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Notre-Dame de Paris

Posted in HERMÉTISME - ALCHIMIE with tags , , , , , , , , , , , , , on 29 août 2013 by larocheauxloups

Une cathédrale, un roman, une exégèse. A chaque étage un monument pour parler de l’Edifice. Architecture, écriture, hermétisme, une compréhension ternaire où les silhouettes de l’érudit et du poète interfèrent et se répondent sur fond d’ouvrage aux mille mains de peuple, arrière-plan monstre de F1000024l’artisanat pluriel et complémentaire d’un autre âge, fourmilière de démocratie opérative toute imprégnée d’élévation. Le plus grand des péplums du Moyen Age, voilà ce qu’ont d’abord été les chantiers gothiques, poussés comme des parterres de fleurs à grande échelle. Richard Khaitzine explore cette époque où la pierre flamboyait en dentelles, où l’Art Royal s’invitait dans le quotidien du pleutre et du quidam, déguisé en expressions ou coutumes populaires, une arène de rébus dans laquelle surnage le vernis religieux.

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F1000021An 1000. Europe. L’architecture religieuse est dominée par le style roman, expressif en solidités et lourdes arcades plein cintre. Et puis le gothique déboule, avec ses jeux de forces mécaniques équilibristes, ses fulgurances de hauteurs, son vertige de finesses imbriquées dans un gigantisme visionnaire. D’où surgissent donc, si subitement, ces force volutes qui font foule, cette inventivité dans les courbes et toutes ces rondeurs de rosaces qui virevoltent? Le gothique, nous dit Richard, « (…) apparaît en Haute Picardie au XIIème siècle et se diffuse rapidement au nord de la Loire. Ce sont les Italiens de la Renaissance qui appelèrent « gothique » ce style initialement nommé « francigenum opus », « manière de bâtir en Ile-de-France ». Le terme « gothique » fut utilisé a posteriori dans un sens péjoratif insinuant que l’art gothique était l’art des Goths, un art de barbares qui auraient oublié les techniques et les canons architecturaux romains. Un certain nombre d’historiens de l’art réfutent aujourd’hui ce jugement et montrent que, par rapport à l’architecture romane qui la précède, l’architecture gothique n’est pas tant une rupture qu’une évolution. Nous avons vu précédemment ce qu’il fallait en penser. »

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L’irruption du gothique « surprend » presque le roman, tant sa conception et son apparence innovent, tant sa propagation est rapide. Dans les murs, de larges espaces sont évidés et remplacés par des vitraux colorés. Les teintes tournoient dans le volume intérieur en suivant la course du soleil… Voilà une des nombreuses clés de la « symphonie de pierre » si bien chantée par le grand écrivain romantique, planteur de décors, souffleur d’images et imageur de mots. L’image projetée, les couleurs… en évolution, nous narrant le film d’une journée, d’un cycle, du lever au coucher. Une fin à laquelle succède un début, une éternité constituée d’une somme d’impermanences.

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Mais là où, encore, le roman d’Hugo garde un degré de cryptage, Richard Khaitzine nous invite à regarder dans le repli des sculptures, à viser les cohérences géométriques ainsi que l’agencement millimétrique des forces de poussée. Quand le roman de février 1831 est un exposé d’alchimie, d’ailleurs à peine voilé, à la geste épique et plume en majesté, dressant un hymne amoureux à la Madame dans son ensemble, il est étonnant d’encore s’étonner de nos jours au vu des zones d’ombres en nombre que soulève Richard Khaitzine avec grande précision.

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Entre clés de voûtes et rondeurs, il est surprenant de constater à quel point l’Art dit « Royal » s’exprime dans la construction même, dans l’écueil des détails techniques à surmonter pour les architectes et artisans de l’époque, bien loin de toute intellectualisation sèche et abstraite. Le lieu inscrit en lui-même, dans sa propre forme, son discours porteur. Sa matière écrit son âme le long de chaque veine de pierre, suspend sa Parole à chaque voussure ou ogive. Et même en des endroits inattendus, comme cette étrange figure de taureau rencontrée au pieds d’un pilier, au hasard du déambulatoire, vers l’abside côté nord…

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Indéniablement, le savoir faire multiple a marqué ces allées de son sceau. Tout comme en la cathédrale de Strasbourg, la Connaissance baigne les coins. À l’abri des ors, c’est une autre lumière qui pointe, persiste et signe son œuvre, un autre son de cloche qui susurre un Art de Musique intemporel…

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L’évêque de Paris Maurice de Sully est à l’origine de la reconstruction de l’église gothique que nous connaissons aujourd’hui, édifiée sur la base d’une église préexistante. Qui elle-même s’est construite sur un site bien plus ancien… Mais laissons au livre toute sa substance.

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L’art gothique est tout entier une tension verticale, une prise d’altitude presque éthérée, qui fait de ses finesses sa force. D’ailleurs, la « maquette » ou le « plan » du gothique se trouve assez bien résumé dans la composition de certains vitraux…

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Notre-Dame de Paris n’est donc pas un monument anodin, même si cet univers en-soi est rentré dans le paysage quotidien de nombre de Parisiens.

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F1000017« En général, les cathédrales sont uniquement perçues comme des édifices religieux et rares sont les lecteurs sachant que ces constructions sont porteuses d’un symbolisme ayant trait à l’ésotérisme et, plus précisément, à l’alchimie. (…) Plutôt que que de me livrer à un exposé rédhibitoire concernant un sujet peu ou pas enseigné, j’ai préféré avoir recours à une construction plus ludique, permettant de prendre le lecteur profane par la main, F1000008afin qu’il en découvre les fascinants secrets et mystères à son rythme. (…) La démarche ressemble, toutes proportions gardées, à celles qu’adoptent les auteurs de bons thrillers. Dans ce genre de littérature, en présence d’un cadavre, l’enquêteur commence par étudier la scène de crime, à la recherche d’indices. Dans un second temps, il s’intéresse à la vie de la victime afin de déterminer un mobile quelconque. Quant à la traque de l’assassin, il arrive, parfois, qu’elle oblige le policier à suivre un certain nombre de fausses pistes, voire de pistes secondaires.

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Dans le domaine qui nous occupe, il n’y a rien d’aussi morbide; ce que je vous invite à découvrir, ce n’est pas le nom d’un assassin mais celui d’un mystérieux sujet, qui change de forme et d’identité, un peu à la façon d’Arsène Lupin ou de Fantômas. Et ce sujet n’est rien d’autre que le moteur de tout ce qui vit.

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L’analogie dont je viens d’user n’est pas fortuite. Même si le lecteur moderne l’ignore, tous les arts, en particulier la littérature populaire – ou non, d’ailleurs – servirent de courroies de transmission destinées à ce que les connaissances secrètes ne se perdent pas.  Ceci est vrai concernant l’œuvre de Jules Verne, comme celle de Victor Hugo, dont les romans mériteraient d’être relus à la lumière de ce qui vient d’être dit car, sous le sens littéral du texte, s’en dissimule un autre. »

Richard Khaitzine.

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Nous voilà donc prévenus, camarades! Il convient de faire attention, de perce-voir (pour « voir ça » ou savoir) au-delà du mur des apparences afin de mieux comprendre notre 9782070345830monde. Lire le Notre-Dame d’Hugo n’est pas indispensable à la lecture du Notre-Dame de Khaitzine mais ajoute tout de même un plus. Passé dans le domaine public, ce chef d’œuvre du XIXème siècle se trouve n’importe où, dans tous les formats, toutes les dimensions, à tous les prix. Et s’il était une édition de poche à retenir, j’enjoins le lecteur de ces lignes qui n’aurait pas encore lu ou parcouru le roman, de s’emparer de l’édition de Benedikte Andersson chez Folio Classique. Tout y est décortiqué avec une étonnante perspicacité: histoire, notes hugoliennes d’époque, coutumes et documentation médiévales dans lesquels a pioché l’écrivain, et… le sujet alchimique, très ouvertement et longuement exposé. Chose rare qui en fait un must du genre.

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Une très bonne introduction, s’il en est, à l’étude que Richard Khaitzine soumet à notre sagacité (et qui abonde parfois dans le même sens que lui, pour lui avoir soumis personnellement un point d’analyse, lors d’une correspondance mail). Fait étrange, le livre de Richard s’est dégradé au fur et à mesure de la lecture. L’arrête s’est brusquement cassée en deux dans la longueur, décollant ainsi les pages du centre en bloc, le film plastique protégeant la couverture est aussi parti en lambeaux. Cette dégradation à pas de loups n’aura pas empêché le plaisir de la lecture ni l’envie de garder précieusement ce propos qui invite aux nombreuses réflexions. Une mine d’infos précieuses pour qui souhaite approfondir sa connaissance du lieu. L’objet livre m’a fait le coup du nigrido mais m’a transmis son esprit, sa substance, qui vit maintenant en moi.

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Un livre très complet, « Mon ouvrage le plus abouti » a coutume de dire l’auteur, sorti le 20 novembre 2011 aux éditions e/dite, que l’on trouve encore, via la toile:

http://www.laprocure.com/paris-colombe-saint-esprit-langue-oiseaux-richard-khaitzine/9782846083089.html

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Assurément à ne pas louper.

9782846083089FS

Franck Balmary.

P.S.: toutes les photos de Notre-Dame de Paris ici présente sont la propriété intellectuelle et morale de leur auteur, Franck Balmary. Elles ont été prises le 13 février 2013, lors de l’exposition des nouvelles cloches qui furent accrochées dans la cathédrale au mois de mars 2013.

Introduction à mon apologie

Posted in HERMÉTISME - ALCHIMIE with tags , , , , , , , on 24 juin 2012 by larocheauxloups

Alors il ne s’agit pas de la mienne, d’apologie, que le manant se rassure! Il est question ici d’un sujet récurrent de ces dernières années. Mais qui récure par le bas avec une méchante propension à virer vers la croyance pure et dure, mais plus dure que pure. Ainsi, il est des ouvrages que l’on rencontre au hasard mais dont on se demande si le hasard n’aurait pas forcé la rencontre. C’est la question qui m’assaille après la lecture inattendue de cette Introduction à mon apologie, car elle pointe son nez à un moment charnière de mon parcours personnel et de la compréhension que j’en ai. Un télescopage, une rencontre, que dis-je un bienfait, peut-être pas si innocent qu’il n’y paraît…

Remercions vivement l’éditeur pour ce dépoussiérage, il tombe à point nommé en notre drôle d’époque et brille de probité intellectuelle, doublé d’un vrai travail de documentaliste, si ce n’est d’historien. En effet, nous découvrons des écrits signés de la main d’Adam Weishaupt, père fondateur du non moins célèbre ordre des Illuminés de Bavière, cause, nous dit-on, de tous les maux du monde moderne. Mais qu’en est-il vraiment? Car, à se pencher sur ces quelques lignes, forcé d’admettre qu’arrivé au bout, on fait plutôt le constat inverse! Tout d’abord, une préface retrace l’historique de l’ordre, à laquelle suit un texte d’Adam Weishaupt, la fameuse Introduction à mon apologie précitée. Ce dernier y expose les raisons, selon lui fallacieuses, et les méthodes mensongères du gouvernement de Bavière qui ont provoqué l’interdiction de l’ordre en 1784, suivi de son bannissement personnel du pays. Ambiance…

Ma gloire et mon illustre nom y ont couru un tel danger, que j’éprouve le besoin de convaincre mon auditoire et mes adversaires que mes intentions étaient des plus pures et des meilleures. Ce fut le but de mes écrits publiés jusqu’alors.

Adam Weishaupt

Fondé le 1er mai 1776 et d’abord nommé le Bund der Perfektibilisten (Cercle des Perfectibilistes), voué à engager une recherche de perfectionnement personnel que l’individu mène sur lui-même par le biais d’une règle de conduite, l’ordre se transmute en Illuminatenorden (Ordre des Illuminés) en 1778, avec le but avoué d’amener la société entière à fonctionner selon un schéma de cercle vertueux. Le perfectionnement individuel étant la clé d’un nivellement vers le haut plus général, il doit ainsi permettre de minimiser les bassesses comportementales type copinage, corruption, séduction, soumission, etc… Car le propos des Illuminés réside tout entier dans le postulat suivant: amener tout membre de l’ordre à une haute conscience de sa liberté propre et de sa force créatrice intrinsèque, pour qu’il puisse influer sur les structures d’État ou, plus simplement, autour de lui. Tout cela est exprimé largement dans la troisième partie du livre, où l’on découvre les rituels primitifs de l’ordre, publiés anonymement en 1788 mais attribués à Johann Heinrich Faber. Primitifs car ils ont évolués et ont été remaniés par la suite, avec l’arrivée du jeune baron Adolph Von Knigge au sein de l’organisation. Mais ces premiers points de règlement intérieur, de rituels d’admission ainsi que les principes directeurs, émanent très probablement d’Adam Weishaupt lui-même.

Contrairement aux idées boueuses et infondées colportés par le prêtre jésuite Augustin Barruel, qui affirmait que la Révolution française avait été l’aboutissement d’un complot des philosophes et des franc-maçons influencés de manière significative par les Illuminés de Bavière, le but de l’Illuminatenorden était en réalité diamétralement opposé à toute idée de révolution ou de cassure politique violente, et encore moins favorable à des régicides sanglants. Et ce malgré une certaine adhésion aux idées des Lumières provenant de France. Ce type de velléités, souvent attribuées aux Illuminés par une vindicte faussée nourrie de méconnaissance, sont totalement absentes des prérogatives de l’ordre. Entre parenthèses, on admire le simplisme d’un tel discours, tellement caricatural qu’il en devient magnifique: même si, en sous main, une classe bourgeoise affairiste voyait d’un bon œil le renversement de la monarchie, et l’a sûrement appuyé de tous ses vœux de réussite, que fait-on de la colère d’une population sans laquelle rien ne serait arrivé? Compte-t-elle autant pour des cacahuètes? Barruel méprisait-il à ce point l’histoire et les gens qui l’ont faite? Pourtant, ce genre de diatribes réactionnaires, que Barruel a compilé dans ses Mémoires pour l’histoire du Jacobinisme parues entre 1797 et 1799 (soit plus d’une décennie après la dissolution de l’ordre des Illuminés, preuve, s’il en était, d’un acharnement certain) sont tenaces et l’on en ressent les ravages intellectuels encore aujourd’hui. Du copié-collé qui n’a pas évolué d’un poil de cul-de-chatte! Évidemment, les dérapages à répétition de la sphère financière avec son pendant d’autoritarisme étatique (pour ne pas dire super Étatique), offre son flanc droit, voire extrême droit, aux discours paranoïaques confortables, et aux conclusions tronquées. En bon automatisme mental, il est, en effet, toujours plus facile de désigner des boucs émissaires que de chercher à s’améliorer ou s’interroger soi-même… Les Illuminés avaient parfaitement compris la nécessité de ce nettoyage intérieur, clé indispensable aux grands accomplissements. Les intentions de l’ordre étaient donc bien plus prosaïques que ce que la mauvaise science-fiction continue de broder autour, puisque celui-ci se donnait pour but le bien-être général et y consacrait toutes ses forces. Objectif d’une simplicité complexe, dont on pourrait seulement railler l’utopie touchante, étant donné la nature humaine.

Statuts Généraux de l’Ordre.

Pour le soutien et la sûreté des membres de cette association, qu’ils soient potentiels ou actifs, et pour prévenir toute supposition infondée et tout doute anxieux, l’O déclare avant tout qu’il n’a nullement pour dessein d’encourager les opinions et actes portant atteinte à l’État, à la religion, aux bonnes mœurs ou aux siens. Toutes ses intentions et son effort visent uniquement à éveiller l’intérêt de l’homme pour l’accomplissement et le perfectionnement de son caractère moral, à inspirer l’esprit d’humanité et de société, à empêcher les mauvais desseins de se réaliser, à aider la Vertu opprimée et indigente contre l’injustice, à songer à l’avancement des personnes méritantes et à rendre universelles les connaissances humaines encore majoritairement cachées. Voilà le but déclaré de l’Ordre; tout le reste compte pour rien. Si les membres devaient un jour rencontrer ici où là quelque chose d’inattendu, ils peuvent être assurés que, contre l’usage de certaines autres associations, l’on y promet moins, mais l’on tient plus. Cependant, un membre qui voudrait entrer dans l’O dans l’espoir d’une grande puissance ou richesse future, pourrait ne pas y être le mieux accueilli.

Voilà un programme qui se passerait de commentaires… Pas de traces de « destruction des États », ni des identités culturelles ou religieuses dans ce court extrait… « Circulez, y’a rien à voir », comme dirait l’autre! Ces conneries rapiécées avec des bouts de ragots inventés ne sont pas plus au menu des Illuminés que la mygale géante rôtie ne l’est à celui du Fouquet’s! Les faiseurs de légendes et autres fins limiers à la petite semaine peuvent remballer leurs plumes marbrées d’idées noires. Les têtes d’enclumes sont reines aux pays des mauvaises foi et n’ont plus qu’à plier les gaules en oubliant leurs fausses pistes. Que les hauteurs envisagées ci-dessus puissent un jour éblouir les légions d’aveugles. Même si des intérêts dits « supérieurs » pilotent aujourd’hui notre monde de capitalisme en déroute, au détriment des plus faibles, même si des États (que nous ne nommeront pas) exercent des politiques militairo-économiques de type impérialiste ou agressif, même si l’on nous fait avaler la médiocrité par tous les porcs, télévisuel ou OGMs, à coup d’information surabondante et non décryptée, même si ces comportements avérés et hautement nuisibles pourrissent l’ambiance, tout cela fait partie intégrante de la nature humaine. Mais il ne faut pas tout mélanger. Car ce sont précisément le type de dérives et d’état d’esprit néfaste, contraire à la bonne marche du monde, qu’une association comme celle des Illuminés, deux siècles et demi avant nous, s’engageait à combattre. Ou plutôt à désamorcer à la racine par la diffusion de la connaissance, ce qui est autrement plus subtil. Il faudrait donc que certains esprits étroits, psychologiquement inaptes à l’analyse plurielle, finissent par comprendre que l’histoire du monde n’a pas été planifiée par une smala improbable de 30 vieillards en mal de pouvoir, planifiant nos destinées de fourmis depuis deux siècles et demi du fin fond de leur loge (Skull & Bones ou « Illuminatis »). Il serait bon pour eux d’atterrir et de s’éveiller au principe de réalité, bien plus nuancé que les schémas de pensée dignes d’adolescents en mal de sensations. D’ailleurs, si une telle entreprise a échoué après 8 ans d’une courte vie, bien que très active, c’est peut-être qu’au-delà de la botte autoritaire du régime de Bavière, elle s’est aussi retrouvée en face de ses propres contradictions, en tous cas traversée de frictions entre certains de ses membres. Pourtant, même le mouvement de radicalisation antireligieuse, présent au sein de l’Ordre à la fin de sa vie, n’était que le fait d’une minorité, non cautionné par Weishaupt qui plus est.

Il est triste de devoir devenir son propre louangeur. Je suis dans cette situation.

Adam Weishaupt

Ce livre nous conte l’histoire d’un groupe d’hommes en phase avec les idées humanistes de son époque, épris de Justice autant que de justesse et de droiture, croyant en un monde meilleur et n’ayant eu pour toute folie que de vouloir appliquer cette utopie en environnement hostile. Pour cette audace insolente, Adam Weishaupt aura fini en exil à la cour de Haute Saxe voisine, pas malheureux mais séparé de sa famille et vilipendé. La société qu’il avait fondé n’avait déjà plus rien de secret au début des années 1780, mais ses intentions sont restées obscures et mal comprises, durablement décrédibilisées, jusqu’à nos jours. La manipulation de documents orchestrée par le Prince Électeur de Bavière aura porté ses fruits de discorde et aura servit de prétexte à la dissolution et l’interdiction définitive de l’Illuminatenorden. Les inventions de Barruel auront tout autant souillé ce mouvement qui ne réclamait pas autre chose pour l’Homme que de lui faire retrouver sa dignité. L’ordre ne se relèvera jamais de ces coups de poignard dans le dos, c’est un fait. Ainsi en va-t-il de la nature humaine, trop tordue pour percevoir les splendeurs de la Lune qu’on lui indique d’un doigt discret mais souvent à l’aise pour cracher sur ce doigt, si discret soit-il. Mais les braves qui, délaissant les racontars, feront l’effort de parcourir le chemin des préceptes de l’Illuminisme y glaneront assurément quelques lueurs.

En bon complément ou introduction au livre, voici une interview de l’éditeur (également traducteur), Lionel Duvoy, particulièrement instructive quant au contexte mouvementé, et finalement assez mal connu, de la fin du XVIIIème siècle.

Nous devons cet ouvrage aux Éditions Grammata, conjointement avec les Éditions Post-Scriptum. Malheusreusement, le livre s’est quelque peu raréfié et il est difficile aujourd’hui de le trouver, même sur la toile. Mais cette étude survit en divers web endroits, notamment sur le site esoblog.net qui lui consacre un résumé suivi d’un extrait. On retrouve également une toute récente page facebook dédiée au livre et à la sortie des parties censurées des écrits de Weishaupt. Page sur laquelle nous apprenons que nous devons ce travail d’éclairage et d’exhumation à l’ésotériste et franc-maçon Serge Hutin. Où Serge Hutin nous parle du véritable but de l’abolition des hiérarchies sociales prônée par Weishaupt, afin de faire advenir un système fondé sur l’égalité de chaque citoyen et l’équité. Sorti en juin 2010, le livre a été réédité en janvier 2012.

Franck Balmary.

L’Alchimie, par Richard Khaitzine

Posted in HERMÉTISME - ALCHIMIE with tags , , , , , , , , , , on 5 Mai 2009 by larocheauxloups

Qu’est-ce que l’Alchimie ?

Également dénommée Art d’Hermès, du nom du dieu Grec, ou Art de Musique, l’Alchimie est une Science et un Art. Elle n’a aucun point commun avec la chimie rationaliste. L’Alchimie est une philosophie, une métaphysique. C’est ce qui fit écrire au plus grand des alchimistes contemporains: « La chimie est, incontestablement, la science des faits, comme l’alchimie est celle des causes. La première, limitée au domaine matériel, s’appuie sur l’expérience; la seconde prend de préférence ses directives dans la philosophie. Si l’une a pour objet l’étude des corps naturels, l’autre tente de pénétrer le mystérieux dynamisme qui préside à leurs transformations. » (Fulcanelli – Les Demeures Philosophales – Tome1).

Ce même auteur précise : « Au surplus, il ne nous paraît pas suffisant de savoir exactement reconnaître et classer des faits ; il faut encore interroger la nature pour apprendre d’elle dans quelles conditions, et sous l’empire de quelle volonté, s’opèrent ses multiples productions. L’esprit philosophique ne saurait, en effet, se contenter d’une simple possibilité d’identification des corps ; il réclame la connaissance du secret de leur élaboration. » Contrairement au chimiste qui s’attache à l’étude de la matière inerte, l’Alchimiste dirige ses recherches vers l’animateur inconnu, agent de tant de merveilles.

Cette différence qu’établit Fulcanelli entre la science positiviste et l’alchimie on peut en retrouver l’écho sous la plume de l’un de nos plus grands auteurs populaires du XXe siècle. On peut lire sous la plume du jovial et facétieux Gaston Leroux, dans Le Mystère de la chambre jaune, cette réflexion du jeune reporter Joseph Rouletabille, évoquant le mode de travail du policier Frédéric Larsan: « J’ai cru que Fred était beaucoup plus fort que cela… Évidemment, ce n’est pas le premier venu… J’ai même eu beaucoup d’admiration pour lui quand je ne connaissais pas sa méthode de travail. Elle est déplorable… Il doit sa réputation uniquement à son habilité ; mais il manque de philosophie… ». Ce qui pourrait passer pour une coïncidence n’en est pas une, et il y aurait beaucoup à dire en ce qui concerne l’Œuvre de l’auteur du Fantôme de l’Opéra.

La seule définition valable de l’alchimie est celle qu’en donna Fulcanelli: « L’alchimie est la permutation des formes par la lumière, autrement dit le feu, ou mieux, l’Esprit. »

Demeures Philosophales :

Cette expression désigne « tout support symbolique de l’hermétique Vérité, quelles qu’en pussent être la nature et l’importance. À savoir, par exemple, le minuscule bibelot conservé sous vitrine, la pièce d’iconographie, en simple feuille ou en tableau, le monument d’architecture, qu’il soit détail, vestige, logis, château ou bien église, dans leur intégralité. »

LES ACTEURS DU DRAME ALCHIMIQUE.

* Le Sel

* Le Soufre

* Le Mercure

Les anciens admettaient que l’Homme possédait une composition trinitaire, qu’il était constitué d’un corps, d’une âme et d’un Esprit et qu’il y avait identité de nature entre la substance (la matière) et l’essence des choses (ce qui en est l’origine). Cette approche constitue la fameuse théorie de l’unité de la matière qui fut violemment combattue et ridiculisée par la science officielle, du moins jusqu’à ce que les découvertes de la physique quantique (de quanta: grains d’énergie) aient bouleversé nos conceptions de l’univers. De nos jours, les physiciens admettent que, l’origine de la matière pourrait bien résider dans la Lumière, voire dans un dynamisme vibratoire, ce qui est plus exact.

Dans ce système de pensée, l’Esprit ou essence première volatile donne naissance à l’âme, celle-ci engendrant le corps en s’y fixant. Par suite, âme et corps participent de la nature de l’Esprit. Les religions n’ont jamais enseigné autre chose. Aussi ce n’est pas sans logique que le célèbre texte connu sous le nom de Table d’Émeraude, et attribué à Hermès, affirme que: « ce qui est en haut est comme ce qui est en bas et que ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ». Pour les anciens, il n’existait pas de différence concernant la constitution des trois règnes. Ce qui était vrai dans le règne animal -dont l’Homme-l’était nécessairement dans le domaine du végétal et du minéral, et ce qui s’appliquait à notre Terre restait vrai au niveau de l’Univers.

Le terrain d’élection des alchimistes fut exclusivement le règne minéral. Les textes hermétiques, lorsqu’ils mentionnent le Sel, le Soufre et le Mercure, n’entendent pas nous parler des corps chimiques vulgaires que nous désignons par ces noms. Ces trois mots désignent respectivement le corps, l’âme et l’Esprit des métaux. Tout l’art de l’Alchimiste, ou du Philosophe par le feu, comme on le nomme parfois, consiste à savoir fixer le volatil (faire descendre l’esprit dans le corps) et à volatiliser le fixe (spiritualiser le corps ou matière). Dans ce double processus réside tout le secret de la vie et de la mort et c’est la connaissance de ces mécanismes qui fonde l’Alchimie.

Pour autant, ce fixe et ce volatil ne se trouvent jamais, dans la réalité, séparés l’un de l’autre. Car nulle part dans l’univers on ne saurait concevoir d’esprit qui ne soit revêtu de quelque matière, aussi ténue soit-elle, pas plus que de matière qui ne renferme de l’esprit. Dans la pratique de l’Œuvre, l’agent ne se présente jamais sans le patient, ni le patient sans l’agent. Il n’est pas de mercure qui ne porte son soufre, ni de soufre qui ne soit baigné dans son mercure. Aussi n’est-il pas rare de voir dans les traités le sel porter le nom de soufre ou celui de mercure, en fonction de la phase considérée dans le processus opératif et donc de l’avancement des travaux. Là réside la première des difficultés à surmonter, comprendre ce qu’on lit!

L’ALCHIMIE… UNE AGRICULTURE CÉLESTE

Les anciens désignaient souvent l’alchimie sous le nom d’agriculture céleste -eux-mêmes se faisant appeler Laboureurs du Ciel- parce qu’elle offre dans ses lois, ses circonstances et ses conditions le plus étroit rapport avec l’agriculture terrestre. De même qu’il faut une graine afin d’obtenir un épi, de même il est indispensable d’avoir tout d’abord la semence métallique afin de multiplier le métal. Chaque fruit porte en soi sa semence, et tout corps, quel qu’il soit, possède la sienne. Le pivot de l’art consiste à savoir extraire du métal ou du minéral cette semence première. C’est la raison pour laquelle l’artiste doit, au début de son ouvrage, décomposer entièrement ce qui a été assemblé par la nature, car quiconque ignore le moyen de détruire les métaux, ignore aussi celui de les perfectionner. Telle est la raison d’être du célèbre axiome « Solve-Coagula » (dissoudre et coaguler). Cet axiome a été magnifiquement illustré, en littérature par l’écrivain Raymond Roussel  (1877-1933) dans son livre Les Nouvelles Impressions d’Afrique. En effet, ce livre, étrange, Roussel le rédigea, puis il le fractionna, en partie, en cinq textes mis entre des parenthèses allant d’une parenthèse simple à des parenthèses quintuples, de façon à obtenir six textes. Puis il ajouta un septième texte par voie de notes, à charge pour le lecteur de réunir les fragments. Cet exercice de style agace encore la perplexité des exégètes. Malicieusement, Roussel avait pourtant expliqué, de son vivant que, primitivement, il avait eu l’intention de composer son livre à l’aide d’encres de couleurs différentes, mais qu’il avait dû renoncer à ce projet en raison du coût élevé de l’entreprise. Roussel étant milliardaire à l’époque, on ne peut que s’en étonner. En réalité, Raymond Roussel souhaitait attirer l’attention de ses lecteurs potentiels sur Les Sept nuances de l’Œuvre, expression qui s’appliquait tout autant à sa création littéraire qu’à l’Alchimie, dont l’un des textes les plus connus porte ce titre. Par conséquent, Les Nouvelles Impressions d’Afrique n’étaient qu’une allégorie souriante de l’Art hermétique et de son axiome. Personne ne s’en étonnera sachant que Roussel avait pour précepteur un homme qu’il surnomme, affectueusement, Volcan, dans un livre posthume, et que ledit précepteur ne fut autre que le futur signataire du Mystère des Cathédrales et des Demeures Philosophales: Fulcanelli.

Ayant obtenu les cendres du corps, celles-ci seront soumises à la calcination, qui brûlera les parties hétérogènes, adustibles, et laissera le sel central, semence incombustible et pure que la flamme ne peut vaincre. Ce sel central, les alchimistes lui ont appliqué les noms de soufre, premier agent ou or philosophique. Le soufre est la partie mâle de l’Œuvre.

Quant au Mercure, ou part femelle, il constitue la mère et la nourrice de cette semence d’où naît l’embryon. L’Œuvre commence par la recherche des moyens simples et efficaces capables d’isoler ce mercure métallique, de le purifier et d’exalter ses facultés à l’instar du paysan qui augmente la fécondité de l’humus en l’aérant fréquemment, en lui incorporant les produits organiques nécessaires. Tout l’art alchimique se résume à découvrir la semence, soufre ou noyau métallique, à la jeter dans une terre spécifique, ou mercure, puis à soumettre ces éléments au feu, selon un régime de quatre températures croissantes. Il y a un parallèle intéressant à établir entre le bain ou liquide mercuriel, engendrant l’embryon de Soufre, et le liquide amniotique au sein duquel se développe le fœtus.

Origines et supports de L’Alchimie

L’Alchimie est née en Orient et s’est répandue en Occident par les voies byzantine, méditerranéenne et hispanique. Les Arabes éducateurs des Grecs et des Perses transmirent à l’Europe la Science d’Égypte et de Babylone. Au XIIe siècle, ce furent les Croisés qui importèrent la plupart des connaissances anciennes de Palestine. Les mythologies, les religions, la sculpture, l’architecture religieuse et civile, la peinture, la littérature, les contes pour enfants, les comptines et les locutions populaires, furent autant de véhicules qui, sous le couvert d’un sens littéral, transmirent des connaissances ésotériques. Pour ce faire, les artistes utilisèrent un langage particulier basé sur les à-peu près phonétiques. Les rébus, les charades, les homophonies, les jeux de mots furent autant de moyens dont usèrent les Philosophes afin de masquer leur pensée. Ainsi qui s’est aperçu que « Peter Pan » (la Pierre Universelle) n’était qu’une allégorie d’Hermès (maître des lieux souterrains, de la mer et des airs) et de la Pierre Philosophale? De même, les contes de Ma Mère l’Oye, repris par Perrault, sont à bien entendre (oyez… oyez… disaient les anciens pour écouter) et possèdent la même fonction. Les locutions « faire du potin, du tintamarre ou un potin de tous les diables » sont les gardiennes de la Tradition alchimique et cachent l’identité du métal à utiliser. Les jeux (de l’Oie, échecs, Nain Jaune etc…) les fêtes (Galette des Rois, Chandeleur, Mardi-Gras…) sont autant de véhicules du symbolisme alchimique. En sculpture la démarche était la même et les images remplaçaient les mots.

Ainsi, un singe, sculpté sur un édifice et montrant ses fesses, désignait l’Alchimiste, celui qui singe ou imite la Nature et s’il montrait de façon impudique son « cul », c’était afin de suggérer l’anagramme « Luc »: la Lumière, celle dispensée par la Lune, terme dont le langage populaire se sert afin de désigner, justement, le postérieur… et ses deux quartiers! Si la façade des Cathédrales affecte la forme graphique de la lettre H c’est pour le même motif. En effet, il s’agit de l’initiale de Hélios (le soleil) et de Héllé (la déesse Lune des grecs archaïques). Toute faute de gravure ou objet pointé du doigt par un personnage étaient destinés à attirer l’attention du visiteur sur le caractère symbolique de l’oeuvre nécessitant une lecture différente. Les monuments ou même les objets comportant un message de nature alchimique sont dits être des « Demeures Philosophales ». Les reconnaître est aisé, dès lors qu’ils sont accompagnés de l’objet suivant:

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Ce ruban, ou listel est un phylactère, un ornement dont l’équivalent grec a le sens de « garder, préserver, conserver », car sa fonction est de protéger le sens occulte de la composition qu’il accompagne. De même, cette figure losangée, ou rhombe, est souvent l’indice qu’il vaut mieux se méfier. En effet, le mot qui, en grec, désigne un rhombe, visible sur la cheminée du château de la famille d’Estissac -les protecteurs de Rabelais dont toute l’œuvre possède un caractère alchimique- a le sens de « se tromper, s’égarer, tourner autour de ». Dans le domaine de la littérature populaire, même au XXe siècle, nous retrouvons d’amusantes allégories. Ainsi, comme nous l’avions déjà donné à entendre, Arsène Lupin, par exemple, gentleman-cambrioleur force les portes les plus hermétiquement closes, tout comme les cœurs féminins, et toujours avec « Esprit ». Quoi de plus normal puisqu’il est une image du « Mercure » qui, comme lui, est insaisissable et change de formes et de noms à volonté? Et, d’ailleurs, le dieu grec Hermès, devenu le Dieu Mercure des Romains, n’est-il pas le patron des voleurs? On notera, avec amusement que le prénom de Lupin, Arsène, est proche phonétiquement de Larsan, personnage de Gaston Leroux, policier et meurtrier. Larsan et Arsène désignent le mâle, l’Homme. Si Leroux appela ainsi son criminel, c’est afin de rappeler ce que disent les Alchimistes des métaux, à savoir que ces derniers, dans la mine, « ont été tués par l’industrie humaine ». Nous verrons ultérieurement que Le Mystère de la Chambre Jaune n’est pas seulement une énigme policière visant à expliciter comment l’assassin s’y est pris afin d’entrer, puis de sortir d’une pièce hermétiquement close… ce qui se montre déjà très allusif de l’Alchimie.

Si Arsène Lupin symbolise le Mercure alchimique de L’Œuvre, qualifié de blanc, les personnages de Gaston Leroux « souffrent » tous parce qu’il en fit des allégories du « Soufre », acteur de l’Œuvre au rouge.

Sur un plan technologique, le Théâtre d’Ombres du célèbre cabaret Montmartrois Le Chat Noir (1881-1897), cabaret qui fut fondé par l’Alchimiste Fulcanelli et ses amis, tous membres du gotha artistique, politique et industriel de l’époque, ainsi que le cinématographe des frères Lumière, reposent sur le principe de « la permutation des formes par la lumière », dont nous avons dit qu’il s’agit de la définition exacte de l’Alchimie.

La transmutation des métaux en or est-elle possible?

La réponse est oui, bien qu’elle soit de peu d’intérêt et ne soit pas le but recherché. En fait il s’agit d’un simple test destiné à prouver que l’Alchimiste est sur la bonne voie, celle qui mène à l’obtention de la Pierre Philosophale qui lui permettra d’accéder à « une forme d’immortalité » et non à l’immortalité physique. La transmutation en argent ou en or des métaux (étain, plomb…) se réalise à l’aide de deux sortes de poudres dites de « projection ». L’or obtenu est à 24 carats, mais plus pur que l’or en circulation, ce dernier comportant des impuretés, ce qui n’est pas le cas de l’or alchimique. Au début du XXe siècle, un alchimiste français se présenta à l’Hôtel de la Monnaie afin de vendre sa production (76 kilos d’or alchimique). L’Administration se saisit de cet or au prétexte qu’il était interdit de savoir le fabriquer. L’affaire fit quelque bruit. Outre ce fait, les preuves matérielles et historiques de transmutations effectuées et réussies abondent.

Des pièces obtenues à partir d’or alchimique ont été reproduites dans la « Revue Numismatique » de 1867. Lesdites pièces furent frappées chez le Landgrave de Hesse et à la cour du Roi de Suède Gustave-Adolphe. En 1648, à Prague, le Roi Ferdinand III assista à une transmutation et fit frapper une médaille avec l’or obtenu. Il existe de nombreuses autres pièces et médailles de ce type. La preuve la plus éclatante de l’authenticité des transmutations est de nature juridique. Au XVIIIe siècle, Lascaris, pourchassé, trouva refuge au château de la comtesse Anne-Sophie d’Erbach. Afin de remercier la Dame, Lascaris proposa de transmuter sa vaisselle d’argent en or. Lascaris transmuta une vieille bassine. Le lingot obtenu fut analysé par un orfèvre et reconnu comme étant bien de l’or. La Comtesse confia toute sa vaisselle laquelle fut transmutée d’argent en or. L’affaire eut des suites. La Comtesse vivait séparée de son époux Frédéric-Charles, or ce dernier ayant appris l’histoire de cette transmutation, réclama sa part au prétexte qu’il s’agissait d’une augmentation du capital familial. Il fut débouté par arrêt du Tribunal de Leipzig, en 1733 (Putonei, Enunciata et consilia juris Leipsiae, 1733).

Quant à la recherche de « l’Immortalité » la place nous manque pour en traiter, d’autant que pour comprendre, il nous faudrait rédiger de longs développements concernant les relations entre la philosophie fondamentale du Bouddhisme d’origine, selon laquelle le « monde est illusion », et le nouveau credo de la physique, laquelle reconnaît que la matière n’existe pas en tant que telle, qu’elle est « un comportement sensible, un événement devenu tangible », autrement dit qu’elle est virtuelle et en perpétuel devenir. Ce propos n’est pas sans résonance avec un film américain, devenu déjà culte: Matrix (la Matrice). Ceci trouve un écho curieux avec le fait que l’Alchimiste cherche à réaliser l’union de la lumière et de la matière et que, pour ce faire, il commence par préparer la « matrice » que constitue ladite matière. « L’immortalité » en question doit se concevoir comme une traversée du « miroir des apparences », ainsi que suggéré par Jean Cocteau dans « Orphée ».

L’Alchimie est-elle catholique ?

Le terme catholique possédant l’acception d’universelle, l’alchimie est effectivement catholique. Pour autant, il serait téméraire de vouloir la subordonner au dogme de l’Église et ce serait mettre la charrue avant les bœufs! Il est probable que les Alchimistes, héritiers de la Gnose d’Alexandrie, n’ignoraient rien des conditions douteuses qui présidèrent à l’apparition des dogmes chrétiens. Ils usèrent de l’hagiographie chrétienne comme ils l’avaient fait de la mythologie et du panthéon païen, afin d’illustrer leurs propos.

Contrairement à ce que voudraient donner à entendre certains milieux officiels, les cathédrales et les églises ne sont pas uniquement des lieux voués exclusivement au culte. Le caractère profane de l’inspiration des lapicides qui en exécutèrent la statuaire suffirait à démontrer l’inanité d’une telle thèse. Ce furent les Frimasons ou Francs-Maçons du moyen-âge qui édifièrent les chefs-d’œuvre du Gothique, encore dénommé Art Ogival. L’Art Gothique ne doit rien aux Goths, il est expression de l’argotique ou de l’art goétique. Les Frimasons étaient des argotiers ou argo-nautes et usaient du langage parlé sur le navire Argo, vaisseau (mot ayant anciennement aussi le sens de vase) menant Jason à la conquête de la Toison d’Or. Ce mythe n’est, au demeurant, qu’une allégorie expressive et naïve de l’une des voies alchimiques, celle qualifiée d’humide, par opposition à la voie dite sèche. Cette langue, était la Langue Verte: l’Argot, le langage des initiés, la cabale phonétique, le petit langage des enfants, le pun, la langue du cheval de Jonathan Swift, le gay-savoir, le lanternois, la gaye-science de Rabelais, le jobelin, le coquillard de François Villon, la Langue des Oiseaux, ou des oisons, selon la forme ancienne, à l’époque de Marie de France, expression à entendre, en franglais: oie-sons… les Fils de l’Oie. L’art gothique est l’art .. (cot), mot grec signifiant lumière. Par suite, le Gothique est l’art de la lumière ou de l’Esprit. Par suite, il n’est pas étonnant de constater que les monuments religieux soient des pendants de l’architecture civile et aient servi de supports au symbolisme hermétique et alchimique. Les églises et cathédrales nous parlent moins la Langue des grenouilles de bénitier, que la Langue des Oiseaux.

Les fondements du christianisme

Les faits rapportés comme historiques par les religions ne sont pas plus authentiques que ceux mentionnés au sein des mythologies et, à ce titre, sont loin d’avoir valeur de paroles d’évangiles. Concernant le christianisme, il est bon de rappeler, en bref et sans vouloir être polémique, les faits suivants:

Après la défaite de Juda-bar-Juda, fils de Juda le Gaulonite, Messie (messiah en hébreu et christos en grec) historique, c’est-à-dire oint ou consacré et descendant de David, prétendant légitime au trône d’Israël, la nation juive vit ses espérances décliner. En 70, Titus pille Jérusalem. La rébellion va gronder une dernière fois, menée par Bar Kocheba (le fils del’Étoile… celle mentionnée comme étant radiante qui se trouve associée au rejeton de la race de David, par le Christ chrétien -ce qui est pour le moins troublant et inexplicable si l’on use d’une lecture littérale- au sein de l’Apocalypse du pseudo Jean. C’est que contrairement à ce que l’on nous en dit aujourd’hui, ce texte n’a jamais été un livre prophétique. Il s’agissait d’un manifeste guerrier et politique prêché à l’encontre des gentils ou non-juifs dès le premier siècle. Ce texte, qui n’existe pas encore imprimé -il ne le sera qu’un siècle plus tard- est en fait le tout premier livre du canon catholique connu sous la dénomination de Nouveau Testament. Croire qu’il s’agit du dernier livre prouve une méconnaissance totale des hébreux et de l’histoire de cette période. En effet chacun sait que les juifs écrivent de droite à gauche, contrairement à nous, et qu’ils classent de même, à l’envers. Par conséquent, ce qui est le premier texte pour nous, s’avère être le dernier pour un lecteur hébraïque; ceci se vérifie dans la version juive de l’Ancien Testament, puisque la Genèse en est le dernier passage et non le premier.

Bar Kocheba était le petit-fils de Juda-bar-Juda, le prétendant au trône, crucifié par les romains à l’âge de cinquante ans. En 135, l’Empereur Hadrien passe la charrue sur Jérusalem, rasant la cité. La révolte juive est définitivement éteinte…

Dans les premiers siècles, la Palestine devient la plus grosse entreprise de fabrication de faux en matière de religion. Petit à petit sont fabriqués l’Apocalypse (IIe siècle), à partir des Cinq Livres du Rabbi ou Commentaires de Papias, puis les Lettres et Actes des Apôtres. Saül, persécuteur des Christiens (et non chrétiens, il s’agit d’une secte juive nationaliste) est transformé en Paul, par falsifications successives des scripteurs -suppression du tréma et remplacement du “S“ par un “P“- afin d’occidentaliser son nom. L’évangile selon Jean est rédigé à partir de l’évangile gnostique de Cérinthe et des textes d’Hermès. Trois autres évangiles sont fabriqués, entre les IVe et VIe siècles, les synoptiques (évangiles se recoupant) qui, en fait ont été synoptisés… ce qui n’est pas tout à fait la même chose! Ces textes seront censurés, manipulés, sujets à des interpolations postérieures et tardives. Ces manipulations suffisent à expliquer qu’aucun manuscrit des évangiles, dits canoniques, formant le Nouveau Testament, ne puisse être présenté qui soit antérieur au IVe siècle.

Tous les Pères de l’Église furent des auteurs juifs, écrivant en grec, à destination d’un public juif, dans un esprit juif. Ils portaient tous des noms juifs, mis plus tard à la mode occidentale. Les preuves de cette supercherie abondent. Concernant les faux en écriture dont il vient d’être question, l’une des meilleures preuves de cette assertion nous est fournie par l’un des Pères de l’Église et non des moindres .Ainsi, Eusèbe (IVe siècle) mentionnant Irénée (IIe siècle) indique que ce dernier tenait des disciples que le Christ « avait prêché jusqu’à sa cinquantième année »!!!? Au IVe siècle, les Pères de l’Église ignoraient donc que le Jésus des Évangiles était mort à trente-trois ans!

Dans le même ordre d’idées, comment expliquer que le pseudo Jean, après avoir été martyrisé, se soit échappé par la Porte Latine et ce au 1er siècle, alors qu’elle ne fut construite qu’au IIIe ? Ceci suffirait à prouver l’invention tardive de cette fable.

Le Jésus des Évangiles fut « incorporé » tardivement à l’Eon (l’Esprit) des gnostiques, puis fut divisé en plusieurs personnages, tous aussi fictifs: St Jean, dit le Baptiste, St Jean l’Apôtre, St Jean auteur de l’Apocalypse. Là aussi, les preuves abondent, pour ceux qui savent lire, qui ne s’arrêtent pas à la lettre et ne se contentent pas d’idées reçues ou fabriquées…

Au-delà de ces mystifications littéraires sur ce Jésus, ou Juda de chair, fut greffé l’éternel mythe luno-solaire, puis le symbolisme alchimique transfuge des mythologie de Sumer, de Babylone, d’Égypte, de Grèce et de Rome. Le mythe chrétien étant plus linéaire, ne comportant plus un panthéon de dieux et de déesses multiples, localisé dans l’espace et dans le temps, devint un exposé hermétique simplifié.

Richard Khaitzine

Retrouvez les travaux de Richard Richard Khaitzine sur son blog.

P.S.: en complément d’infos, voici le point de vue de Richard Khaitzine concernant l’alchimie, exposée lors d’une conférence (avril 2009).

Franck Balmary.