les discours des deux formations de gauche mais aussi leurs points communs.

Ici, le blog de Jean-Luc Mélenchon, pour suivre pas à pas l’actualité du candidat écrite par lui-même, comme un journal de bord. Et parce-qu’en plus, on en apprend de belles! Restons à l’écoute de notre temps et, surtout, gardons l’oeil ouvert. Préférons la République du Loup à l’empire des requins :).

Franck Balmary.

4 Réponses to “Front à gauche!”

  1. Il n’y a rien à ajouter à cet excellent constat de la pire et ignoble des escroqueries d’état légalisées! Quelle lucidité remarquable dans l’analyse du programme initié par la vraie gauche et clamé si puissament par J.L. Mélanchon derrière qui se profile en filigrane l’aura singulière d’un professeur Jacques si Généreux, Grand Maitre en Science Economique. Un bien grand coup de Maillet et de Truelle décisif là où il fallait à tout prix le porter! *** Mais ces Bâtisseurs éclairés et généreux seront-ils entendus à leur juste mesure? Là, c’est une autre histoire…

  2. larocheauxloups Says:

    Merci :). Ce coup de crocs est issu d’une longue maturation. Çà m’a pris un certain temps de débat « entre moi-même » mais là, c’était mûr.

    Allez je file, il y a une assemblée citoyenne organisée par le Front ce soir, Paris 10ème. Car il faut toujours joindre les actes aux mots. La suite se fera dans les rencontres.

    Advienne que pourra… Merci du soutien et haut les coeurs! Rien n’est joué.

    F.B.

  3. […] d’un meeting du Front de gauche, le candidat à la présidence Jean-Luc Mélenchon, explique également les enjeux, néfastes selon […]

  4. Fécar Latte Says:

    Comme d’habitude…. j’♥…..❀

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