Le temps des châtaignes

Voilà qui résume à merveille le cirque des derniers jours, cette curée à peine croyable qui s’abat sur la France insoumise et sa figure de proue Jean-Luc Mélenchon. Une opération de perquisitions d’une ampleur inédite frappe ce mouvement d’opposition en lutte contre la gouvernance cireuse qui galope de réforme libérale en casse sociale. Une sombre affaire de comptes de campagne électorale soi-disant douteux et d’attachés parlementaires soi-disant fictifs, voilà qui entache ce petit groupe de gauche arrivé par la petite porte à l’Assemblée nationale et qui, à dix-sept membres, en à peine un an et demi, tient la dragée haute au pseudo raz-de-marée zombique de marcheurs, aux ordres de son bon roi. On ne va pas refaire le film de cette journée de vidéos prises sur le vif lors de laquelle les insoumis s’insoumettent au vaste déploiement policier, il tourne déjà bien assez sur un nombre conséquent de médias aux intentions, elles, plus que douteuses. Mais, inévitablement, se pose la question: la FI est-elle vérolée comme tant d’autres partis? Est-ce un repère de voleurs, un gang de mafieux, une secte de lanceurs de couteaux? On se souvient tout de même que leurs comptes de campagne avaient été validés et la dénonciation de fraude parlementaire par une membre du FN s’avérait une provoc sans fondement. Donc, où est le soucis? Pourquoi revenir sur ce qui avait été accepté ou démenti? Puis, on se remémore la chronologie des événements de la semaine et un détail s’impose: ils masquent le non-événement d’un remaniement ministériel à la petite semaine. Qui, pourtant, recèle quelques pépites, telle la nomination de l’insipide Christophe Castaner à l’Intérieur ou, beaucoup plus inquiétante, celle d’une lobbyiste de Danone, Emmanuelle Wagron, comme Secrétaire d’État au ministère de la Transition écologique. On imagine ce que la FI, dans toute la possession de ses moyens politiques et intellectuels, aurait eu à nous dire et pu pointer comme doigts accusateurs sur ce nouveau foutage de gueule du Roi de la Nuit, décision qui entérine le double langage écologique du gouvernement qu’évoquait Nicolas Hulot lors de sa démission.

Au lieu de ça, on ressort des « dossiers » qui n’en sont pas, on fait hurler le tribun du fond à gauche en le chatouillant là où ça va le grattouiller à coup sûr et il n’y a plus qu’à le laisser s’engluer. À grosses louchées, le gratin mass-médiatique consanguin, à l’esprit critique depuis longtemps ravagé par les effets secondaires de la concentration verticale, nous tartine chaque jour des gueulantes du camarade et tombe complaisamment dans le panneau de la grosse ficelle, celle de l’opération policière manifestement exagérée. Et, de vices de procédures en sensationnalisme télévisuel, l’on fait taire le débat et détourne l’attention. Une belle diversion façon enfant dans le dos, comme nous le rappelle Alexis Poulin, toujours aussi pertinent.

« Une comédie hypocrite qui cache que l’écologie est maintenant gérée par une ex directrice de Danone et le ministère de l’Intérieur par un joueur de poker. »

Heureusement que certains journalistes n’ont pas sabordé leur vocation en chemin ni trahi leur plume au détour d’un gros chèque de la doxa libérale. Étonnant de la part du Huffington Post, d’habitude plutôt enjoué à l’idée de casser du Méluche. Et c’est ce que Notre Président a oublié, sa faille dans la tactique: l’omniprésence d’internet, qui vit hors des canaux officiels « LCIesques » dévolus à la cause « MEDEFFist ». Néanmoins, le world wide web génère aussi son impressionnante dose de bouses, dans le genre du vomito dénégateur et péremptoire ci-dessous:

Je salue d’avance les guerrières et les braves qui auront tenu les 27mn de ce déversoir putaclic à base de « En fait », « En mode » ou « Eh mec… ». Si vous aimez vous flageller à ce point et faire du surplace intellectuel, alors cette apothéose de nullité façon youtubeur post-ado à tronche omniprésente et montage syncopé, qui s’auto-persuade de vous Enseigner et vous demande des thunes à la fin, est faite pour vous! Foi de Loup, je me contre-cogne des ricanements d’une journaleuse miniature, nous n’avons pas besoin des exposés-torchon de starlettes du blabla pour savoir quoi penser (on se goinfre déjà assez de ses cousins grandeur nature!). D’ailleurs, il suffit de parcourir les nombreuses réactions pour s’apercevoir que celle de Ma Truffe n’est pas un cas isolé (extrait ci-dessous). Car, comme dirait Alexis Poulin ou le sage chinois lambda, l’Imbécile regarde toujours le doigt! Mais, en creusant (20s dans les commentaires), il s’avère que les critiques ordurières de ce type peuvent parfois cacher des motivations bq moins désintéressées qu’il n’y paraît…

« ça suffit ! Vous étiez au PG et vous n’avez pas eu la reconnaissance que vous pensiez mériter auprès de Melenchon. Vous êtes une carriériste aux dents longues et cela devait se voir très certainement ! Vous vous vengez comme certains rancuniers qui pensaient eux aussi mériter les premières places en tant que candidat sur la liste « Maintenant le peuple ». Vous déballez des choses non vérifiées sans aucun recul en répétant inlassablement les fake news des médias mainstream et ce n’est pas la première fois ! (…) »

De la proximité à la haine…

So… Il est tout à fait permis de ne pas piffrer Mélenchon et le personnage qu’il incarne, ses saillies et ses prises de bec, d’avoir été mal à l’aise ou dérangé à la vue de sa colère homérique lors de la perquisition au siège de la FI, de ne plus supporter aucun des hommes du paysage politique actuel, si prolixes en langue de bois et autres hypocrisies, mais, pour en revenir à l’essentiel, ces faits nous racontent surtout, non pas le dérapage d’un homme engagé et pugnace, mais bien le dangereux glissement d’un pouvoir qui s’embarrasse de moins en moins de l’avis populaire et encore moins de la critique politique ou des rouages institutionnels assurant un quelconque contrepouvoir. Lorsqu’une gouvernance légifère à coups d’ordonnances, de 49.3, vide des ZAD ou impose une autoroute dans un milieu naturel fragile par la force armée jusqu’au dents, taxe ses retraités, néglige ses étudiants, appauvrit les services de santé, etc… etc… il est de notre devoir de prendre un bol de pilules rouges chaque putain de matin parce-que les lendemains risquent de déchanter méchant!

Il est vrai qu’on est en droit de se poser de sérieuses questions quant aux vices de forme d’une rafle aussi coordonnée, comme, par exemple, l’absence de PV qu’on doit normalement délivrer aux perquisitionnés. Il flotterait un faux air de Brésil ou de Vénézuela dans c’t’affaire de déstabilisation politique majeure, qu’ça m’étonnerait pas. Déstabilisation du camp social, évidemment. Toujours.

Et nous constatons à quel degré de parodie les mannequins macronistes se sont hissés, égaux à eux-mêmes, emplis d’un vide castanérien aussi abyssal que leur argumentaire est creux…

Dans cette histoire, la focalisation médiatique, avec ses éléments de langage, ses rapprochements quelque peu orientés et son rabâchage irresponsable, tient sa part de responsabilité dans l’acte de salissure, non seulement des militants et/ou des élus, mais également des procédures démocratiques élémentaires et de l’acceptation de ces dérives par une majorité de cerveaux disponibles… (une célèbre citation de Joseph Goebbels me revient brusquement en tête mais je vais la fermer)

Alors non, Mélenchon n’est pas mon idole, même si je l’écoute toujours volontiers et qu’il a rallumé, en 2011, mes racines politiques véritables, canalisé mon feu de révolte vers un horizon constructif, mais je sais me rendre compte, comme un nombre grandissant de mes concitoyens, dans quel mur fonce notre société surconsommante, écocide et malade de son hypertechnicité. Comme disait le député communiste Sébastien Jumel, hier matin à France infos, il y a deux types de réactions face à ce genre de violence, la colère frontale ou le monstre froid qui encaisse en cachant ses émotions et dégomme ensuite. Eh bien, perso, je suis comme ce député, je préfère voir une personne réagir frontalement, exploser, car, au moins, je vois qui elle est et ça prouve qu’elle est vivante. Peut-être théâtrale, excessive mais vivante. Car c’est du vivant que surgit la sincérité. Gare, donc, Ô Jupiter, Ô Notre Président, Ô monstre de glace parlant derrière l’Ombre qui T’as recouvert, ne Te frotte pas trop à cette sincérité, elle est celle d’un peuple de gaulois que Tu méprises, et méconnais, et elle T’as d’ores et déjà jeté au bûcher.

Problème démocratique, vous avez dit? Ça vous chatouille ou ça vous gratouille?

Le temps viendra, Ô marcheurs, de rendre des comptes. Et plus haute sera la Marche.

Mise à jour du 25/10/2018, la parole aux avocats:

Franck Balmary.

Une Réponse to “Le temps des châtaignes”

  1. Fécar Latte Says:

    Excellent article… Comme toujours.

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