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Rammstein

Posted in LE "METALLIC CORNER" with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 26 octobre 2009 by larocheauxloups

I – Aux origines de la légende, l’étincelle qui mit le « feuer » aux poudres.

Nous sommes le 28 août 1988. La base américaine de Ramstein Air Base, à l’ouest de la RFA (ville de Ramstein), organise un meeting aérien public. Vient le tour de la patrouille acrobatique italienne des Frecce Tricolori. 10 avions décollent et 3 se percutent en plein vol tuant chacun des pilotes. L’un des avions, telle une grosse torche enflammée de carburant en fuite, vient s’écraser au sol, directement sur le public, occasionnant 70 morts (pilotes inclus) et 500 blessés.

En Allemagne, l’événement est un séïsme. Les familles des victimes, suivies bientôt par une grande majorité de la population en veulent aux autorités américaines après avoir appris que les responsables du meeting n’avaient prévu aucun service de sécurité! Mais également parce-que les autorités américaines ne veulent pas entendre parler de dédommagement des victimes…

Schwerin, nord de l’Allemagne, aux dernières heures de la RDA.

Une petite scène musicale contestataire se développe entre Schwerin, ville de 200 000 habitants, et Berlin, capitale alors encore divisée. Petite car il y a peu de groupes. Six musiciens qui se connaissent à peu près tous: Richard Zven Kruspe, Oliver Riedel, Christian « Flake » Lorenz, Till Lindemann, Christophe « Doom » Schneider et Paul Landers. Ils se côtoient par scènes interposées et se connaissent déjà plus ou moins, mais restent éparpillés au sein de jeunes formations différentes. Richard Z. Kruspe, qui fonde le groupe Orgasm Death Gimmick en Europe de l’Est revient à Schwerin après une petite tournée en Europe de l’Est et travaille à son nouveau projet de groupe, avec l’aide de son pote « Olli » alias Oliver Riedel. Richard retrouve également son ami Till Lindemann qui tient une boutique à Schwerin. En RDA, jouer de la musique n’est pas vraiment considéré comme un métier d’avenir ni même une activité en soi. Il est indispensable d’avoir un travail sûr.

– C’est l’heure de la pause « blagues de l’ex RDA » –

Trois prisonniers du goulag discutent :
« Pourquoi t’es là, toi ?
– Je suis arrivé en retard à l’usine et j’ai été condamné pour sabotage industriel au profit des puissances ennemies.
– Et toi ?
– Oh moi ! Je suis arrivé en avance au travail et j’ai été condamné pour espionnage au profit des puissances ennemies.
– Et toi, camarade ?
– Ben moi, je suis arrivé à l’heure à l’usine…
– Ah ! Et alors ?
– J’ai été condamné pour conformisme petit bourgeois… »

Autre chute :
« On m’a accusé d’avoir acheté une montre à l’ouest ! »

(1986)
Les 7 merveilles de la République Démocratique Allemande :
1) En RDA il n’y a pas de chômeur.
2) Bien qu’en RDA il n’y ait pas de chômeur, la moitié des gens seulement est occupée.
3) Bien que la moitié des gens ne fassent rien, les plans quinquennaux sont systématiquement accomplis et dépassés.
4) Bien que les plans quinquennaux soient accomplis et dépassés, il n’y a rien dans les magasins à acheter.
5) Bien qu’il n’y ait rien dans les magasins à acheter, les gens ont tout.
6) Bien que les gens aient tout, la plupart des gens se plaignent.
7) Et bien que la majorité des gens se plaignent, les candidats communistes font toujours 99,99 % aux élections.

D’ailleurs, à cette époque, un embargo sévit sur les produits de l’ouest et la jeunesse du bloc de l’Est vit un peu recluse de l’opulence capitaliste et de sa profusion culturelle commerciale. Elle a un mal fou à se procurer de la musique, entre autres. Chaque disque possédé ou acheté par le biais de quelque réseau plus ou moins licite est un trésor, chaque groupe constitué le reflet d’une volonté farouche, chaque concert organisé un défi. De plus, dans le modèle soviétique le chômage n’existe pas puisque le travail est une obligation, chacun étant obligé de faire quelque chose de ses mains et ainsi contribuer à la société. Impossible, donc, de vivre simplement de sa musique, c’est une chose inenvisageable, presque une vue de l’esprit. Sauf pour les diplômés du conservatoire (puisque diplôme officiel il y a), ces derniers pouvant travailler dans des postes liés aux institutions musicales (orchestres, professorat, etc…). Monter et faire vivre un groupe se fait en-dehors des heures travaillées, donc demande une certaine abnégation. Till Lindemann raconte l’expérience de son premier groupe, First Arsch:

« Nous débarquions avec notre matériel dans un entrepôt désaffecté avec quelques autres groupes, on jouait 45 minutes, puis nous partions avant que la police arrive.« 

Ambiance… Pas easy, la vie kulturelle en RDA…

Un mur?… Ouais, pour faire un tennis, connard!

– Les ch’tites blagues de l’ex-RDA –

En pleine guerre froide, en URSS, les intellectuels avaient cette devise :
« Ne pense pas.
Si tu penses, ne dis rien.
Si tu parles, n’écris rien.
Si tu écris, ne signe rien.
Et si tu signes, ne t’étonne plus de rien. »

Mais Richard connaît le talent caché de Till: sa voix. Till pousse la chansonnette de temps à autres et Richard reste soufflé par la puissance vocale fracassante de son ami et n’a de cesse de le convaincre de venir chanter dans son groupe. Till refuse timidement tout d’abord, ne pensant probablement pas être à la hauteur. Mais Richard le supplie et lui accorde finalement quelques essais lors de répétitions. De fil en aiguille, Till finit par se sentir à l’aise dans son nouveau rôle et décide de rester. A ce moment là, « Olli » joue dans un groupe rock aux styles et influences variées, The Inchtabokatables, Till, lui, est batteur (il a la carrure pour) dans le groupe punk First Arsch depuis 1986. Il y joue également de la guitare et chante lors des rappels. Richard, « Olli » et Till rencontrent rapidement Christoph « Doom » Schneider, batteur d’un groupe nommé Die Firma. L’assemblage ainsi formé par ces quatre gaillards n’est ni plus ni moins que LE groupe en gestation. Quatre des six musiciens définitifs sont donc en place:

– Richard Zven Kruspe, der grösse guitarist!

Richard_Zven_Kruspe_Bernstein-1974

Qu’est-ce qu’on peut transpirer en concert…

Ra-richard

Wesh, gossbo!

1m80, 88 Kg.

Né le 24 juin 1967 à Wittenberg dans une famille nombreuse (un frère et deux soeurs), Richard, dont le vrai prénom est Zven (Richard étant un pseudo), vit mal le divorce de sa mère mais surtout la cohabitation avec son beau père. La famille recomposée s’installe dans le village de Weisen. Étant jeune, de nature timide et complexée, il pouvait faire montre d’une agressivité démesurée, il le reconnaît lui-même, dans certaines situations. De ce fait aujourd’hui, il a un peu de mal avec tout ce qui s’apparente à des grands rassemblements. Lors des concerts, il a développé une technique tout à fait singulière pour se mettre en confiance:

« Je choisis une personne dans le public (souvent une fille), et je la regarde souvent pendant le concert. Je crée pendant deux heures une relation avec cette personne et çà m’aide. »

Richard croit également en la notion de vies antérieures et de réincarnation. Il est persuadé d’avoir été un indien d’Amérique dans une vie antérieure.

Richard Zven Kruspe-Bernstein

Das Modell

Question influences musicales, Richard est marqué au fer rouge vers 12 ans par le groupe Kiss, symbole de l’Ouest et son opulente insouciance. Il y a également AC/DC au tableau.

« Kiss représentait le capitalisme dans son sens le plus pur, et chaque gamin était infecté car ils étaient si grands. Les gamins écrivaient « Kiss » sur leurs cahiers, et si les enseignants le voyait, c’était un motif de renvoi! »

C’est le 28 février 1991 que naît sa fille, Khira Li Lindemann. Elle porte le nom de sa mère qui a été l’ex-femme de Till Lindemann. Cette dernière a gardé le nom de son ex-époux après leur divorce. Mais Richard et la mère de Khira Li ne se marient pas et se séparent plus tard. Le 29 octobre 1999, Richard épouse Caron Bernstein, une actrice sud-africaine rencontrée après un concert. Il garde son nom accolé au sien un temps par simple goût. Il vit à New York avec elle à partir de 2001 et se ils se séparent en 2004. Richard reprend alors son nom original.

La p’tite Khira Li (ki a bien grandi)…

Même si Rammstein se construit à six, c’est réellement à Richard Kruspe, nettement influencé par la musique du groupe Allemand Oomph!, précurseur en la matière, que l’on doit l’idée première de l’association guitares / machines. D’esprit assez créatif, Richard fonde, plus tard, le groupe Emigrate où il chante en Anglais en plus de jouer de la gratte. Il forme ce groupe avec Arnaud Giroux à la basse, Henka Johansson anciennement du groupe Clawfinger à la batterie et Olsen Involtini à la guitare.

Khira Li prête sa voix à Rammstein pour la chanson Tier du Live Aus Berlin. En 1998, elle chante également les voix de fond de la chanson Spielhur. Richard a également un fils nommé Merlin Besson, né en 1992 et demi-frère de Khira Li. Pour la petite info qui sert à rien, avant de faire de la musique, Richard a travaillé comme caissier et s’est essayé au journalisme.

– Christoph « Doom » Schneider, l’homme des rythmes sous pression, le tanneur de peaux, le fin frappeur, l’enquilleur des cadences, etc… Les qualificatifs élogieux sont légions.

Christophe "Doom" Schneider

Mmm… Kess’ta??!

Christoph_(DOOM)_Schneider-42621m87, 84 Kg.

Christoph Schneider naît le 11 mai 1966 à Berlin dans une famille nombreuse (5 soeurs, 1 frère), et mélomane, dont il est le fils aîné. Son père est musicien et sa mère pianiste, ce qui l’influence sûrement quelque part. Mais c’est véritablement à 14 ans que Christoph amorce LA passion: son frère cadet a la lumineuse idée de lui offrir une mini batterie composée de deux petits tambours à son anniversaire, instrument dont il ne cessera de jouer. Au grand dam de son père qui voulait l’initier à la trompette!

Christoph quitte le collège à 16 ans avec un seul objectif: travailler pour réunir suffisamment d’économies afin de s’équiper d’un kit de batterie professionnel. Il trouve un emploi comme installateur de téléphone et concrétise son rêve.

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Fashion victim

« Ce n’était pas un kit comparable bien évidemment à ceux disponibles sur le marché actuel mais à l’époque j’en étais très fier. Le seul inconvénient était que si je tapais trop fort sur les tonneaux, ceux-ci étaient régulièrement endommagés. Fort heureusement, un de mes amis possédait une soudeuse et je pouvais à nouveau m’adonner à mon passe-temps favori: taper sur mes premiers fûts. »

Par la suite, Christoph échoue à deux reprises son entrée à l’université pour y étudier la musique et entre, à la même époque, comme batteur dans le groupe Die Firma avant de rencontrer Richard Z. Kruspe, Till Lindemann et Oliver Riedel…

De caractère plutôt affirmé, Christoph Schneider est considéré au sein de Rammstein comme une forte personnalité. Christoph est entêté, voir revêche dans ses propos, autant envers ses partenaires de Rammstein quand ceux-ci ne partagent pas ses opinions, qu’envers la presse, n’hésitant pas parfois à « recadrer proprement » certains journalistes sur des sujets provocants abordés par le groupe. Christoph n’aime pas son prénom et préfère se faire appeler « Doom », rapport à son énergie scénique et sa passion pour la batterie. Till Lindemann précise, à propos de « Doom »:

« Doom joue n’importe quand, n’importe où, dès qu’il en a l’occasion, il tape sur ses fûts. »

Avec Richard Kruspe, il est également le membre du groupe le plus soucieux de son apparence et tient toujours à être impeccable.

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Question vie perso, Doom reste discret. Néanmoins, il s’est marié avec Régina en mai 2009, une jeune guide russe de 28 ans rencontrée sur la tournée russe de Reise, Reise. C’était lors d’une visite guidée de Minsk. Pour les petites infos-qui-servent-à-rien: c’est sa soeur, Constance, qui lui a fabriqué ses tenues de scènes pendant un temps.

Et voilà ce qui arrive quand on part en Russie.

– Oliver Riedel, dit « Olli », la ligne de basse unificatrice, la pierre d’angle discrète de la tuerie…

Olivier Riedel concert

Olli, le feuer sous la glace.

"Olli"2m, 84 Kg.

Oliver Riedel naît le 11 avril 1971 à Schwerin. Fils unique, il est élevé seul par son père jusqu’à 16 ans, âge auquel il rencontre sa mère biologique avec qui il entretient de bonnes relations depuis. Malheureusement, son père décède un peu avant qu’il atteigne ses 17 ans.

Son premier boulot est plâtrier, c’est à cette occase qu’il fait connaissance avec l’alcool et le tabac. Il joue dans plusieurs groupes de rock en dehors du boulot puis rejoint le groupe The Inchtabokatables de 1992 à 1993, ce qui lui permet de passer professionnel. En 1993, il quitte son groupe pour prendre part au projet de son pote Richard Z. Kruspe…

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Avec « Flake », « Olli » est le plus doué du groupe en informatique. Il adore surf et skate mais, ayant signé une clause contractuelle avec le management de Rammstein, il ne peut s’adonner pleinement au skate. En effet, il n’est pas question de prendre un risque de fracture, surtout pendant une tournée! La gloire et ses petites restrictions…

En terme de hobby, Olivier est aussi un excellent photographe mais n’expose pas ses oeuvres. Cependant, il est l’auteur de quelques clichés noir et blanc qui figurent dans le livre Rammstein, de Gert Hof.

Côté vie privée: 2 mariages, 2 enfants, dont le dernier en 2001. Dernier mariage en 2008. Olli reste discret.

Côté caractère, c’est plutôt la timidité. Il esquive les interviews autant qu’il peut, les considérant plus comme des corvées. Néanmoins, son retrait par rapport aux autres membres du groupe n’est qu’apparent. Olivier est une authentique force de proposition. C’est, par exemple, à lui qu’on doit le titre définitif de l’album Reise, Reise.

– Till Lindemann, le chantueur-parolier aux textes crus à multiples sens de lecture, frontman sauvage et poète à la voix d’acier, hyper-charismatique comme les groupes aiment en avoir.

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1m93, 90 Kg.

Né le 4 janvier 1963 à Leipzig, il vit cependant dans le village de Wendisch-Rambow, près de Schwerin en Allemagne de l’Est. Il a une soeur de six ans sa cadette. Il a des relations désastreuse avec son père, Werner Lindemann, qui est écrivain pour enfants et poète mais également de nature violente et fortement dépendant à l’alcool. Sa mère, Brigitte, est une artiste écrivain et journaliste. Elle anime quelques émissions sur la radio de Leipzig et de Berlin.

TillTill a 12 ans quand ses parents divorcent en 1975. Werner meurt an 1992. Malgré sa présence aux funérailles, Till ne retournera plus sur la tombe de son père. Moments difficiles qui lui inspirent la chanson Heirate Mich.

A 11 ans, Till intègre une école sportive sous la tutelle du Rostock Sport Club. Comme il nage très bien, il entre dans l’équipe de natation de ce club où il rafle quelques trophées et notamment une médaille d’argent en junior. Il devient même jeune espoir. Malheureusement, une blessure musculaire à l’abdomen l’empêche de poursuivre cette carrière prometteuse. De toutes façon, Till n’aimait visiblement pas cette école:

« Les conditions étaient dures, la rigidité de rigueur et la discipline omniprésente, mais quand vous êtes un enfant vous ne protestez pas. »

Till pour messerMais évidemment, à un moment, il faut aussi bosser! Till commence à travailler dans une entreprise de découpage de tourbe mais est renvoyé au bout de trois jours pour y avoir mis le feu. Il travaille ensuite comme apprenti-charpentier, technicien de galerie puis vannier.

En 1981, Till refuse de faire son service militaire. Il n’échappe à la prison qu’en acceptant de faire un service de remplacement. Privé de natation, Till se recentre sur la musique en devenant batteur du groupe First Arsch  en 1986. Il joue également sur une chanson du groupe Feeling B (Lied von der unruhevollen jugend) dans lequel jouent Paul Landers et Christian « Flake » Lorenz. C’est Richard Kruspe, son ami depuis quelques années, qui le pousse à chanter dans son nouveau groupe.

« Je pouvais l’écouter des heures durant mais rien à faire pour le décider. »

Mais un jour, après de nombreux et timides refus, Till accepte enfin de venir pousser sa gueulante à une répète du groupe de Richard. Till se pointe après s’être violemment saoûlé au schnaps. Il prend le micro, aligne quelques phrases et s’effondre ivre mort à la fin du couplet! Mais le futur est en marche…

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Le calme avant la déferlante

Car, malgré son physique de colosse, Till est de nature très timide, le plus timide du groupe. Tout comme Oliver Riedel, il aime à rester discret et fuit les interviews, préférant se réfugier dans l’écriture. D’ailleurs, il sort un recueil de poésies de son cru en 2002, Messer, et entame en 1999 une discrète carrière cinématographique. Il fait une apparition dans Pola X de Léos Carax et une autre avec Rammstein dans xXx en 2002. On le voit aussi dans un film pour enfants intitulé Amundsen der pinguin en 2003. Il fait une apparition remarquée dans le film Vinzent, d’Ayassi, en 2004, où il tient le rôle d’un défenseur activiste des droits des animaux.

Question vie perso, Till a aujourd’hui 3 filles et un fils de femmes différentes. Sa première fille, Nele, naît en 1985.

Question carrière, Till a déclaré vouloir se retirer de la musique à l’âge de 50 ans pour pouvoir mieux se consacrer à ses enfants. Après plusieurs aventures féminines, il déclare aussi avoir enfin trouvé, en 2005, la femme avec qui il voudrait passer le reste de sa vie. Till se dit également fatigué des grandes villes où il ne peut plus passer plus de trois jours. Il a fui son grand appart de Berlin pour se réfugier aujourd’hui dans sa région natale. Il habite un village de 12 maisons et la sienne, faite de deux constructions jumelles, possède une vue imprenable sur la réserve naturelle voisine, squattée par des hérons.

– Blagues de l’ex-RDA –

Un lion s’échappe du zoo de Leipzig. Plus d’une semaine après il est re-capturé et renvoyé au zoo. Ses copains lui demandent :
« Hé, mais comment t’as fait pour durer aussi longtemps au-dehors ?
– Je suis entré par hasard dans les bureaux de la Commission au Plan Quinquennal, et chaque jour je mangeais un bureaucrate, sans que quiconque le remarque.
– Et comment ils t’ont repéré ?
– Sans le faire exprès, j’ai mangé la femme de ménage qui faisait le café ! »

Lors d’une réunion des responsables des pays de l’Est, la délégation tchécoslovaque annonce qu’elle va créer un Ministère de la Marine chez elle.
« Comment ? s’étonne-t-on. Vous n’avez pas accès à la mer !
– Et alors ? La RDA a bien un Ministère de la Culture ! »

C’est le 19 février 1994 que ces quatre Teutons motivés remportent un concours destiné aux groupes débutants, organisé par le Sénat de Berlin. Les groupes envoient des démos et le vainqueur remporte une semaine d’enregistrement en studio. Le groupe de Richard compose quatre morceaux originaux. Lors des enregistrement, Till Lindemann est obligé de chanter sous une couette pour ne pas réveiller ses voisins d’appart berlinois! 🙂

Deux frappés notoires vont, très rapidement, compléter le line-up, tous deux issus du groupe Est Allemand Feeling B, LE groupe phare de la scène punk underground de la RDA:

– Paul Landers, « l’autre guitariste », celui des rythmiques, à ne surtout pas négliger.

Paul Landers

Meuuuuaaaarffff!

1m71, 79 Kg.

Paul Landers naît le 9 décembre 1964 à Berlin Est, dans le quartier Baumschulen-Weg, d’une mère russe. En fait, son vrai nom est Heiko Paul Hirsche. Il est prématuré (7 mois) ce qui fait de lui un enfant à la santé fragile, souvent malade. Très jeune, Paul va vivre un an à Moscou, et, de surcroît, juste à côté de l’ambassade de la RDA (station de métro Léninsky prospect)! Paul est donc bilingue Russe-Allemand sans pour autant savoir lire ni écrire le Russe.

Paul_Landers-2Ses parents veulent lui apprendre violon et piano, ce qu’il refuse, leur préférant la guitare. Ses parents divorcent alors qu’il a 14 ans. Sa mère se remarie mais la cohabitation entre l’ado et le beau père n’étant pas au top, Paul quitte le foyer familial. Il a 16 ans. Il déménage à Berlin et travaille comme chauffeur à la bibliothèque municipale. Il supprime le Heiko de son prénom qu’il ne supporte pas et garde Paul. Très jeune, en 1984, il se marie à Nikki Landers et ils ont un fils, Emil. Ils divorcent mais Paul garde le nom de sa femme qu’il préfère au sien: Landers. En effet, en Allemagne, lors du mariage, ce n’est pas forcément la femme qui change de nom, chacun des deux époux peut choisir lequel des deux noms ils souhaite garder.

Paul est de nature joviale, et du genre taquin. Il aime plaisanter et accepte facilement la plaisanterie des autres. En effet, sa « petite taille » (toute relative) lui occasionne évidemment des blagues de la part de ses partenaires mais loin de s’en offusquer, il serait plutôt du genre à en rajouter une couche. Bavard comme pas deux et tout sourire lors des interviews, il fait le régal des journalistes. Il est même passé maître en largage d’infos fantaisistes ou fausses! Sur scène, Paul peut également faire ce qu’on appelle communément le « bouffon », en faisant participer le public mais aussi en désaccordant discrètement l’instrument de son ami bassiste (lu sur un compte rendu du forum de rammsteinworld.com pour le concert de Paris Bercy début décembre 2009!), etc… Bref, un vrai trublion. Pour les influences musicales de Paul, c’est simple: Metallica, Sex Pistols, Pantera, et caetera (ceci explique peut-être cela)…

Ah ba ouais, fallait pas l’inviter çui-là…

Paul Landers intw

Moi, j’adore dire n’importe quoi dans les interviews!

Paul connait déja les 3 premiers membres puisqu’il a été également l’ingé son de Orgasm Death Gimmick, l’ancien groupe de Richard Z. Kruspe. Le groupe actuel lui propose une place de guitariste rythmique et il accepte sans hésiter. Quand on connaît la place des rythmiques industrielles dans la musique du groupe, on comprend mieux le rôle de Paul Landers au sein de la formation. Paul est venu faire contrepoids à Richard, tous deux ayant deux personnalités opposées. C’est cette différence d’opinions et ces confrontations continuelles entre les membres qui permettent au groupe d’avancer. Richard Kruspe raconte:

« Cependant, l’intégration fut difficile. Je n’avais jamais joué avec un second guitariste auparavant, il a fallu m’habituer. »

– « Doktor » Christian « Flake » Lorenz, le côté « électroïde » de la Force…

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… Sur lequel les membres du groupe lorgnent dès le départ pour ses claviers.

1m93, 73 Kg.

Christian Lorenz naît le 16 novembre 1966 à Berlin, quartier Prenzlauer-Berg où il réside toujours. Peu d’informations sur sa vie familiale, si ce n’est qu’il a un frère plus âgé. Le surnom de Flake, également, se perd dans les limbes et ne trouve pas d’origine vraiment précise, lui-même ne sachant plus vraiment d’où çà vient.

Christian_(Flake)_Lorenz-4261Influencé par un copain de classe, Flake désire étudier le piano. A force de dessiner des clés de sol et des touches de piano, ses parents finissent par (craquer et) l’inscrire à des cours, puis lui offrent son premier piano à 100 Deutsch marks. Flake est très attiré par le rock mais développe aussi toute une culture jazz grâce à ses parents.

Malgré son envie de devenir chirurgien, d’où son surnom de « Herr Doktor », Flake quitte l’école à 16 ans pour travailler à l’usine. Refusant de faire son service militaire, il ne peut intégrer d’études supérieures. En plus de son travail d’usine, il intègre bientôt le groupe Feeling B, où sévit Paul Landers à la guitare, groupe qui acquiert vite une notoriété publique dans le milieu musical underground de Berlin Est. Avant de rejoindre, LE groupe…

53808doktor_christian_flake_lorenzMais Le Docteur est beaucoup plus distant et difficile à convaincre, puisqu’il ne voit pas bien l’intérêt d’ajouter un clavier au son développé par le groupe de Richard. De plus, le « Doktor » pose une condition sine qua non pour son intégration au groupe: que les chansons soient chantées exclusivement en Allemand. Sinon… « Flake » déclarera une fois qu’il n’a jamais vraiment dit oui et que finalement il ne sait toujours pas s’il fait bien partie de Rammstein.

Christian est plutôt quelqu’un de pondéré et réfléchi, le membre le plus cultivé du groupe. Les conseils avisés du Docteur ainsi que ses talents de médiateur sont, en effet, très appréciés au sein du groupe lors de désaccord ou autres « fritages » internes. Du côté des idées, Flake n’hésites pas à affirmer publiquement son regret quant à la réunification allemande. Selon lui, les choses étaient plus « simples » du temps de la RDA, les valeurs mieux inculquées et du coup plus respectées, et surtout les notions de communauté et de solidarité plus présentes qu’à l’Ouest.

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Sound Doktor

« Vous entriez dans un bar, commandiez une bière et vous aviez une bière. On ne vous demandait pas, une petite, une grande, une brune, une blonde, une sans mousse ou avec mousse… Toute cette abondance et cette multitude de choix me fatigue et m’ennuie. »

Flake ne cache donc pas son aversion pour la culture américaine, et son arrestation de quelques heures en compagnie de Till Lindemann après la représentation un peu… « spéciale » de la chanson Bück dich sur scène, n’a pas aidé à changer son désamour de la mentalité américaine. Il déteste les MacDonalds et fait plutôt montre d’une prédilection pour la cuisine polonaise.

Christian+Lorenz+flake1Flake est athée et ne cache pas non plus sa méfiance vis-à-vis des religions. Son énergie scénique compense la discrétion quant à sa vie privée. Il endosse depuis longtemps le rôle du soumis ou de la victime sur scène ou dans les vidéos et ce n’est pas pour lui déplaire! Néanmoins, il refuse désormais de prendre place à bord du canot lors de Seemann pendant les concerts, s’étant trop souvent blessé ou retrouvé intégralement nu! 🙂

Côté influences musicales, on est dans Einstürzende Neubauten, Die ärzte, Element of crime, Coldplay, Placebo, Johnny Cash, PJ Harvey, System of a down, Ministry, Prodigy. Lorenz ne possède pas de téléviseur et ne supporte pas la télévision dans les chambres d’hôtels. Malgré ses facilités en informatique, il n’est pas du tout versé dans l’internet et ne surfe quasiment jamais. Il s’est pourtant déja plié à quelques séances de tchat pour Rammstein avant que le groupe n’arrête ce genre de dialogue.

Mur

Vient donc le temps des choses sérieuses. Leur première prestation scénique a lieu le 14 avril 1994 dans une petite salle de Leipzig. C’est le frère du « Docteur » qui invite Rammstein à suivre son groupe en concert là-bas. Rammstein se produit devant… 20 personnes dont 10 sont les membres du groupe du frère de « Flake »! Mais la prestation fait un effet boeuf, notamment sur l’ingé son qui trouve le groupe très en place. Comme nous le disions, à ce moment là, les quelques chansons originales sont encore en Anglais, les États-Unis et toute la culture populaire de l’ouest étant vue comme un symbole de liberté par ces jeunes musiciens.

– L’instant « Gueubla » –

Honecker, un matin, ouvre ses volets à l’est.
Le soleil lui dit en le voyant : « Oh, camarade Président, tu bâtis le socialisme et tu nous sauves du capitalisme, tu es notre guide, ô camarade Président, je te souhaite une bonne journée, et que l’espoir communiste rende un monde meilleur. »
Honecker part travailler content ; puis le soir il ferme ses volet à l’ouest, où le soleil se couche. Le soleil le voit et l’apostrophe : « Alors, espèce de salopard d’apparatchik, tu as bien tué pour les bolchéviks aujourd’hui ? Tu as continué à servir les Soviétique en faisant périr ton peuple ?»
Honecker, choqué lui répond : « Mais que t’arrive-t-il ? Ce matin tu étais si radieux !
– Je suis à l’ouest maintenant, connard ! »

La nouvelle voiture soviétique Saporoshez a eu deux médailles à l’exposition de Leipzig.
La première comme plus beau char d’assaut ;
la seconde comme tracteur le plus silencieux.

Période de campagne électorale en RDA. Le secrétaire du Parti local arrive un jour devant la mairie de sa commune et voit plein de policiers.
– Que se passe-t-il ? demande-t-il à l’un d’eux, une manifestation ?
– Non. Mais on a volé quelque chose à la mairie.
– Et quoi ?
– Les résultats de l’élection de dimanche prochain.

En 1988, Erich Honecker, le secrétaire général du Parti Socialiste Unifié (SED: Sozialistiche Einheitspartei Deutschlands), au pouvoir en RDA, issu de la fusion du Parti Social-Démocrate (SPD) et du Parti Communiste (KPD) en avril 1946, fête les 40 ans de la RDA fondée en 1948, après le partage de l’ex-Allemagne nazie par les Alliés.

497px-SED_Logo.svgSigne des temps en cette Allemagne troublée au bord de l’effondrement systémique, les fuites vers l’ouest via les autres pays du bloc de l’Est deviennent de plus en plus courantes. C’est ainsi que Le 9 novembre 1989, au moment des manifestations de rue qui abattent le Mur (der Mauer) Stein um stein (pierre par pierre), le nouveau gouvernement d’Egon Krenz, sous pression, autorise les voyages à l’Ouest pour tous. Car, depuis l’édification du Mur en 1961, personne n’avait le droit de sortir de Berlin Est, hormis les retraités, et encore sur invitation seulement.

Egon Krenz par Fritz Behrendt 2

– Re-blagues de l’ex-RDA –

Trois chirurgiens, un Américain, un Russe, un Allemand de l’Est se rencontrent:
– Chez nous en Amérique, nous avons dû un jour soigner les jambes broyées d’un accidenté, et on a si bien réussi qu’il est maintenant coureur de marathon de niveau international.
– Chez nous, dit le Russe, on a si bien soigné les mains écrasées d’un blessé qu’il a pu devenir un pianiste réputé.
– Chez nous, dit le chirurgien de RDA, il y a eu un grave accident de la route ; du blessé il ne restait que le cul, on a pu lui greffer ce qui restait de ses oreilles ; il est maintenant notre chef. »

(1989)
Erich Honecker meurt. Il arrive devant Saint-Pierre avec deux valises. Saint-Pierre lui refuse l’entrée du Paradis et lui dit d’aller en Enfer. Honecker s’en va mais oublie ses valises. Deux jours plus tard on sonne à la porte du Paradis. Saint-Pierre ouvre ; il s’agit de deux diablotins.
– Ah, dit Saint-Pierre, je suppose que vous venez prendre les valises qu’Honecker a oubliées ?
– Ah non, désolé, répond un diablotin, nous sommes les premiers réfugiés politiques.

– Comment peut-on expliquer qu’à Berlin-Ouest il y ait des alarmes au smog à cause de la pollution, et pas à Berlin-Est ?
– La RDA a d’épaisses frontières…

– Après la chute du mur et la dissolution de la police politique, comment les agents de la Stasi se sont-ils reconvertis ?
– Comme chauffeurs de taxis de nuit. Si, après une fête, vous êtes trop bourré pour dire où vous habitez, ils sortent votre fiche et vous ramènent chez vous.

Un chien berger allemand de l’ouest rencontre un chien berger de l’est … ils lèvent la patte … et pissent l’un sur l’autre !
« Hé, tiens , il n’y avait pas un mur ici ? »

A l’origine, Richard Kruspe commence à travailler sur son nouveau projet de groupe en 1993. Une fois les 6 membres définitivement réunis, un an plus tard, certaines compositions originales ressortent du lot, notamment le tube White Flesh vite transformé en Weisses Flesch (« Chair blanche »), sous la pression du Docteur. C’est aussi l’époque d’un morceau nommé… Rammstein, dédié au drame aérien de la ville du même nom. Nous y voilà…  Paul Landers, Christoph Schneider et Christian Lorenz pensent appeler le groupe Rammstein-Flugschau, traduction allemande de « Meeting aérien de Ramstein », contre l’avis des trois autres. Le débat est engagé et le groupe enlève finalement le « Flugschau » jugé trop long, pour ne garder que « Rammstein ». Le « m » supplémentaire est dû à une erreur d’orthographe comme on en fait souvent, c’est Paul Landers qui le dit:

« Lors de l’un de nos voyages avec Feeling B, Schneider, Flake et moi avions déja le nouveau nom du groupe. Nous avons écrit sur le capot de notre LO (marque automobile très répandue en RDA): Rammstein-Flugschau. Nous avons été idiots, nous avons écrit Rammstein avec deux « m », car nous ne savion spas que le lieu Ramstein avait un seul « m ». Nous avons ensuite indiqué cette bêtise mais le nom est resté collé à nous comme un surnom, que l’on ne trouvait pas bon. Nous n’avons ensuite plus essayé de nous en débarasser. Nous ne voulions pas nous appeler Rammstein en fait, cela nous a été destiné. Nous avons également essayé: Milch (lait) ou Mutter (mère), mais le nom est finalement resté. »

En fin d’année 1994, lors d’un concert donné à Berlin (concerts encore modestes à ce moment là), Rammstein fait une rencontre décisive pour leur carrière en la personne d’Emanuel Fialik. Celui-ci accepte le poste de manager proposé par les six, connaissant déja un peu Richard Z. Kruspe du temps d’Orgasm Death Gimmick. Il est toujours en poste aujourd’hui. Le groupe considère Emanuel comme le « septième Rammstein » tant il est efficace. En effet c’est lui qui leur trouve un producteur, Jacob Hellner, et organise leur première tournée en 1995. C’est également lui qui a su forger l’image que le groupe a imposé.

II – La montée en puissance.

Ayé, Tonnerre de feu et décibels en cascade! Rammstein branche les amplis et la « machine » est désormais en route. Les concerts commencent à s’enchainer doucement et Till Lindemann développe une idée qui va faire parler d’elle: ayant passé son diplôme de pyrotechnicien, il pense à intègrer cet élément aux concerts de Rammstein. Il dit lui-même ne pas supporter l’idée de rester sur scène sans rien faire lors des moments non chantés.

« Je détestait qu’on me regarde lorsqu’on était sur scène. J’étais là, à côté du micro, à ne rien faire pendant les solos de guitare et je me disais qu’il fallait que je fasse quelque chose, où je mourrai d’ennui et de solitude. Heureusement, l’un de mes amis était pyrotchnicien ».

Dont acte! Ni une, ni deux, il n’en faut pas plus aux compagnons d’harmonie pour adopter le concept! Nous voyons donc que l’idée du feu sur scène naît dès les origines du groupe.

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C’est ainsi que, lors des premiers concerts, juste avant le show en lui-même, lorsque les lumières s’éteignent et que la fumée envahit la scène, l’on peut voir le jovial Paul Landers (visiblement jamais le dernier pour ce genre de conneries!), dissimulé sous un manteau à capuchon, se balader avec son bidon et répandre soigneusement un « ch’ti peu du pétrole » tout autour de l’espace du public. Le concert commencé, Till, lors d’une partie dans laquelle il ne chante pas ou du refrain, balance un pièce d’artifice, ou une salve de lance-flamme, sur une zone recouverte de pétrole qui s’enflamme aussitôt. Malgré quelques frayeurs du public tout d’abord, l’effet maîtrisé remporte un certain engouement.

Pyro-Till 2

Cependant, la compagnie organisatrice des shows interdit au groupe la pyrotechnie lors des concerts réservés aux représentants des maisons de disque. Ce que, bien sur, le groupe ne fait pas. Rammstein persiste dans une sorte d’entêtement fier à vouloir maîtriser coûte que coûte les effets pyrotechniques… Jusqu’au jour où une jeune femme, disquaire, voit une de ses jambes salement brûlée à cause de son pantalon en nylon qui a fondu sur elle. Mais un Rammstein live sans pétards et lance-flammes retirerait, il est vrai, 50% de l’intérêt du spectacle. Le groupe décide donc de continuer mais il cantonne les effets de feu à la scène au lieu de les balancer sur son public. Ainsi se profile la teneur des concerts que l’on peut voir aujourd’hui, grandioses et parfaitement huilés (si l’on peut dire…), qui font la particularité de Rammstein. Cet ensemble donne à voir un spectacle total, alliant son, image et mise en scène.

Logo Rammstein

III – Les albums.

L’objet du kult, le principal: la muzik.

– HERZELEID –

Couv' Herzeleid

Sorti le 24 septembre 1995, l’album Herzeleid (« Peines de coeur » qui reflètent les situations maritales perso des membres, tous plus ou moins séparés ou en divorce) n’est pas venu au monde sans difficultés. Il est enregistré au Polarstudio à Stockholm. C’est le premier album, c’est-à-dire la première fois que les six musiciens se retrouvent vraiment à créer chaque chanson ensemble, dans un environnement professionnel et à des fins totalement lucratives. Les individualités apparaissent très vite, chacun voulant se mettre en avant. Le producteur, Jacob Hellner, préfère travailler avec Till, jusqu’à le séparer parfois carrément des autres! Richard Z. Kruspe raconte:

« Le chaos résultant était immense. C’est la phase la plus difficile que Rammstein ait connu. »

A tel point que la production de l’album est stoppée. Les six membres retournent à Berlin et se remettent en question. Finalement, les morceaux enregistrés en Suède sont mixés à Hambourg et l’album est bouclé.

DRSG 95Il se voit précédé d’un premier extrait, Du riechst so gut ’95, sorti un mois avant, plus précisément le 17 août 1995. C’est le premier contact officiel de la masse informe d’un public encore innocent avec le style, l’univers Rammstein. Le morceau précité (« Tu sens si bon ») est une espèce de bââfffe sonore tranchante ultra rythmée qui annonce la couleur d’emblée: textes globalement portés sur le sexe, le sexe et aussi le sexe. Le sexe et, bien sûr, ses déviances (sinon ce serait pas Rammstein). En tous cas l’amour sous toutes ses formes, pour reprendre les propos du groupe. Le clip du single est tourné avec de tous petits moyens, sans réalisateur. Et çà se voit! 😉

– Du riechst so gut –

La folie
N’est qu’une mince passerelle
Entre deux rives que sont la raison et l’instinct
Je monte après toi
La lumière du soleil me trouble l’esprit
(Comme) un enfant aveugle qui avance en rampant
Parce qu’il sent sa mère

Je te trouve/Je t’ai trouvé

La trace est fraîche et sur le pont
Gouttent ta sueur et ton sang chaud
Je ne te vois pas
Je te flaire seulement, je te sens
Comme une bête sauvage qui crie parce qu’elle a faim
Je te renifle à des lieues à la ronde

Tu sens si bon
Tu sens si bon
Je te suis/Je suis derrière toi
Tu sens si bon
Je te trouve
Si bonne
Si bonne
Je monte derrière toi
Tu sens si bon
Et dans un instant je t’aurai

Voilà, maintenant je t’ai (eu)

J’attends jusqu’à ce qu’il fasse sombre
Pour saisir ta peau moite
Ne me trahis pas
Oh, ne vois-tu pas le pont brûler
Arrête de crier et de te débattre
Sinon le pont va s’effondrer

Tu sens si bon
Tu sens si bon
Je te suis/Je suis derrière toi
Tu sens si bon
Je te trouve
Si bonne
Si bonne
Je monte derrière toi
Tu sens si bon
Je t’ai à présent

Tu sens si bon
Tu sens si bon
Je te suis/Je suis derrière toi
Tu sens si bon
Je te trouve
Si bonne
Si bonne
Je t’attrape
Tu sens si bon
Voilà, maintenant je t’ai

Tu sens si bon
Tu sens si bon
Je te suis/Je suis derrière toi

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Aaahh, l’Allemagne, ses maisons closes, ses anciens camps de la mort, son Oktoberfest et ses anciens dirigeants nazis… OK, mais… la France aussi a ses bonnes odeurs…

Mmmm… Tu sens si bon l’odeur du dialogue! (et le pire c’est que nous le savons)

Musicalement parlant, les ingrédients de ce premier extrait sont à l’image de tout l’album: une ossature rythmique de l’axe basse-batterie incroyablement percutante, qui nous font mieux comprendre le surnom du batteur, des riffs de guitare incisifs qui appuient la sauce mais sans jamais oublier la p’tite partie solo, des claviers présents sans être omniprésents mais qui donnent une identité toute particulière à la musique du groupe, et un chant monolithique qui tient l’ensemble comme une clé de voûte. Bref, une galette barbare qui sent bon la six-corde métallique chauffée à blanc, finalisée à coups de presse hydraulique « dans ta face ». Un style industriel sec et très direct, assez froid mais qui porte pourtant des textes, intégralement écrits par Till Lindemann, tout ce qu’il y a de plus « chauds ». Et un premier single où « Herr Doktor » joue les « Herr Modzarte »!

Le deuxième extrait d’Herzeleid est la « ballade » de l’album, Seeman (« Le marin ») qui sort le 8 janvier 1996. Sorte de fouillis sonore assez rude au premier contact, c’est sans conteste une chanson à réécouter. A une intro très calme et mélodieuse, succède un écran de guitares franchement rugueux, voir limite indigeste, et on surprend Till Lindemann à presque-chanter:

– Seemann –

Viens dans mon bateau
Une tempête se lève
Et la nuit tombe

Où veux-tu aller
Comme ça toute seule
A la dérive

Qui va te tenir la main
Quand tu seras
Entraînée vers le fond

Où t’en vas-tu
La mer glacée
N’a pas de rives

Viens dans mon bateau
Le vent d’automne gonfle
Les voiles

Et te voilà maintenant auprès du réverbère
Le visage plein de larmes
La lumière du jour décline
Le vent d’automne balaie les rues

Et te voilà maintenant auprès du réverbère
Le visage plein de larmes
La lumière du soir chasse les ombres
Le temps se fige et l’automne arrive

Viens dans ma barque
Le désir sera
Le timonier

Viens dans mon bateau
Le meilleur marin
C’était bien moi

Et te voilà auprès du réverbère
Le visage plein de larmes
Tu prends le feu de la bougie
Le temps se fige et l’automne arrive

Ils n’ont parlé que de ta mère
Seule la nuit est si impitoyable
A la fin je reste seul
Le temps se fige
Et j’ai froid
Froid
Froid
Froid
Froid

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Couv' SeemannContrairement au premier extrait de l’album, Rammstein veut inscrire sa démarche dans un peu plus de professionnalisme et de recherche esthétique. Le groupe se met en quête d’un réalisateur pour le clip. Le groupe, fan de David Lynch, envoie alors une demande à ce dernier, accompagné de leur album. Sans trop se faire d’illusions. Sans réponse du Maître, le groupe finit par faire un clip avec Lazlo Kadar qui développe une esthétique sombre et assoit ainsi Rammstein dans une imagerie assez bourbeuse.

Vous avez dit pied marin?…

Pendant ce temps là, Rammstein essuie ses premières volées de bois vert. En effet, la pochette de l’album défraye la chronique et suscite quelques vives réactions. Les membres du groupe sont accusés d’appartenir à la mouvance néo-nazie car pour certains, la pochette évoque le Herrenvolk (Race des Seigneurs) d’Hitler. Alors qu’il n’y a que des raisons purement esthétiques qui président à ce choix, Rammstein décide tout de même de modifier la pochette pour l’édition américaine. Provocateurs mais pas fous!

Rammstein_-_Herzeleid_Us_Release-front

Till Lindemann se voit aussi reprocher son roulement des « r » un peu trop appuyé, « façon Hitler » au goût de certains bien-pensants, qui oublient qu’en fait, ce sont des prononciations traditionnelles de certaines régions d’Allemagne (comme les patois ou accents chez nous). Till déclare par la suite que cette prononciation lui est venue naturellement. Mais quand on veut chercher des poux à la nouveauté, on trouve toujours un truc.

Richard z. Kruspe

Olli

Ainsi, en raison de tout ce tapage inutile et de cette imagerie aux clichés tenaces que véhicule le groupe, que l’on serait presque tenté de qualifier d’Epinal, de la teneur des textes de Till Lindemann, de l’agressivité sonore et de son côté martial, du phrasé allemand guttural haché, presque parlé, l’impact de l’album ne dépasse guère les frontières de la mère-patrie. A l’étranger, l’on préfère qualifier le groupe de « bestial » ou encore « sanguinaire ». Tellement plus simple… Pourtant, en Allemagne le succès est au rendez-vous, Herzeleid se transmute en disque de platine en quelques semaines, plaçant Rammstein d’emblée un peu au-dessus de la scène alternative même s’il y reste bien enfoncé! Pour info, Herzeleid reste classé dans les charts allemand jusqu’en mars 1998!

Question concerts, le groupe fait des premières parties, notamment des Ramones mais avant cela de Project Pitchwork et Clawfinger (ces derniers deviennent des amis). A partir de décembre 1995, Rammstein entame déja sa première tournée en tant que tête d’affiche.

Les premiers concerts avec pas boucou de place…

… Mais déja un sens certain de la mise en scène.

Till Lindemann

Pendant ce temps là, Herzeleid (à prononcer « èrdzelaïde ») arrive sur le bureau de David Lynch. Le réalisateur, en train de finaliser Lost Highway, écoute l’album et tombe sous le charme. A tel point qu’il en prendra deux morceaux pour sa BO, Heirate Mich et… Rammstein. Oui, le fameux morceau qui parle de l’accident de la base aérienne. Till Lindemann se souvient:

« Quand on a appris que les titres étaient sur la BO, on était fous de joie. On faisait des bons partout. »

– Rammstein –

Rammstein
Un homme flambe
Rammstein
Odeur de chair brûlée dans l’air
Rammstein
Un enfant meurt
Rammstein
Le Soleil brille

Rammstein
Une mer de flammes
Rammstein
Du sang se fige sur l’asphalte
Rammstein
Des mères hurlent
Rammstein
Le Soleil brille

Rammstein
Un charnier
Rammstein
Pas d’issue
Rammstein
Plus un oiseau ne chante
Rammstein
Et le soleil brille

Rammstein (X5)

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Herr Doktor

C’est avec cette chanson-monolithe que Rammstein va faire « vibrer » l’Allemagne et surtout se lancer. Au bout de sa tournée, le groupe organise son premier grand concert jubilé à l’Arena de Berlin le 27 septembre 1996 dans lequel sont aussi présents Moby, l’orchestre philharmonique de Berlin (pas mal, un an seulement après la sortie de l’album!) et la chanteuse Est Allemande Bobolina, amie du groupe. Ce concert voit Rammstein mettre en application, de manière méthodique et définitive, ses techniques évoluées de cramage de tronche au lance flamme des premiers rang d’un public toujours ravi, ainsi que tous ses effets pyrotechniques de scène qui sont désormais sa marque de fabrique.

Dooooom!

La production de l’album a plutôt bien vieilli. A l’Allemande, quoi. Album où il est question du génie rythmique incontestable de Christoph « Doom » Schneider, et où la batterie « parle » autant que le chant! Où il est question aussi des paroles qui, malgré les horreurs premier degré et l’apparente bestialité, appuyés par une voix de stentor, témoignent déja d’un sens certain de l’ambiguité. Chacun peut y voir finalement un peu ce qu’il veut et c’est tout le travail mis en avant par Till Lindemann. Où il est question également des guitares qui tranchent l’espace sonore comme des rasoirs, pour, bien sûr, le plus grand bonheur de nos tympans explosés. Et, plus discret mais tout aussi constitutif du son Rammstein, la basse qui ne se contente pas d’être un simple accompagnement mais qui parfois est clairement mis en avant, comme dans Seemann (peut-être pas assez…) et les claviers du Docteur qui peaufinent cette couleur « indus » et obscure à merveille, avec samples et sonorités électro tous azimuts. Certaines chansons comme Seeman mais aussi Das alte leidHeirate mich ou encore Herzeleid nous embarquent dans des ambiances plus lentes mais tout aussi chargées.

Just for fun, la chanson éponyme Herzeleid, avec ses « p’tits sons » criards et kitchs, mais ses « riffs-tronçonneuses » si doucereux et graciles, enveloppées par la diction façon contine pour enfants de la douce langue de Goethe:

– Herzeleid –

Gardez-vous bien
Des peines de cœur
Car court est le temps
Où vous serez ensemble

Et même si beaucoup
D’années vous ont réunis
Un jour, elles vous sembleront
Comme des minutes

Peines de cœur
Peines de cœur
Peines de cœur
Peines de cœur

Peines de cœur

Peines de cœur

Gardez-vous bien
De la solitude à deux

Peines de cœur
Peines de cœur
Peines de cœur
Peines de cœur

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Pas la peine de chercher des images, il n’y a pas de clip pour celle-là! C’est juste pour le plaisir des coup de guitare dans les cornets.

Herzeleid (© Rammstein 1995)

Couv' Herzeleid1/ Wollt ihr das bett in flammen sehen
2/ Der meister
3/ Weisses fleisch
4/ Asche zu asche
5/ Seemann
6/ Du riechst so gut
7/ Das alte leid
8/ Heirate mich
9/ Herzeleid
10/ Laichzeit
11/ Rammstein

Plaisir encore, un petit apparté hors des sentiers battus avec quelques armes d’assourdissement massif, hors album, dont une récente découverte de Votre Serviteur et qui, à en juger par le style, doit dater de l’époque Herzeleid. A savoir du pilonnage en règle, monté sur burnes. Public, rien que pour toi, voici Schwarzes Glas:

La fin, çà à l’air d’être normal… Ahhh, c’était les débuts… On se surprend à se demander pourquoi ce morceau de bravoure n’a pas trouvé de place sur l’album. Mais non, c’est 11 chansons réglementaires et c’est comme çà! Pareil pour ce Wut will nicht sterben particulièrement bien senti (« Nous ne serons jamais mort? »), tout en lourdeur électro et riffs bien gras, en collaboration avec des congénères allemands, un groupe nommé Puhdys (inconnu au bataillon…):

Plaisir toujours, voici Schtiel, qui nous parle, en tous cas au premier degré, de marins perdu (ou plus ou moins rescapés d’une tempête) obligés de se goinfrer un des leurs pour survivre! Tout simplement… Avec réflexions sur ce que vaut vraiment la vie et tout çà. Une superbe chanson, plutôt lente mais au jeu gratteux fort goûteux. Ce morceau doit aussi émerger du fond des sessions Herzeleid:

Continuons ce mini-périple entre maso du son, avec ce brûlot rythmique justement nommé Feuerräder. Aucune idée du thème abordé, les amis, mais pour sûr, çà pulse! Des sons électro qui empêchent toute légèreté, de la gratte qui tranche dans le lard, immédiatement reconnaissable, le tout embarqué par un rythme enlevé qui fleurte avec le punk. Là encore, cette rareté doit sortir des sessions Herzeleid, probablement. Et elle se tient très bien!

Çà tabasse… Mais çà défoule!

Un petit digeo pour finir (vous êtes trop gâtés) avec ce court morceau. Impossible de dater ce Jeder Lacht mixé à la tronçonneuse et finalisé au marteau-pilon mais l’oreille téméraire y gagnera sa dose de « garage ». A priori, çà sent bon l’enregistrement live pirate:

– SEHNSUCHT –

Couv' Sehnsucht

Chapitre dzvei. Les choses sérieuses reprennent. La tournée Herzeleid arrive à peine sur sa fin que Rammstein développe de nouveaux morceaux. Il les jouent, d’ailleurs, déja sur scène. En novembre 1996, même pas deux mois après la fin de la tournée Herzeleid, le groupe commence l’enregistrement de l’album avec le même producteur, Jacob Hellner, mais cette fois au Temple Studio, sur l’île de Malte. L’album, Sehnsucht (« nostalgie » ou « désir », en Français, selon comment on emploie le mot), sort le 22 août 1997. Le 1er avril tout juste, un premier titre en est extrait: Engel. Dans le même temps, à partir de février 1997, la BO du Lost Highway de Lynch sillonne le monde avec sa chanson Rammstein issue d’Herzeleid, faisant de cette chanson un hymne du groupe.

Couv' EngelGlobalement, on sent avec Sehnsucht une évolution sensible par rapport à Herzeleid. D’une production un peu meilleure mais, plus que la technique, c’est le glissement de style qui se remarque. Ici, on nage de plein pied dans l’électronique, la part belle est faite aux claviers, le Docteur règne en maître sur ces nouvelles compositions sans pour autant écraser tout le reste. Le côté industriel ébauché dans le premier opus est bien plus manifeste dans celui-là. Ce qui lui occasionne peut-être aujourd’hui un côté très électro un peu moins bien « vieilli » que les autres albums. Néanmoins, à donf sur son autoradio, sur sa hi-fi ou en test grandeur nature sur une mega sono, force est de constater qu’on est en présence d’une des plus puissantes bombes metal / dance floor produites à ce jour. Au niveau des paroles, Rammstein continue sur sa lancée pouvant laisser place à de multiples interprétations. Le titre de l’album lui-même est assez évocateur à ce sujet.

The androïd

C’est également une recherche de diversité sonore et rythmique qui frappe l’oreille. A un Herzeleid bien plus monocorde mais au son puissant, Sehnsucht dévoile une créatitvité surprenante qui confère un peu plus de relief. En effet, même dans le premier morceau éponyme, Sehnsucht, véritable char d’assaut sonore avec mur de guitares au carré et chant guttural parlé, les claviers donnent une sonorité électro et industrielle très marquée qui va imprimer la patte Rammstein durablement dans les esprits. Et c’est avec la deuxième composition, Engel (« Ange »), premier extrait de l’album en avril 1997, que viennent les surprises. Les claviers prennent la part belle avec le son sifflé qui débute et clôture la chanson, puis une voix féminine épurée, que dévoile la chanson lors de certaines parties des couplets, qui contrebalance la voix masculine habituelle. C’est ce morceau à la structure bien construite, aux sons électro presque dansants, le tout enveloppée d’un rythme assez enlevé mais pas trop tapageur, qui assure à ce single un succès considérable. Pour parler clair: 450 000 exemplaires vendus. Le succès est tellement au rendez-vous que le groupe commence la tournée Sehnsucht dès avril, donc à peu 4 mois avant que l’album ne sorte réellement!

– Engel

Celui qui, de son vivant, est bon sur la Terre
Deviendra un ange après la mort
Le regard tourné vers le ciel, tu te demandes alors
Pourquoi on ne peut pas les voir

Lorsque les nuages se couchent
On peut nous voir dans le ciel
Nous avons peur et sommes seuls

Dieu sait que je ne veux pas être un ange

Ils vivent derrière les rayons du soleil
Séparés de nous, infiniment loin
Ils doivent s’agripper aux étoiles
Très fortement
Pour ne pas tomber du ciel

Lorsque les nuages se couchent
On peut nous voir dans le ciel
Nous avons peur et sommes seuls

Dieu sait que je ne veux pas être un ange
Dieu sait que je ne veux pas être un ange
Dieu sait que je ne veux pas être un ange

Lorsque les nuages se couchent
On peut nous voir dans le ciel
Nous avons peur et sommes seuls

Dieu sait que je ne veux pas être un ange (X5)

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne & Lagoul2 de PlanetRammstein.com)

La vision française du voisin allemand vers 1910 / 1914

La voix que l’on entend dans Engel est celle de la chanteuse Est-Allemande Bobolina. A noter que ce clip est inspiré du film de Robert Rodriguez Une nuit en enfer (From dusk til dawn) que le groupe affectionne particulièrement. Ainsi, ce nouvel album est plus mélodieux, plus varié mais toujours aussi puissant.

« En fait, la musique n’est pas devenue plus douce mais elle est beaucoup plus mélodieuse », nous dit le Docteur.

D’ailleurs, à sa sortie, Sehnsucht entre directement à la 1ère place des classements. En France, selon l’IFOP, l’album monte à la 76ème meilleure place dans la semaine du 13 au 19 février… 2005!

Couv' Du hastCependant, les textes alimentent beaucoup de controverses, comme ceux de la chanson Bück dich (« Baisse-toi ») et également (en fait, surtout) son interprétation scénique sodomaniaque comment dire… plutôt spectaculaire! De même pour la chanson Tier (« Animal »), tube en puissance, où Till Lindemann change une phrase à connotation zoophilique pendant le mixage sur demande du label.

Le deuxième et dernier titre à sortir de Sehnsucht est Du hast (« Tu as »), qui, avec son intro pur dance-floor, sa rythmique évidente et son refrain guttural simple et chaleureux comme un bonjour, est devenue cultissime en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Ce tube interdimensionnel a sans conteste imposé le groupe sur la scène européenne puis internationale. Le clip de cette chanson met en scène un homme, interprété par le fringant Christoph « Doom » Schneider, qui doit choisir entre suivre une bande de malfrats (qui s’avèrent être ses « vieux amis ») et sa femme. A la fin, l’homme fait son choix… Un clip ouvertement inspiré du Reservoir dogs de Tarantino.

– Du hast –

Tu
Tu as
Tu m’as
Tu
Tu as
u m’as
Tu
Tu as
Tu m’as
Tu
Tu as
Tu m’as

Tu
Tu as
Tu m’as
Tu m’as
Tu m’as demandé
Tu m’as demandé
Et je n’ai rien dit

Veux-tu être son époux pour tous les jours
Jusqu’aux frontières de la mort
Oui
Non
Oui
Non

Veux-tu être son époux pour tous les jours
Jusqu’aux frontières de la mort
Oui
Non
Oui
Non
Tu
Tu as
Tu m’as
Tu
Tu as
Tu m’as
Tu
Tu as
Tu m’as
Tu m’as
Tu m’as demandé
Tu m’as demandé
Tu m’as demandé
Et je n’ai rien dit
Veux-tu être son époux pour tous les jours
Jusqu’aux frontières de la mort
Oui
Non
Oui
Non

Veux-tu jusqu’à la mort du vagin*
L’aimer aussi dans les mauvais jours
Oui
Non
Oui
Non
Veux-tu être son époux pour tous les jours
Lui être fidèle
Oui
Non
Oui
Non

* Cette phrase peut aussi être traduite par : « jusqu’à ce que la mort vous sépare ». Mais elle traduite ainsi ici pour rendre compte du style d’écriture dérangeant et pas toujours correct de Till.

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne de PlanetRammstein.com)

Les single Engel et Du hast font l’unanimité dans les discothèques allemandes et Sehnsucht, en Allemagne, dépasse le million d’exemplaires vendus. Le séïsme « métallo-indus » s’étend au reste du monde en peu de temps, Rammstein soigne donc sa com et son image sous toutes ses formes: CD, affiches, concerts, vidéos, etc… C’est l’heure des US pour le groupe.

Rammstein-soldatesLeur maison de disques, Motor, leur fait enregistrer les deux singles en langue anglaise. Mais les américains les boudent, leur préférant la saveur guerrière des versions allemandes, dotées d’un charme et d’une délicatesse exotique bien supérieures. Du coup, l’album passe inaperçu chez l’Oncle Sam malgré des prestations scéniques hors normes.

En décembre 1997, le groupe américain KMFDM, qui officie plus ou moins dans le même style et qui avait assuré les premières parties de Rammstein en Europe, propose au groupe de faire la première partie de sa tournée américaine.

La célébrité c’est quand même sympa, des fois.

De retour au bercail, Rammstein se fend de plusieurs sorties coup sur coup entre 1998 et 1999. En fait ce sont des reprises. Ces chansons sont totalement inédites et non issues de Sehnsucht. Pourtant, elle pouraient l’être tant le style est identique en tous points et reflète bien le Rammstein de ces années là.

Il y a d’abord une reprise de la chanson de Kraftwerk: Das Modell.

Couv' Das modell

Une « bombasse » sonore ultra bien gaulée, allumeuse à souhait et furieusement dansante. Aucune place pour la subtilité et la délicatesse, l’ouvrage est ciselé au millimètre, les rythmiques guitare déchirent l’air, le jeu de batterie percute le cerveau et les claviers ajoutent la petite dose indus essentielle. Véritable relecture de la chanson originale, c’est le syndrome de la « touche repeat » assuré (- repeat – repeat – repeat – rep… – r… – …).

Maintenant, la « face B » de Das Modell, Kokain. Un peu moins « sous speed » mais toujours entraînante avec ses variations de rythme, un riff guitare maître du jeu et une garniture clavier très présente. C’est de la rareté gratis, alors on profite!

Couv' DRSG 98Puis, vient une idée à Rammstein. Plutôt déçus par leur tout premier clip, les six musiciens, dont l’entêtement artistique les caractérise, décident de ressortir leur premier hit, Du riechst so gut mais pourvu cette fois d’un vrai clip. Le groupe, maintenant plus riche, peut se permettre ce genre de caprice, ou rectification dirons nous. Cette resucée de leur premier single est, en fait, l’occasion de coller beaucoup plus à l’ambiance de la chanson et à l’univers visuel foisonnant du groupe.

Comment faire du neuf avec de l’ancien, certes, mais le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont mis le paquet! « L’erreur » est excellemment rectifiée et tant mieux pour nous. Voici donc Du riechst so gut ’98, l’une de leurs mise en image les plus réussies:

Couv' StrippedC’est également en 1998 que Rammstein crache un autre boulet de canon, à tous les sens du terme, une reprise de Depech Mode, Stripped (« Nu »). Une nouvelle polémique ne tarde pas à enfler: le clip de la chanson est composé d’images tirées d’Olympia, le film de Leni Riefenstahl. La cinéaste officielle du parti Nazi avait sorti ce film le 20 avril 1938, après l’avoir tourné en 1936, lors des JO d’été de Berlin, organisés par l’Allemagne hitlérienne. En France, le film a été traduit par Les dieux du stade. Rammstein remue le poignard dans la plaie brûlante du passé crématoire allemand et çà passe moyen. A noter que c’est la première fois que Till Lindemann chante complètement en Anglais.

Partie 1: fête des peuples

Leni Riefenstahl

S’il est clair qu’on peut en admirer les qualités photographiques indéniables et le génie visuel de Leni Riefenstahl qui s’en dégage (style parfois assez novateur au niveau de la prise de vue), ces films n’en restent pas moins ceux de la propagande du régime nazi et le choix de telles images ne manque pas, bien sûr, de défrayer la chronique.

Till raconte que, quand sa fille lui demanda s’il jouait dans un groupe nazi, il comprit qu’ils étaient allés un peu loin. Mais question musique, c’est encore du lourd, cette reprise réhausse littéralement l’original avec des guitares et des nappes électro acérées même si la patte Depech Mode reste clairement identifiable.

Partie 2: fête de la beauté

D’abord actrice et danseuse…

…Puis cinéaste attitrée du Führer après son premier film La lumière bleue (1932)

En tournage lors des JO de 1936

– Ceci est une blague de l’ex-RDA –

(Source inconnue)
Brejnev à Kosygin :
« On a combien de Juifs en Union Soviétique ?
– Bôf… dans les 6-8 millions.
– Et combien émigreraient si on les laissait faire ?
– Entre 20 et 25 millions… »

C’est alors que Rammstein est invité par Korn qui organise la Korn Campaign et le Family Values, une sorte de tournée américaine réunissant les groupes du moment. La BO de Lost Higway a fait son travail de sape. Rammstein déploie donc son artillerie de scène, joker sans pitié pour la concurrence. Au bout de quelques concerts seulement, le groupe sera gentiment remercié par Korn car ces derniers voient, impuissants, leur public se casser la bouche en coeur après la première partie de Rammstein, le cerveau anesthésié par la prestation allemande en forme de jets de lance-flammes dans le groin, sans même jeter un oeil sur eux! C’est cette blitzkrieg scénique américaine qui marque un peu la fin de la période Sehnsucht.

medium_sehnsucht

Ainsi, malgré quelques polémiques qui émaillent certaines chansons, Sehnsucht est une véritable flèche électro qui s’impose largement dans tous les dance floors indus. L’alchimie entre instruments physiques tenus par une rythmique tracée au millimètre, samples dansants et floppées électro, voix granitique et textes sulfureux, fonctionne à merveille. Chaque chanson est un tube potentiel et s’avale d’un trait.

Sehnsucht (© Rammstein 1997)

1/ Sehnsucht
2/ Engel
3/ Tier
4/ Bestrafe mich
5/ Du hast
6/ Bück dich
7/ Spielt mit mir
8/ Klavier
9/ Alter mann
10/ Eifersucht
11/ Küss mich fellfrosch

Après les U.S., Rammstein revient en Allemagne et organise deux super concerts en vue d’un album live…

– LIVE AUS BERLIN –

Live aus Berlin

C’est à Berlin k’sass’pass, en août 1998, dans le Wuhlheide, une espèce d’énorme arène à ciel ouvert. Rammstein y donne des concerts gigantesques deux soirs d’affilée, réunissant chacun 17000 personnes. Les concerts sont filmés, enregistrés car ce coup là, le groupe fait les choses en grand.

Alors… kissékiva manger sa race, ce souar??!

Affiche Live aus BerlinL’album Live aus Berlin sort le 30 août 1999, soit exactement deux ans après Sehnsucht, et pose définitivement Rammstein en figure majeure de la scène metal, si ce n’est LA. Ces deux concerts marquent le point final de la tournée Sehnsucht où le groupe enchaîne les morceaux tirés de leurs deux albums. En 1999 le groupe fait un peu relâche puisqu’il maintient une cadence soutenue  depuis 1995. L’album live se décline en CD mais aussi VHS puis DVD.

Couv' Asche zu ascheUn titre est extrait de ce live mythique, c’est l’énormissime Asche zu asche (« De cendres en cendres ») de l’album Herzeleid, tube qui fait l’unanimité de tout temps. Ici il nous est donné de voir toute l’ampleur de la prestation scénique de Rammstein, tant au niveau des costumes et du maquillage que du décorum de scène, en passant, bien sûr, par les effets pyrotechniques indispensable à la barbarie! Car tout l’intérêt de Rammstein est bien là, sur scène. Cet extrait est un aperçu fugace de l’ambiance électro-metalo-goth d’un groupe à son apogée…

Il tape sur des bambous…

– Asche zu asche –

Corps chauds
Corps chauds
Croix brûlante
Croix brûlante
Faux jugement
Faux jugement
Tombeau froide
Tombeau froide

Sur la croix je suis couché maintenant

Ils m’enfoncent les clous
Le feu purifie l’âme
Et il ne reste plus que la bouche pleine de
Cendres

Je reviendrai
Je reviendrai
Dans dix jours
Je reviendrai
Comme ton ombre
Je reviendrai
Et je te poursuivrai
Je te poursuivrai

Secrètement je ressusciterai
Et tu imploreras ma grâce
Alors je me mettrai à genoux sur ton visage
Et j’enfoncerai mon doigt dans la cendre
Cendre
Cendre
Cendre

De cendres en cendres
De cendres en cendres
De cendres en cendres
Et de poussière en poussière

Secrètement je ressusciterai
Et tu imploreras ma grâce
Alors je me mettrai à genoux sur ton visage
Et j’enfoncerai mon doigt dans la cendre
En cendres
De cendres en cendres
De cendres en cendres
Et de poussière en poussière
De cendres en cendres
De cendres en cendres
De cendres en cendres
Et de poussière en poussière
De cendres en cendres
De cendres en cendres
De cendres en cendres
Et de poussière en poussière
De cendres en cendres
De cendres en cendres
De cendres en cendres
Et de poussière en poussière
Je reviendrai
En poussière (X8)
Je reviendrai
En poussière (X9)
Oui

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

En bonus, quelques autres extraits de ce live des premiers temps, notamment l’entrée en scène, toujours très théâtrale chez Rammstein, sur une chanson de l’album Sehnsucht, Spielt mit mir (« Joue avec moi »), un morceau lent et martial comme on aime.

– Spielt mit mir –

Nous partageons la chambre et le lit
Petit frère, viens et sois gentil
Petit frère viens, touche-moi
Et colle-toi tout contre moi

Devant le lit un trou noir
Tous les moutons tombent dedans
Suis déjà trop vieux mais je les compte pourtant
Car je ne trouve pas le sommeil

Sous le nombril dans les branchages
Un rêve blanc attend déjà
Petit frère, viens, serre-moi fort contre toi
Et secoue-moi le feuillage de l’arbre

Joue à un jeu avec moi
Donne moi ta main et
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
Car nous sommes seuls
Joue avec moi
À un jeu
Jouons au papa, à la maman et à l’enfant

Le petit frère a mal à la main
Il se retourne vers le mur
Il m’aide de temps en temps
Pour que je puisse dormir

Joue à un jeu
Avec moi
Donne moi ta main et
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
Car nous sommes seuls
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Joue avec moi
À un jeu
Jouons au papa, à la maman et à l’enfant

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Retour sur le rouleau compresseur des premières heures, aux envolées tapageuses et au rythme incendiaire, Weisses Fleisch, un des premiers morceaux composés par Rammstein.

– Weisses Fleisch –

Chair blanche

Toi sous le préau
Moi prêt à tuer
Personne ici ne connaît
Ma solitude

Marques rouges sur le blanc de ta peau
Je te fais mal
Et tu cries fort

Maintenant tu as peur et moi je suis prêt
Mon sang noir salit ta robe

Ta chair blanche m’excite tant
Je ne suis qu’un gigolo
Ta chair blanche m’illumine

Mon sang noir et ta peau blanche
Tes cris perçants m’excitent de plus en plus
La sueur d’angoisse là sur ton front blanc
Cogne (comme la grêle) dans mon cerveau malade

Ta chair blanche m’excite tant
Je ne suis qu’un gigolo
Mon père était tout comme moi
Ta chair blanche m’illumine

A présent, tu as peur et moi je suis prêt
Mon être malade crie pour qu’on le délivre
Ta chair blanche sera ma potence
Dans mon ciel, il n’y a pas de dieu

Ta chair blanche m’excite tant
Je ne suis qu’un gigolo
Ta chair blanche m’illumine
Mon père était tout comme moi
Ta chair blanche m’excite tant
Je ne suis qu’un pauvre gigolo
Ta chair blanche m’illumine

(paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Maintenant, le morceau par lequel la polémique de scène est apparue: Bück dich. Le tapage sonore pour le tapage sonore… (… et le tapage de c**, aussi… hem…). Faut dire qu’ils l’ont bien cherché aussi.

– Bück dich –

Baisse-toi / penche-toi, je te l’ordonne
Et détourne ton visage de ma vue
Je me fiche de ton visage
Baisse toi / penche-toi

Un bipède sur ses quatre pattes
Je l’emmène faire sa promenade
A l’amble, le long du couloir
Je suis déçu
A présent il recule vers moi
Du miel reste collé à son porte-jarretelles
Je suis déçu, totalement déçu

Penche-toi
Penche-toi
Penche-toi
Penche-toi
Le visage ne m’intéresse pas

Le bipède s’est penché
S’est mis comme il faut à la lumière
Je lui montre ce que l’on peut faire
Et je me mets à pleurer
Le bipède balbutie une prière
Il a peur, car je me sens plus mal
Il essaie de se baisser encore plus
Des larmes coulent le long de son dos

Penche-toi
Penche-toi
Penche-toi
Penche-toi

Penche-toi, je te l’ordonne
Détourne ton visage de ma vue
Je me fiche de ton visage
Penche-toi encore une fois

Penche-toi (X5)

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Impossible d’éviter l’excellente prestation live de l’intro guerrière d’Herzeleid, Wollt ihr das bett in flamen sehen (« Voulez-vous voir le lit en flammes? »)

– Woltt ihr das bett in flamen sehen

Voulez-vous voir le lit en flammes
Voulez-vous périr de la tête aux pieds
Vous voulez pourtant aussi planter le poignard dans les draps
Vous voulez aussi lécher le sang de la dague

Rammstein
Rammstein

Vous voyez les croix sur l’oreiller
Vous dites que vous voulez recevoir le baiser de l’innocence
Vous croyez qu’il est dur de tuer
Pourtant, d’où viennent tous ces morts

Rammstein
Rammstein
Rammstein

Le sexe, est un combat
L’amour, est une guerre
Le sexe, est un combat
L’amour, est une guerre

Le sexe, est un combat
L’amour, est une guerre
Le sexe, est un combat
L’amour, est une guerre

Voulez-vous voir le lit en flammes
Voulez-vous périr de la tête aux pieds
Vous voulez pourtant aussi planter le poignard dans les draps
Et vous voulez aussi lécher le sang de la dague

Rammstein (X19)

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Allez, une fois n’est point coutume, finissons-nous donc en délikatess avec ce morceau a-bso-lu-ment-su-per-beu et totalement inédit: Wilder wein. Ici, la question est la même: pourquoi cette chanson ne figure sur aucun album, tudju?? Heureusement qu’ils la jouent des fois en live… Où l’on voit le goût de Till Lindemann pour la musique mexicaine (repeat – repeat – repeat – rep… – r…)

Ouèè, ze vè te fumè derrière la bè vitrè!

Live aus Berlin (© Rammstein 1999)

Rammstein_Live_aus_Berlin-couv DVD

Le groupe accorde quelques concerts début 2000 mais, dans le secret, est déja passé à autre chose…

– MUTTER –

Couv' Mutter

Alors que Sehnsucht marquait une évolution certaine dans le style du groupe tout en restant dans une sonorité métal-indus caractéristique, Mutter (« Mère ») est un véritable changement d’orientation, plus mélodique. En effet, après le raz-de-marée planétaire de la boîte à tubes rythmiques Sehnsucht, quelques caractéristiques se dégagent de la musique de Rammstein: deux/trois accords de guitare qui se battent en duel, une sonorité mécanique répétitive, une batterie qui tape et un chanteur qui parle. Autant dire que le nouvel effort est attendu au tournant. La question qui taraude: le groupe, arrivé à une telle notoriété en deux albums de seulement 11 chansons chacun (et quelques belles reprises et perles rares), peut-il faire mieux? Rammstein ne se pose pas la question en ces termes et amorce plutôt un changement de cap. Les nouvelles compositions sont dans la tête du groupe depuis la sortie du Live aus Berlin, soit août 1999, et la production de l’album à proprement dit commence début 2000 au Studio Miraval, dans le sud de la France, avec toujours Jacob Hellner à la production.

Studio-Mutter

Allez, au boulot!

Comme toute remise en question, l’accouchement de Mutter se fait dans la douleur. En effet, Richard Z. Kruspe va s’auto-proclamer directeur artistique de Rammstein et ainsi mettre la main mise sur toutes les décisions artistiques. Cette situation ne va pas tarder à « chauffer » quelque peu les esprits et c’est Christophe « Doom » Schneider qui va remettre en question le plus durement cette hégémonie de Richard.

Doom« Rammstein a commencé comme un vrai groupe, déclare-t-il, six personnes dans un studio qui répétaient. Mais, dès Sehnsucht, les guitaristes se sont mis à travailler chez eux, dans leur appartement, à l’aide d’ordinateurs. Aussi, lorsque nous découvrions ces morceaux, il n’y avait rien à leur apporter, ils étaient prêts! Les guitaristes faisaient tout le boulot et nous autres n’avions rien à ajouter! De plus, si nous désirions modifier quelque chose à leurs compositions, ils refusaient, tellement ils étaient à fond dedans. Bien évidemment, cette situation a rapidement constitué un problème: Rammstein est composé de six personnes, six personnes qui ont envie de construire un projet musical, pas seulement d’exécuter… Dès lors, il y a eu brise après Mutter. Nous en étions arrivés à un point où il nous était devenu impossible de mentionner le nom de Richard sans y adjoindre un « connard » ou un « enculé »! Ce qui était étrange, c’est qu’il n’y avait rien de personnel là-dedans. Mais dès qu’il s’agissait de musique, Richard était la dernière personne dont nous voulions entendre parler. Il avait besoin d’une bonne leçon! Chacun a réfléchi et s’est demandé quel serait le futur de Rammstein. Je me suis rendu à New York, où vit Richard, et nous avons parlé. Il était parti sur un projet solo tandis que le reste du groupe était revenu aux racines: nous répétions à cinq, sans Richard, dan sun seul et même lieu, tous ensemble. De ce côté là, çà fonctionnait très bien. Et puis, un jour, Richard est venu nous rejoindre, nous avons jammé et çà a marché. Il n’était plus question de savoir qui devait être le plus influent dans le groupe mais d’aller dans le même sens. »

richard kruspe4g« Il n’a jamais été question de combat physique! nous dit Richard. Il s’est avéré que je me suis trop accaparé d’espace dans le groupe, c’est moi qui en était le directeur artistique. Pourtant, j’avais beau avoir conscience que Rammstein était une démocratie, un groupe avec six membres, je ne parvenais pas à restreindre mon champ d’influence. Il fallait vraiment que je m’éloigne des autres, de moi-même, je devais réfléchir… Ma créativité ne devait pas bouffer celle des autres, j’ai eu de la chance de le réaliser. C’est pourquoi j’ai fait un break et suis revenu pour voir comment les choses se passaient sans moi. Il s’agit d’une période cruciale, pour moi comme pour les autres membres du groupe. Rammstein a du potentiel, mais mon attitude était négative. Il n’y a rien de curieux dans ce qui nous est arrivé. Tous les groupes, tous les gens, traversent des périodes de crise et, la plupart du temps, chacun en ressort plus fort.C’est la vie, non? »

Mais, prudent sur son image, le public ne sait rien de ces dissensions, qui ont amené le groupe au bord de la séparation, avant 2003. La sois-disant rapidité du net n’a donc pas eu vent de ces problèmes que Rammstein n’a surtout pas laissé filtrer. Mutter sort le 2 avril 2001. C’est cette année là que les autorités américaines consentent à dédommager les familles des victimes de la base aérienne de Ramstein…

Couv' SonneC’est l’album dont sont extraites le plus de chansons, avec tout d’abord Sonne (« Soleil »), qui sort, comme d’habitude, un peu avant l’album, soit le 12 février 2001. Sonne est caractéristique du style Mutter: des guitares puissantes lors des couplets, qui semblent avoir pris une certaine lourdeur sonore par rapport aux albums précédents, plus lentes mais plus puissantes, contrecarrées par des refrains d’une ampleur symphonique inattendue. Le rythme de Sonne est globalement plutôt lent mais donne dans le grandiose. Autre caractéristique: tout comme avec Engel, une voix féminine se greffe sur le refrain, appuyant le côté lyrique. C’est morceau-frappeur de plus, certes, mais qui s’envole dans le poétique en emportant l’auditeur, et met en branle la machine de guerre nommée Mutter aux yeux du public. Le clip, quant à lui, est une véritable superproduction avec un visuel très riche, travaillé à tous les niveaux (décors, costumes, lumière, étalo) et dénote ce plaisir particulier que Rammstein éprouve à se mettre lui-même en scène. D’ailleurs, le côté sexuel est clairement présent mais teinté d’un second degré gentiment humouristique. Et, comme pour Du hast, rien ne vaut le format cinéma, c’est-à-dire l’image cinémascope (le format d’image de rapport hauteur/largeur égal à 2,00, ou 2,21, 2,35, 2,40, 2,55 voir 2,75!). Arrrr! Zés bédis zallemands ne vont rrrien à moidié!

– Sonne –

Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, fin

Tous attendent la lumière
Craignez-le, ne le craignez pas
Le soleil brille au fond de mes yeux
Il ne se couchera pas ce soir
Et le monde compte tout haut jusqu’à dix

Un, voici le Soleil
Deux, voici le Soleil
Trois, c’est l’étoile la plus brillante de toutes
Quatre, voici le Soleil

Le soleil brille au creux de mes mains
Il peut brûler, il peut vous aveugler
Quand il se pose sur tes poings
Il s’étale sur ton visage et le brûle
Il ne se couchera pas ce soir
Et le monde compte tout haut jusqu’à dix

Un, voici le Soleil
Deux, voici le Soleil
Trois, c’est l’étoile la plus brillante de toutes
Quatre, voici le Soleil
Cinq, voici le Soleil
Six, voici le Soleil
Sept, c’est l’étoile la plus brillante de toutes
Huit, neuf, voici le Soleil

Le soleil brille au creux de mes mains
Il peut brûler, il peut vous aveugler
Quand il se pose sur tes poings
Il s’étale sur ton visage et le brûle
Il s’écrase doucement sur ta poitrine
L’équilibre sera ta perte
Tu te laisses tomber lourdement au sol
Et le monde compte jusqu’à dix

Un, voici le Soleil
Deux, voici le Soleil
Trois, c’est l’étoile la plus brillante de toutes
Quatre, et elle ne tombera jamais du ciel
Cinq, voici le Soleil
Six, voici le Soleil
Sept, c’est l’étoile la plus brillante de tout l’univers
Huit, neuf, voici le Soleil

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lagoul2 de PlanetRammstein.com)

Die « Sonne » brille-t-il pour tous?…

Couv' Links 2-3-4Le deuxième extrait de Mutter est le titre Links 2-3-4, sorti le 14 mai 2001. Beaucoup plus dans la veine du Rammstein qu’on connaît mais néanmoins caractéristique du son Mutter avec ses guitares lourdes et des claviers beaucoup plus discrets que sur Sehnsucht, en tous cas moins « dance floor », le groupe confirme son évolution musicale. Links 2-3-4, en plus d’être une tuerie sonore, est une des rares chansons à connotation politique de Rammstein, faite en réponse aux diverses accusations et étiquettes d’extrême droite qu’on lui a collé depuis le début. « Links » signifiant littéralement « gauche », la chanson indique de manière claire le penchant politique du groupe. Ou peut-être tout simplement apolitique. De plus, Rammstein utilise une imagerie très spécifique dans le clip. En effet, en son temps la propagande nazie montraient les juifs sous forme d’insectes nuisibles, notamment les fourmis, qu’il fallait éradiquer. Ici, Rammstein reprend l’image de la fourmi et inverse la métaphore en nous montrant, non seulement des fourmis très organisées qui savent répondre violemment à une agression extérieure mais aussi jusqu’où peut mener une réaction excessive et trop impulsive…

– Links 2-3-4 –

Peut-on briser des cœurs
Les cœurs peuvent-ils parler
Peut-on faire souffrir les cœurs
Peut-on voler les cœurs

Ils veulent remettre mon cœur dans le droit chemin/mettre mon coeur à droite
Pourtant si je regarde vers le bas
Il bat à gauche
Gauche

Les cœurs peuvent-ils chanter
Un cœur peut-il se briser
Les cœurs peuvent-ils être purs
Un cœur peut-il être de pierre

Ils veulent remettre mon cœur sur le droit chemin/que j’aie le coeur à droite
Pourtant si je regarde vers le bas
Il bat à gauche
Gauche
Gauche
Gauche
Gauche deux trois quatre
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche
Gauche deux trois quatre

Peut-on interroger des cœurs
Porter un enfant dans son sein
Peut-on offrir son coeur
Et penser avec le cœur

Ils veulent remettre mon cœur sur le droit chemin/à droite
Pourtant si je regarde vers le bas
Il bat à gauche dans ma poitrine
L’envieux ne le savait pas
Gauche
Gauche
Gauche
Gauche
Gauche deux trois quatre
Gauche
Gauche deux trois quatre
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre
Gauche deux, gauche deux, gauche deux trois quatre

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Du son et de la méchante claque dans ta bouche, Links 2-3-4 remplit largement le contrat du geyser à décibels. Mais… il fait jaser à sa sortie. Le bruit de bottines suspectes du début inquiète les chiens de garde de la bien pensance, ceux qui voient des antisémites partout. Cette marche au pas fait grincer des dents, inscrivant le groupe toujours dans cette sorte d’ambiguité d’inspiration plus ou moins « nazillonne ». Ces claquements de semelles évoquent évidemment un environnement militaire, donc, bien sûr, nazies. Les clichés sont tenaces dans cette chère Allemagne marquée au fer rouge par son pan d’Histoire brune et Rammstein appuie sans ménagement sur les blessures collectives. Le groupe répondra que ce bruit de bottes évocateur n’est rien de moins que de la pure provoc, allant dans le sens des détracteurs du groupe pour mieux les prendre à contre pied.

A noter que cet extrait est couplé avec un excellente composition inédite, en « face B », nommée Hallelujah. Ce titre, à la sonorité impactante façon bourre-pif, n’a absolument rien à envier aux autres morceaux de Mutter et aurait très bien pu y figurer. D’ailleurs, il est présent sur la version japonaise de l’album, en morceau caché. C’est une tartine de rythmiques enfoncés à coups de masse sur des textes au souffre traitant de la pédophilie au sein de l’Église catholique. Un tube tout en puissance et en douleurs, qui mérite toute sa place ici.

Escale Mutter

Bombardement sonore en perspective…

Une autre controverse  va émailler la sortie de cet album. Ce n’est ni plus ni moins que la couverture sur laquelle on voit la photo de l’embryon d’un mort-né! Evidemment, çà en défrise plus d’un! Rammstein ou l’art de la provoc et des images qui dérangent. L’air de rien…

Et puis vint Ich Will (« Je veux »). Ici, Rammstein extrait le « morceau-monstre » du ventre de Mutter. Moins versé dans l’ évolution symphonique, les choeurs de la fin, assez inattendus, lui confèrent pourtant la dimension d’un hymne. Le clavier du Docteur, discret mais efficace, trace le fil rouge de la mélodie pendant que l’axe basse-batterie s’illustre au jeu du chamboule tout. A l’image de Du hast, Ich will, avec son leitmotiv entêtant, est l’un des plus grands succès de Rammstein. Sorti le 10 septembre 2001, ce titre a tôt fait de devenir absolument incontournable (si c’est pas avant). Encore une fois, le clip très travaillé raconte une histoire qui n’est qu’un point de vue particulier qui se superpose aux paroles plus généralistes. Comme une vision possible parmi tant d’autres.

Couv' Ich will

– Ich will –

Je veux (X7)

Je veux, je veux que vous ayez confiance en moi
Je veux, je veux que vous me croyiez
Je veux, je veux sentir vos regards
Je veux, contrôler chaque battement de cœur

Je veux, je veux entendre vos voix
Je veux, je veux troubler le silence
Je veux, je veux que vous me voyiez bien
Je veux, je veux que vous me compreniez

Je veux, je veux votre imagination
Je veux, je veux votre énergie
Je veux, je veux voir vos mains
Je veux, disparaître sous vos applaudissements

Me voyez-vous
Me comprenez-vous
Me sentez-vous
M’entendez -vous
Pouvez-vous m’entendre
Nous t’entendons
Pouvez-vous me voir
Nous te voyons
Pouvez-vous me sentir
Nous te sentons
Je ne vous comprends pas
Pouvez-vous m’entendre
Nous t’entendons
Pouvez-vous me voir
Nous te voyons
Pouvez-vous me sentir
Nous te sentons
Je ne vous comprends pas

Je veux
Je veux
Je veux
Je veux

Nous voulons que vous ayiez confiance en nous
Nous voulons que vous croyiez tout ce que nous disons
Nous voulons voir vos mains
Nous voulons disparaître sous vos applaudissements

Pouvez-vous m’entendre
Nous t’entendons
Pouvez-vous me voir
Nous te voyons
Pouvez-vous me sentir
Nous te sentons
Je ne vous comprends pas
Pouvez-vous nous entendre
Nous vous entendons
Pouvez-vous nous voir
Nous vous voyons
Pouvez-vous nous sentir
Nous vous sentons
Nous ne vous comprenons pas

Je veux
Je veux

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lagoul2 de PlanetRammstein.com)

Je veux… le voir à genoux!

Till-LindemannVus en novembre 2001 au Zénith de Paris lors de la tournée Mutter, le moins que l’on puisse dire est que, sur scène, Rammstein vaut son pesant de bretzels au fromage.  Le groupe livre un spectacle qu’on peut aisément qualifier d’ « expérience » scénique. Le son est d’une imparable clarté, on a jamais l’impression d’être noyé sous les décibels malgré le martèlement des rythmes. Et le côté visuel, l’image même du groupe, n’est jamais oubliée, bien au contraire. Tout est soigneusement pensé et millimétré, de l’entrée en scène du groupe jusqu’à sa sortie. La rigueur allemande en action.

En première partie, c’est les potes suédois de Clawfinger qui ouvrent la danse et remplissent leur mission de chauffage de salle haut la main. A cette époque, Clawfinger vient de sortir un vrai petit chef d’oeuvre avec son quatrième album, après de nombreux déboires avec la maison de disque qu’ils ont quitté. En pleine tourmente, Rammstein propose à Clawfinger de faire la première partie de leur tournée européenne, leur renvoyant ainsi la monnaie de leur pièce. En effet, lors des premiers concerts de Rammstein fin 1995, Clawfinger avait confié aux Allemands la première partie de la tournée de leur deuxième album!

Doom concertClawfinger finit son set. Suivent les 3/4 d’heure d’installation de la scène des empereurs d’outre Rhin. C’est à ce moment là qu’une légère « frayeur » parcoure l’échine du public. En effet, dans un message qui lui est adressé, le responsable de la salle (probablement) informe les spectateurs que « suite à l’opération vigipirate (déja en vigueur depuis les séries d’attentats à la bombonne de gaz à Paris en 1995, faut-il le préciser), les effets pyrotechniques du spectacle ont dû être révisés à la baisse ». Sans attendre, c’est concert de sifflets. Le message reprend et se fait un peu plus inquiétant: « D’habitude, dans de telles conditions,nous dit la voix, le groupe Rammstein annule sa Christian+Lorenz+_gestureprestation ». Oomph! Le choc. Une fois de plus, la France et son esprit procédurier unique au monde s’illustre et est en passe de gâcher LE spectacle métal du jour. Les sifflets redoublent et des « Hein, c’est quoi c’délire??! » outrés fusent comme des flèches au curare. Cependant, le communiqué poursuit: « Mais exceptionnellement ce soir… ». Une clameur chargée d’espoir monte. « … Pour son public parisien… ». Le public exulte. « … Le groupe Rammstein a décidé d’assurer quand même son spectacle. » Ouff! Eh ben on est pas passé loin! Mais quelle frayeur. A se demander quel était l’intérêt de faire flipper les gens comme çà juste avant le démarrage. Mais Oliverquelques jours auparavant, une brève avait circulé dans les divers magazines métal, qui relatait cette condition non négociable imposée par les autorités françaises au groupe, à savoir diminuer ses effets pyrotechniques pour cause de plan Vigipirate, réactivé après les attentats du 11 septembre. Les Allemands se sont évidemment plié à ces directives mais s’en sont trouvés contrariés. Et n’ont pas hésité à faire savoir ce qu’ils en pensaient. Ils n’ont pas mis leur menace à exécution mais ce message exprimé publiquement juste avant le début des hostilité a sonné comme un avertissement.

Malgré cela, les six membres du groupe font leur entrée en scène. Ils apparaissent un à un, dévoilés par des rayons de lumière surgissant du sol, chacun bien à sa place sur fond musical inédit. C’est le morceau instrumental 5/4, joué à chaque entrée en scène de la tournée Mutter.

C’est accompagné de cette ambiance lourde et plombante, que le groupe réussit une entrée en scène magistrale, aux frontières du mystique. Rammstein va ensuite égrener tous ses tubes, de Du hast en passant par Weisses flesch et l’immanquable Ich will. Ainsi, les premiers rangs ont l’occasion de goûter à la chaleur communicative des lance-flammes des deux guitaristes, engins de mort posés sur le bout des manches des guitares. Il ne faut pas non plus oublier le fameux Bück dich et sa mise en scène qui avait fait controverse quelques années avant. En effet, Till Lindemann simule une scène de sodomie où le Docteur joue le rôle du soumis, par terre à quatre pattes. Dans un style très raffiné, le chanteur arbore un sexe géant en mimant des gestes explicites. Vers la fin du morceau, il y a éjaculation géante, le faux sexe crachant du pastis partout sur scène, et, bien entendu, sur un public enchanté.

Tillsilhouette

Couv' Mutter singleLe 24 mars 2002, soit presque un an après la sortie de l’album, c’est au tour de Mutter, la chanson éponyme, de sortir. Avec ce morceau épique, Rammstein en met définitivement un grand coup. Mutter fait la part belle à un lyrisme échevelé et poignant qui dénote d’une sensibilité et d’une noirceur poétique évidente. Morceau lent et symphonique mais particulièrement puissant, Mutter raconte l’histoire d’un être humain créé artificiellement en laboratoire et venant au monde sans mère. Chose très nouvelle, pour ce morceau, ainsi que pour d’autres pièces de bravoure de l’album (la monstrueuse intro Mein Herz Brennt et l’opéra de fin d’album Nebel), Rammstein va se payer des sessions d’enregistrement avec le Filmorchester Babelsberg et agrémenter ces chansons de violons. En plus des claviers, ces enregistrements ajoutent une profondeur inédite chez Rammstein et étonnamment maîtrisée. Avec un thème imparable, un refrain qui claque toute sa puissance à chaque mot, des envolées lyriques grandioses servies par des arrangements parfaits et des variations vocales de Till Lindemann, ainsi qu’une thématique pour le moins inquiétante, Mutter est réellement une pièce d’anthologie dont on ne se lasse plus et qui marque un tournant dans la discographie évolutive du groupe.

– Mutter –

Les larmes d’une bande d’enfants-vieillards
Je les enfile sur un cheveu blanc
Je jette ce cordon humide en l’air
J’aurais aimé avoir une mère
Il n’y a aucun soleil qui m’illumine
Aucune poitrine n’a pleuré de lait pour moi
Dans ma gorge, il y a un tube
Je n’ai pas de nombril sur le ventre

Maman, maman
Maman, maman

Je ne pouvais téter aucun sein
Je n’avais aucun repli pour m’abriter
Personne ne m’a donné de nom
Conçu à la hâte et sans semence

A la mère qui ne m’a jamais fait naître
J’ai juré cette nuit
De la rendre malade
Et de la noyer ensuite dans le fleuve

Maman, maman
Maman, maman
Maman, maman
Maman, maman

Dans ses poumons loge une anguille
Sur mon visage, il y a une tache de naissance
Que le baiser du couteau me l’enlève!
Même si je dois en mourir

Maman, maman, maman, maman

Dans ses poumons loge une anguille
Sur mon visage, il y a une tache de naissance
Que le baiser du couteau me l’enlève !
Même si je dois me vider de mon sang

Maman, oh donne-moi la force
Maman, maman
Oh donne-moi la force
Maman, maman
Oh donne-moi la force
Maman, maman
Oh donne-moi la force

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal & Fabienne de PlanetRammstein.com)

Couv' Feuer Frei!Le 10 octobre 2002 sort Feuer Frei! (« Feu à volonté! »), le dernier extrait de l’album Mutter. En fait, cette chanson apparaît dans la BO du film Triple X, film où, d’ailleurs, le groupe fait une apparition en train de jouer. Du coup, Rammstein a décidé de sortir ce titre de concert (si l’on peut dire) avec le film. Feuer frei! est ce qu’on peut appeler un morceau bourrin, tapageur, taillé pour l’agression sonore. Malgré son côté un peu plus dans la veine d’un Rammstein rythmique, on note la place importante des claviers qui temporisent à merveille. Comme la pochette du single l’indique, cette chanson parle des armes à feu et en dénonce l’utilisation facilitée à notre époque. En vérité, cette chanson a une histoire: au moment de la tuerie du lycée Columbine, le groupe a été critiqué aux USA (tout comme Marilyn Manson) car les enfants responsables de ce massacre étaient fans de Rammstein. C’est donc en référence à cet événement tragique et à la responsabilité qu’on a pu leur donner que Rammstein compose Feuer Frei! afin de dénoncer, à leur tour, la vente libre des armes aux Etats-Unis.

Rammstein_Olivier

– Feuer frei! –

Sera blâmé celui qui connaît la douleur
Du feu qui brûle la peau
Je projette une lumière
Sur mon visage
Un cri brûlant
Feu à volonté !

Bang, bang!
Bang, bang!

Est anobli celui qui connaît la douleur
Du feu qui se consume en désir
Une gerbe d’étincelles
Sur ses cuisses
Un cri brûlant
Feu à volonté!

Bang, bang!
Bang, bang!
Feu à volonté!
Bang, bang!
Bang, bang!
Feu à volonté!

Est dangereux celui qui connaît la douleur
Du feu qui brûle dans l’esprit
Dangereux l’enfant enflammé
Par le feu qui arrache à la vie
Un cri brûlant
Bang, bang!
Feu à volonté!

Ton bonheur (Ta chance)
N’est pas le mien
Mais est ma perte
Ton bonheur (Ta chance)
N’est pas le mien
Mais est ma perte

Bang, bang!
Bang, bang!
Feu à volonté!
Bang, bang!
Bang, bang!
Feu à volonté!
Bang, bang!
Bang, bang!
Feu à volonté!
Bang, bang!

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Clansmam de PlanetRammstein.com)

Il fait chaud là, ou c’est moi?…

Le clip, purement commercial, ne présente aucun intérêt. Pas plus que le film Triple X, d’ailleurs. Cependant, l’aspect visuel et le montage découpé correspondent à la chanson. A voir uniquement pour la musique et aussi se faire une idée de ce qu’a été la furie scénique de la tournée Mutter, avec un Till Lindemann coiffé à l’Iroquoise!

Lichtspielhaus35La promo de Mutter est mondiale. Une fois l’album fini, début 2001, le groupe se fend d’une tournée en Océanie et participe au « Big Day Out » en Australie et Nouvelle-Zélande. Le groupe pousse même jusqu’au Japon. Ensuite, en 2001/2002, c’est l’Europe qui succombe, la Russie, le Mexique et même les Etats-Unis où c’est la première fois que Rammstein joue en tête d’affiche. En 2002, Rammstein glane des récompenses et se voit qualifié de « meilleur groupe » par les Echo Awards et les MTV Europe Music Awards.

till cover messerC’est également en 2002 que sort le livre de Gert Hof consacré à Rammstein, regroupant des récits des six musiciens ainsi que 150 photos, et Messer, un recueil de poèmes composés par Till Lindemann tout au long de sa vie.

La fin de la tournée Mutter se voit gratifiée de la sortie d’un DVD, Lichtspielhaus, qui regroupe tous les clips du groupe depuis Herzeleid ainsi que des extraits de divers concerts. L’année 2003 est assez calme, Rammstein ne fait pas parler de lui, hormis avec un remix de la chanson mOBSCENE de Marilyn Manson. Un remix très électro, sans grand intérêt. Un remix, quoi…

Lichtspielhauschapeau

Et maintenant, voici tout de même un ch’ti extrait du Lichtspielhaus: Sehnsucht en live. Attention, Rammstein déboule, et… çà fait mal! Une captation qui doit, en réalité, dater du Live aus Berlin.

-Sehnsucht –

Laisse-moi chevaucher ta larme par-dessus ton menton jusqu’en Afrique
De retour dans le giron de la lionne où j’étais autrefois chez moi
Entre tes longues jambes je cherche la neige de l’année dernière
Mais il n’y a plus de neige

Laisse-moi chevaucher ta larme par-dessus des nuages sans bonheur
Le grand oiseau pousse doucement sa tête et retourne dans sa cachette
Entre tes longues jambes je cherche le sable de l’année dernière
Mais il n’y a plus de sable

Le désir (La nostalgie) se cache
Comme un insecte
Tu ne sens pas dans ton sommeil
Qu’il (elle) te pique
Je ne serai heureux nulle part
Le doigt glisse jusqu’à Mexico
Mais il sombre dans l’océan
Le désir (La nostalgie) est si cruel(le)
Le désir (La nostalgie)
Le désir (La nostalgie)

Le désir (La nostalgie)
Le désir (La nostalgie)

Le désir (La nostalgie) se cache
Comme un insecte
Tu ne sens pas dans ton sommeil
Qu’il (elle) te pique
Je ne serai heureux nulle part
Le doigt glisse jusqu’à Mexico
Mais il sombre dans l’océan
Le désir (La nostalgie) est si cruel(le)
Le désir (La nostalgie) (X7)

Note : Le mot SEHNSUCHT peut aussi bien être traduit par DESIR que par NOSTALGIE.
« Sehnsucht » a le sens de « désir ardent, souvent douloureux » quand une idée de manque est exprimée.
« Sehnsucht » a le sens de « nostalgie » quand les sentiments exprimés sont tournés vers le passé.

NB: la vidéo de Lichtspielhaus ayant été viré de youtube, je partage la version du « Live aus Berlin ».

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne de PlanetRammstein.com)

Dans la catégorie broyage terminal des tympans et de toute aspiration au calme, impossible de clôturer le chapitre Mutter sans l’incontournable « nazi-broyeur » Links 2-3-4. En live, c’est tout simplement la guerre (pour l’avoir vécu…):

Front-Lichtspielhaus

Mutter tourAinsi, avec l’album Mutter, Rammstein, malgré des chansons d’une durée standard variant de 3 à 5mn, nous claque en pleine poire le concept d’album massif et cyclopéen, ébréché çà et là d’un lyrisme embryonnaire mais fracassant. Contrairement à beaucoup d’autres groupes du même pays qui officient dans le même genre musical (même s’il sont bons), la musique des « rois Rammstein », à l’instar d’un Wagner à son époque (toutes proportions gardées, bien sûr), développe une ampleur et un gigantisme sonore typique de ce que l’on pourrait appeler « l’esprit Allemand ». Ce petit rien très reconnaissable qui, en plus de la sonorité néo-métal trop commune, relève davantage de l’identité culturelle. Mutter, considéré aujourd’hui, avec le recul, comme une pièce maîtresse du genre, imprime la patte Rammstein, ogre musical multi-facettes à la personnalité complexe mais bien trempée, univers en soi. Sans pour autant écraser les albums d’avant ni se confondre avec, tant ils diffèrent les uns des autres (et c’est là tout l’intérêt), Mutter s’impose et marque un tournant dans la carrière du groupe. Le sextette délaisse un peu les claviers et un côté purement industriel pour se diriger, non sans oublier la barbarie cadencée, vers des saveurs plus symphoniques et mélodiques. L’album présente également quelques sonorités de guitare inédites, des choeurs et voix féminines plus fréquentes. Nonobstant, Rammstein n’est pas complètement dégagé d’un rythme martial caractéristique et la deuxième moitié de Mutter, hormis le dernier morceau Nebel (« Brume »), petit bijou symphonique, s’avère beaucoup plus fidèle à ce que le groupe engendrait au début, à savoir des pièces aux riffs entêtants et shoutés à la testostérone. Mais avec une qualité dans la production sonore incontestablement meilleure. Rammstein démontre sa capacité d’innovation en prenant son public à contre pied, tout en sachant garder une certaine continuité.

Till_Lindemann15

Mutter (© Rammstein 2001)

1/ Mein herz brennt
2/ Links 2-3-4
3/ Sonne
4/ Ich will
5/ Feuer frei!
6/ Mutter
7/ Spieluhr
8/ Zwitter
9/ Rein raus
10/ Adios
11/ Nebel

+ 12/ Hallelujah (version japonaise)

Malgré son succès considérable, et l’extension planétaire de sa renommée grâce à ses clips et ses prestations scéniques hors normes, Rammstein ne sort pas d’album live de la tournée Mutter, préférant mettre les voiles vers d’autres horizons…

– REISE, REISE –

Couv' "Reise, Reise"

Il est des moments de la carrière de certains artistes, quelque soit le domaine, où l’on se demande bien ce que ces derniers vont pouvoir engendrer. En effet, après Sehnsucht, on sentait bien que Rammstein se devait d’enrichir un chouilla sa façon d’aborder la musique sous peine de mourir à petit feu dans la répétition stérile. Comme disait Metallica, en substance, après son album Metallica (surnommé le « Black album »), « Il ne faut surtout pas chercher à faire la même chose ou reproduire la même formule. De toutes façon, on ne peut pas ». Tout est dit et l’évidence est là, chaque création se doit d’être totalement nouvelle, inédite, développer une personnalité propre qui reflète l’état d’esprit et les réflexions du moment. S’appuyer sur son expérience sans idôlatrer le passé.

Till StudioDans le cas de Rammstein la question est bien là: que peut le groupe après le grand Mutter? Vers quoi va pouvoir tendre la musique des Teutons après l’évolution musicale confirmée de 2001? Cette question ne fait pas peur aux Allemands puisqu’ils se retrouvent en studio dès novembre 2003 pour l’enregistrement de ce qui sera leur quatrième album. Nom de code: « l’album rouge ». En studio, cela veut dire qu’au moins une trentaine de chansons sont présentes dans la tête du groupe et une vingtaine posées sur papier. Après le sud de la France pour Mutter, Rammstein écume le sud de l’Espagne et le studio El Cortijo (à San Pedro de Alcantera, Malaga) où se fait l’enregistrement. Oliver Riedel confie:

« On l’a choisi parce-que c’était le studio le plus au sud où on aurait le meilleur temps. Çà nous a paru être une ville très touristique et nous avons été enchantés par la zone où il y avait le moins de touristes, vers Tarifa. On évitait les lieux comme Puerto Banus, bien que celui-ci était assez près, et que nous allions de temps en temps y boire un café. Ce qui nous a réellement plu, c’était d’être dans les montagnes, avec à la fois les studios et le paysage. »

Après la crise de fond qu’a traversé le groupe lors de l’enregistrement de l’album précédent, Rammstein reprend du service avec Jacob Hellner à la production.

« Jacob Hellner a joué un rôle de la plus grande importance, nous a apporté force et confiance. En termes psychologiques, il a été fondamental. Nous avions vraiment besoin de stabilité », confie Richard Z. Kruspe.

Le mixage de Reise, Reise (« Voyage, voyage » en Français) est achevé fin mai 2004 et sort le 27 septembre de la même année un peu partout dans le monde.

ReiseRammstein nous convie donc à un grand voyage, à l’exploration (batte de base ball en main!). L’album s’ouvre sur un morceau éponyme, Reise, Reise, très sombre, assez lent et tout en ambiance. C’est sur ce point où Rammstein apporte un vrai travail de fond: chaque chanson de cet opus développe une ambiance sonore singulière et très travaillée. Des synthés aux guitares en passant par les rythmes ou des « intrusions » d’instruments inédits, l’album présente un relief inattendu mais particulièrement abouti. Certains conspuent un côté beaucoup plus « pop » qu’avant. Effectivement, le son est moins agressif. Ainsi, à la conclusion brumeuse et toute en délicatesses de Mutter,« Là où la mer prend fin », Rammstein renquille en clin d’oeil premier degré à lui-même, avec un Reise, Reise qui nous embarque vers les longs voyages des marins du temps jadis.

Rammstein en bateauLa chanson, après une courte intro à la batterie, démarre sur un bruit de bord de mer et continue sur des voix masculines au loin, suggérant en filigrane des équipages. La tonalité générale va donc vers l’effort et les souffrances d’une vie rude, emplies d’obstacles et de maladies, de croyances craintives liées aux océans et d’encouragements mutuels. Le mur de guitares ne tarde pas à s’imposer mais de légers samples se feront toujours entendre simulant un peu les mouettes. Le lyrisme des parties orchestrales est plus que jamais présent et se marie à la perfection avec le métal. Le Deutsches Filmorchester de Babelsberg est toujours de la partie pour les arrangements lyriques rajoutés. La chanson finit sur un son d’accordéon qui naît pendant le final et va s’échouer seul après la tempête sonore, faisant ainsi « mourir » la composition comme un bout de radeau à la dérive. Ce son est inédit pour le groupe mais colle complètement au thème abordé. La tonalité de l’album est donc donnée avec cette intro monumentale en fresque sonore, à croire que l’album reprend exactement là où Mutter s’était arrêté: lyrisme et diversité instrumentale marquée mais avec une ampleur décuplée. Finie la linéarité monocorde et ultra-rythmée des premiers albums.

Rammstein propagande« Dans un sens, cet album est le plus dur. Certainement plus rock que les précédents, le son est moins artificiel, plus organique avec une dynamique très vivante », nous précise Christoph « Doom » Schneider. Oliver Riedel, le bassiste, confirme le côté plus « calme » de l’album:

« Çà tire plus vers le rock-classique. Çà n’a rien d’agressif selon nous ».

Effectivement, le rythme de la chanson Reise, Reise reste pesant, lent et le côté tapageur ne demande qu’à éclater au grand jour.

Logo Mein TeilC’est chose faite avec le morceau suivant, Mein teil, qui recadre les choses. Mein teil est choisi par la maison de disque comme premier extrait, à la surprise générale tant cette chanson n’est pas la plus évidente. Elle sort le 26 juillet 2004. La maison de disque tient à lancer l’album par un morceau puissant et le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec celui-là, on est servi! Sans jeu de mot douteux… Car la chanson fait polémique de par son sujet même. Mein teil s’inspire d’un fait divers plutôt violent qui a défrayé la chronique en Allemagne fin 2002, début 2003.

En 2001, un informaticien allemand nommé Armin Meiwess publie des annonces sur internet dans lesquelles il déclare rechercher un homme voulant être mangé! Plusieurs poissons mordent à l’hameçon et c’est un certain Bernd Jürgen Armando Brandes, un autre informaticien de 43 ans, qui se rend chez Armin Meiwes en mars 2001. Après une partie de jambes en l’air, ils décident d’un commun accord de sectionner le pénis (en érection) de Bernd Jürgen Armando Brandes. Ils le cuisinent finement et le mangent ensemble. La scène dure plus de neuf heures et est intégralement filmée. Une fois le repas terminé, et toujours avec l’accord de son hôte, Armin Meiwes tue Brandes de quelques coups de couteau dans la gorge. Il amène le cadavre dans sa cave et déclare:

« Je l’ai pendu par les pieds, éviscéré. J’ai découpé quelques 30 kilos de viande, les meilleurs morceaux ont été conservés dans mon congélateur ».

Il s’agit donc, ni plus ni moins que d’une méchante affaire de cannibalisme. Le 10 décembre 2002, alors qu’il recherche une autre victime consentante, il est arrêté par la police, alertée par un étudiant. Chez lui, cette dernière trouve plusieurs sacs de viande humaine et il passe aux aveux. Il déclare regretter son geste mais garde tout de même un bon souvenir du repas. Jugé sain d’esprit par les psychiatres, il est condamné en janvier 2004 à 8 ans et demi de prison ferme par le tribunal de Kassel. Le 12 janvier 2005, sur demande du Parquet jugeant la peine insuffisante, Armin Meiwes est rejugé en cassation par la cour fédérale allemande pour assassinat à caractère sexuel. Le 9 mai 2006, la tribunal de grande instance de Francfort le condamne à la réclusion criminelle à perpétuité. Fin 2007, Armin Meiwes se déclare végétarien. On imagine le calvaire psychologique des policiers contraints de regarder l’enregistrement vidéo pour l’enquête…

Mein_Teil

Evidemment, il n’en faut pas plus à Rammstein pour écrire une chansonnette! C’est du pain béni pour Till Lindemann et ses textes à jeux de mots. En effet, « teil » signifie « part » ou « partie » (dans le sens de « ce qui m’appartient » ou aussi dans le sens de « partie 1 / partie 2 »), mais « teil » s’apparente également au mot de l’argot allemand qui désigne le sexe masculin. Ainsi, « partie » peut prendre  un sens pluriel. Quand on connaît le fait divers à l’origine de la chanson, le sens devient assez clair!

Maître Jackson et son Bad taste

Rammstein à la gareLa chanson, scabreuse et abyssale à souhait, est à l’image de ce fait divers hors normes. On commence par une claque de guitares-batterie à laquelle succède un chant façon sadique sur les couplets, soutenu par un rythme léger mais présent, qui « mijote » comme qui dirait. Les couplets son calmes mais le refrain, qui explose comme une déflagration obscène, devient culte très rapidement:

« Denn du bist / was du isst / Und ihr wisst / was es ist / es ist mein teil – nein / Denn das ist mein teil – nein / Mein teil – nein »

Quand Aragorn en a marre des hobbits…

Un p’tit barbeuc entre amis?

Le solo guitare de cet enfer sonore accompagne un doux cri de scie circulaire en action semblant trancher chair et os. Ou bien est-ce un cri… humain. Celui, terrible, de la victime consentante, mutilée sans anesthésie. Les deux « points de vue » sont audibles dans cette sonorité duale surprenante et c’est là que ce morceau (encore une fois sans jeux de mots!) prend une tonalité expressionniste inédite, car on finit par se demander si ce sont les guitares ou les claviers qui génèrent cette odeur de souffrance. En tous cas, les instruments deviennent partie intégrante du récit et expriment le drame de manière organique, indépendamment des textes et du thème musical.

Rammstein2004beachCe petit bijou de noirceur provocatrice se clôture par des choeurs pesants assez peu agréables à l’oreille mais qui enfoncent le clou dans le glauque. Une chanson « hirsute », brutale, agressive, voir réellement violente autant par le sujet traité que par l’ambiance musicale et sonore proposée à nos innocentes cages à miel, nous faisant voyager jusque les replis les plus opaques et inavouables de la nature humaine. Mais sans conteste un des plus grands morceaux de Rammstein, qui se bonifie avec le temps.

Es ist mein teil…

Tout comme Mutter, Reise, Reise, rien qu’avec ses deux premiers titres développe une vraie personnalité et renvoie la concurrence qui officie dans le genre « métal indus » gentiment à sa place. Cette « peinture » grandiose d’un drame assez peu commun est gratifiée d’un clip épileptique. Etonnamment sobre mais évocateur, grâce au travail sur le maquillage et les costumes, tout à fait inquiétants.

– Mein teil –

« Cherche un jeune homme bien bâti entre 18 et 30 ans prêt à se faire abattre »
Le maître boucher.

Aujourd’hui je rencontre un monsieur
Qui me trouve à croquer
Des parties tendres comme dures
Sont au menu

Car tu es, ce que tu manges
Et vous savez ce que c’est
C’est mon membre – non
Mon membre – non
Oui c’est mon membre – non
Mon membre – non

La lame émoussée – comme il se doit
Je saigne fort et j’ai des nausées
Même si je dois lutter contre l’évanouissement
Je continue à manger malgré les crampes

C’est si bien assaisonné et parfaitement flambé
Et servi avec tant d’amour sur de la porcelaine
Agrémenté d’un si bon vin et à la lumière douce d’une bougie
Oui, là je prends mon temps, on est quand même civilisés

Car tu es, ce que tu manges
Et vous savez ce que c’est
C’est mon membre – non
Mon membre – non
Oui c’est mon membre – non
Mon membre – non

Un cri montera au ciel
Se frayant un chemin parmi les choeurs d’anges
Du toit des nuages tombera de la chair emplumée
sur mon enfance avec des hurlements

C’est mon membre – non
Mon membre – non
Si c’est mon membre – non
Mon membre – non

C’est mon membre – non
Mon membre – non
Si c’est mon membre – non
Oui c’est mon membre – non

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Bali…

Rammstein lui-même est surpris devant le succès commercial de ce titre qui atterrit troisième dans les classements de ventes. D’abord décrié par les fans qui ne reconnaissent pas le groupe, la chanson fait son chemin jusqu’à devenir un classique. La bien pensance commerciale est donc prise à son propre jeu.

… Et Balo

Le deuxième extrait de Reise, Reise, Amerika, connaît un immense succès dès sa sortie, le 13 septembre 2004 en Allemagne, le 4 octobre en France. Comparée à l’horreur bouchère du précédent acte de bravoure artistique, celle chanson-ci fait figure de comptine pour enfants! Certains accusent le groupe de vouloir faire de la musique de plus en plus mainstream.

Couv' AmerikaAmerika, bien que décrié par son engouement populaire international et son côté trop pop pour être honnête (ou trop honnête pour n’être que pop), s’avère pourtant être un tube « rammsteinien » pur jus avec un son puissant où les guitares ne sont pas oubliées et un refrain repris par des choeurs style foule mondiale. À y lire d’un peu plus près, la chanson fustige le consumérisme à l’américaine comme mode de pensée et de vie dominant. Les paroles mélangent intelligemment couplets en Allemand et refrain en Anglais, refrain qui se répand sur les ondes FM comme une traînée de poudre.

Rammstein soldates 2

A noter que le « solo » de la chanson est fait aux claviers et que malgré la sonorité trompeuse, il ne s’agit pas de guitare. Là encore, Rammstein joue la carte de la confusion et de l’ambiguité, pour créer une ambiance inédite (parce-que si j’aurais pas vu çà en interview à ce moment là, eh ben j’aurais pas su).

Jamais sans mon $

Paul Landers

La couverture du single enfonce le clou en montrant un colon américain en train de fumer le calumet de la paix. Image pleine de sous-entendus quant à l’Histoire de l’Amérique anglo-saxonne que l’on connaît, surtout vis-à-vis des Indiens. Le clip est terrifiant, à sa manière, et nous parle clairement du détournement d’image. Rammstein joue donc encore sur deux niveaux: le contenu des paroles qui critique ouvertement l’American way of life, et la forme, avec le groupe qui se joue de lui-même, de sa propre notoriété et des moyens de mise en scène hollywoodienne désormais à sa disposition. Chanson à connotation politique ou politisante, dirons-nous, mais finalement très dans l’air du temps. Elle cartonne tellement, au-delà même des frontières du métal, que son excellent clip va sillonner les chaînes télé du monde entier, de MTV à M6!

– Amerika –

Nous vivons tous en Amérique
L’Amérique est merveilleuse
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Nous vivons tous en Amérique
L’Amérique est merveilleuse
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Quand on danse, je veux conduire
Même si vous tournez tout seuls
Laissez-vous un peu contrôler
Je vous montre la manière juste de faire

Nous formons une douce ronde
La liberté joue sur tous les violons
La musique vient de la Maison Blanche
Et Mickey Mouse est aux Portes de Paris

Nous vivons tous en Amérique
L’Amérique est merveilleuse
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Je connais des pas très utiles
Et je vous protégerai d’un faux-pas
Et celui qui ne veut pas danser à la fin
Ne sait pas encore qu’il y est obligé

Nous formons une douce ronde
Je vais vous montrer la direction
Le Père Noël vient en Afrique
Et Mickey Mouse est aux Portes de Paris

Nous vivons tous en Amérique
L’Amérique est merveilleuse
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Nous vivons tous en Amérique
Coca Cola, Wonderbra
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Ceci n’est pas une chanson d’amour
Ceci n’est pas une chanson d’amour
Je ne chante pas ma langue maternelle
Non, ceci n’est pas une chanson d’amour

Nous vivons tous en Amérique
L’Amérique est merveilleuse
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

Nous vivons tous en Amérique
Coca Cola, quelquefois la guerre
Nous vivons tous en Amérique
Amérique, Amérique

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne de PlanetRammstein.com)

Le clip est aussi un clin d’oeil au débat/rumeur quant à la véracité de l’atterrissage américain sur la Lune… A noter qu’il s’est tourné dans une usine chimique désaffectée de Rüdersdorf, près de Berlin, pendant deux jours et qu’il a nécessité 240 tonnes de cendres pour la création du faux sol lunaire. Les scaphandres, quant à eux, sont en provenance directe d’Hollywood.

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Il est facile d’imaginer ce n’est pas du goût de tout le monde. Cette chanson scelle le destin américain de nos Allemands préférés. Déja qu’ils avaient un peu de mal là-bas, cette bouffonnerie pamphlétaire n’arrange pas les choses! Allez hop, Rammstein aux chiottes!

Toi tu sors!

Mais, à la limite, Rammstein s’en fout. Il n’a plus rien à prouver, il est désormais LE mammouth métal de langue allemande, toutes catégories confondues. Mutter les avaient élevés au-dessus de la masse de leurs semblables métalleux teutons, Reise, Reise en remet une couche et creuse la distance!

– Blagues de l’ex-RDA (le retour!) –

– Quelle est la différence entre le zloty polonais, la livre et le dollar ?
– Un dollar vaut une livre de zlotys.

– Pourquoi le capitalisme est-il au bord du gouffre ?
– Parce qu’il regarde le communisme qui est au fond.

Rammstein2004beach2Leur tournée à grande échelle est chaleureusement acueillie partout où elle passe. Elle n’épargne personne en Europe: Estonie, Slovénie, Slovaquie. La France se voit gratifiée de 4 concerts, dont un à Paris, deux à Lille et un à Amneville. Le groupe déploie des trésors d’inventivité scénique et les effets pyrotechniques ne seront jamais mieux utilisés que sur cette tournée « Reise ».

« Nous ne voulons pas alléger les coûts sur cette tournée, il faut que chaque concert de Rammstein soit exceptionnel », dixit Christoph « Doom » Schneider, batteur.

Rammstein! Ein mensch brennt!

En effet, la dose de pyrotechnie fait trimballer à Rammstein pas moins de 17 semi-remorques de logistique pour cette tournée. Celle-ci démarre à peu près en même temps que le lancement du troisième extrait de l’album, Ohne dich. Cet opus sort le 22 novembre 2004.

Couv' Ohne dichOhne dich (« Sans toi ») est une chanson très mélodique, une sorte de grosse ballade qui raconte la solitude et la dépendance à l’autre, qu’il soit compagne, compagnon, ami, ou parent, disparu ou parti. Ohne dich est dans une veine totalement lyrique et symphonique, de haute volée. L’utilisation de mandoline se remarque et, comme quasiment chaque chanson de cet album, apporte son lot de fraîcheur. Le clip, un véritable court métrage au cadrage posé et au montage calme, est tourné dans la vallée de Kaun et sur le glacier de Pitz en Autriche. Il présente des images de montagne vraiment superbes. On y voit le groupe Rammstein, en randonnée, perdre son chanteur Till Lindemann qui se blesse. Ici Rammstein se met en scène et raconte la perte d’un de ses membres sans lequel il ne serait plus rien, terrible éventualité de la vie que, d’ailleurs, tout un chacun peut rencontrer à chaque instant. A l’inverse, Till, qui ne peut plus rien faire par lui-même, est épaulé dignement par les 5 autres jusqu’à son dernier souffle au lieu de pourrir tout seul comme une m…

P’tite pause chocolat chaud avant de retourner se peler les nuts là-haut sur la colline. Aaahh, la vie d’artiste…

– Ohne dich –

Je vais aller sous les sapins
Là où je l’ai vu en dernier lieu
Mais le soir a jeté un tissu sur le pays
Et sur les sentiers derrière la lisière de la forêt
Et la forêt se dresse si noire et vide
Pauvre de moi, malheur
Et les oiseaux ne chantent plus

Sans toi je ne peux pas être
Sans toi
Avec toi je suis seul aussi
Sans toi
Sans toi
Sans toi je compte les heures
Sans toi
Avec toi les secondes n’en valent pas la peine

Sous les brindilles, dans les fossés
C’est maintenant silencieux et sans vie
Et la respiration m’est, ah! Si difficile
Pauvre de moi, malheur
Et les oiseaux ne chantent plus

Sans toi je ne peux pas être
Sans toi
Avec toi je suis seul aussi
Sans toi
Sans toi
Sans toi je compte les heures
Sans toi
Avec toi les secondes n’en valent pas la peine
Sans toi
Sans toi

Et la respiration m’est, ah! Si difficile
Pauvre de moi, malheur
Et les oiseaux ne chantent plus

Sans toi je ne peux pas être
Sans toi
Avec toi je suis seul aussi
Sans toi
Sans toi
Sans toi je compte les heures
Sans toi
Avec toi les secondes n’en valent pas la peine
Sans toi

Sans toi
Sans toi
Sans toi
Sans toi

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne de PlanetRammstein.com)

A sa sortie, Reise, Reise se classe directement dans les top ten des ventes partout en Europe. Le succès est donc au rendez-vous et parle de lui-même, la tournée est triomphale, Bref, Rammstein impose sa marque…

Affiche "Reise, Reise"

… mais continue tout de même son périple avec le dernier extrait issu de l’album, Keine lust, sorti le 28 février 2005. Keine lust (« Pas envie ») était pressenti comme premier extrait de Reise, Reise avant que la maison de disque n’impose l’immondice Mein teil. Cette dernière n’était pas très encline à l’idée de voir le retour de sa poule aux oeufs d’or martelé par une chanson nommée « Pas envie ». Un choix de premier single qui s’est finalement avéré plein de bon sens.

Doom on tha moon

Couv' Keine lustKeine lust est un morceau rythmé, entraînant, inspiré, où les riffs de guitares fleurent bon les fusils d’assaut en rafales. Bref, c’est loi martiale chez les décibels et le public dit ouï! Le morceau commence par une sonorité (de guitare? De basse?) assez inédite, des sonorités un peu électro mais inidentifiables viennent étoffer le tout sans jamais prendre le dessus. Comme quasiment à chaque fois, la mayonnaise prend immédiatement et l’on se surprend à battre le rythme en cadence. Pourtant, le côté « ambiancé », caractéristique de la musique de Rammstein désormais, est aussi présent. Les deux « visages » de leur musique se marient à la perfection. Le clip est tout aussi énorme (à tous les sens du terme! Encore un court métrage…) et nous livre, au passage, une auto-parodie féroce en adéquation avec la chanson. Peut-être un groupe qui se regarde déjà vieillir… Mais en une époque de crises à répétition, une dose de dérision n’est pas pour déplaire.

– Keine lust –

J’ai pas envie
J’ai pas envie
J’ai pas envie
J’ai pas envie

Je n’ai pas envie de ne pas me haïr
Pas envie de me toucher
J’aurais envie de me masturber
Pas envie d’essayer
J’aurais envie de me déshabiller
Pas envie de me voir nu

J’aurais envie avec de grands animaux
Pas envie de prendre ce risque
Pas envie de sortir de la neige
Pas envie de mourir de froid

J’ai pas envie
J’ai pas envie
J’ai pas envie
Non j’ai pas envie

Je n’ai pas envie de mâcher quelque chose
Parce que j’ai pas envie de le digérer
Pas envie de me peser
Pas envie d’être allongé dans la graisse

J’aurais envie avec de grands animaux
Pas envie de prendre ce risque
Pas envie de sortir de la neige
Pas envie de mourir de froid

Je reste allongé tout simplement
Et une fois de plus je compte les mouches
Sans envie je me touche
Je me rends bientôt compte que je suis froid depuis longtemps

Tellement froid
J’ai froid, tellement froid
J’ai froid

J’ai froid, tellement froid
J’ai froid, tellement froid
J’ai froid, tellement froid
J’ai froid

J’ai pas envie

(paroles de Till Lindemann, traduit par Fabienne de PlanetRammstein.com)

Rammstein et la corrida« Vieillis, » certes, mais bardés de récompenses et distinctions. En 2005, Rammstein reçoit le titre de meilleur groupe alternatif ainsi que celui du meilleur Live Act National au Echos Award (avril). D’ailleurs, aux Echo Awards, Rammstein vient prendre sa récompense en délivrant une prestation live du monstrueux Keine Lust en… obèses! Prestation qui se fait évidemment remarquer.

Suite à çà, Rammstein ré-enchaîne sur une tournée d’été où il va écumer les plus grands festivals, en habits militaires style armée impériale prussienne du XIXème siècle! Rammstein allume le feu (au sens propre, toujours) au Southside Festival, au Hurricane Festival, au Rockwechter Festival, au Paléo Festival et… et… au Festival Les Arènes à Nïmes le 23 juillet. Rammstein embrase les fameuses arènes un soir d’été torride, lors d’un concert désormais mythique.

L’empereur Lindemann (le Docteur en bas à droite et Doom derrière…)

Oliver Riedel

Ainsi, Reise, Reise évite habilement la redite de Mutter sans le renier, mais apporte une incroyable diversité, et nous propulse dans un voyage sonore sans frontières. L’agressivité est toujours présente, le versant symphonique amorcé sur l’album d’avant s’inscrit de manière plus naturelle. Il s’intègre de manière moins grandiloquente, mais les arrangements et les nombreuses idées instrumentales prennent une dimension littéralement protéïforme. Ici, la curiosité et l’appétit de découverte est la règle et l’on goûte à autant de saveurs qu’il y a de titres sur l’album, c’est-à-dire onze. Voyage entre chaque chanson, donc, mais également au sein même de chacune, comme ce périple hypnotique autant céleste que spirituel de la chanson Dalaï-lama. Voyage aux limites de la douleur et des tortures physiques consenties de Mein Teil et son refrain imparable, nous en passons par les Reise, Reise des marins d’antan et leur lutte quotidienne pour la survie. Lutte contre les éléments mais aussi contre des pulsions plus ou moins avouables. Un petit passage en Amerika, le temps d’un tranchant « This is a not a love song, I don’t sing my mother tongue », en Anglais dans le texte, et d’un refrain qu’on entonne aisément à tue-tête. Au détour de quelque sentier harmonique, nous découvrons un surprenant Los (« C’est parti! »), brûlot rythmique et tubesque en diable, à la colère rentrée furieusement bluesy, qui se charge de remettre les pendules à l’heure aux détracteurs du groupe. Ce morceau trahit des influences américaines certaines mais non reniées. Les plaines brûlantes de l’ouest américain se reniflent à chaque note de ce morceau chaussé de santiagues, 100% caféine. On abandonne bientôt cette aridité instrumentale pour un petit détour dans une Moskau orgiaque et décadente mais attachante, bardée d’accordéons et scandée en russe dans le texte par un contrepoint féminin au Verbe-Monolithe masculin habituel, sur fond de guitares d’une ampleur inouïe (limites samplées au début mais peut-on en être sûr…). Rammstein tente alors de se poser sur les rivages houleux des affres de l’Amour. Textes violents, et accélération du rythme, ce cocktail, paisible au départ, clôture l’album par un riff destructeur. Ohne dich évoque la solitude existentielle d’une vie brisée. Dans ce flot de tourmente, il serait criminel d’oublier la lueur Morgenstern (« Etoile du matin ») dont la beauté des paroles surprend mais en fait une de leur chanson les plus émouvantes. Textes qui se marient à merveille avec la musique enlevée, aux riffs gratteux assassins, incisive et rythmique autant que lyrique (encore un incontestable tube…). Ainsi, Rammstein construit son univers Stein um stein (« Pierre par pierre »), à l’image de ce morceau-OVNI qui hésite entre bourrinerie métal et pur lyrisme, sans pourtant s’emmurer, bien au contraire. La tendance plus pop amorcée avec cet opus est très nette mais n’entame en rien la puissance. Même si Rammstein s’exporte tous azimuts et ingère ses influences tel un une supergéante créatrice en phase d’obésité musicale, quitte à dérouter l’auditoire, il ajoute une pièce maîtresse à sa discographie, comme un gal(i)on (doré) de plus sur son torse en acier trempé.

Wesh gros!

Reise, reise(© Rammstein 2004)

Couv' "Reise, Reise"1/ Reise, reise
2/ Mein teil
3/ Dalaï Lama
4/ Keine lust
5/ Los
6/ Amerika
7/ Moskau
8/ Morgenstern
9/ Stein um stein
10/ Ohne dich
11/ Amour

Rammstein en est au faît de sa carrière quand certaines infos commencent à filtrer sur la suite des événements…

– ROSENROT –

Couv' Rosenrot

Alors que Rammstein enflamme les stades d’environ toute la planète, des rumeurs se font de plus en plus insistantes à propos d’un album imminent. Déja? C’est pas drôle! Rammstein a toujours habitué son public à une attente perfectionniste entre deux opus mais ici le cas est un peu particulier. Reise, Reise sorti depuis peu, le groupe lui-même annonce pour la fin 2004 un album de reprises pour lequel chacun des membres doit choisir deux chansons. Le projet ne voit pas le jour mais l’annonce d’un projet de nouvel album courre toujours dans la presse métal vers février 2005. Des noms circulent: Reise Weiter ou Reise, Reise (vol.2). Finalement, Universal officialise en mai 2005 en annonçant la sortie d’un nouvel album inédit pour le mois de septembre. Mais aucun nom précis n’est donné. Par contre, son contenu est connu: ce seront des chutes des enregistrements de Reise, Reise. En effet, ce dernier contient 11 chansons qui ont été sélectionnées parmi une trentaine. C’est un phénomène assez courant chez beaucoup de groupes et, en tous cas, pas nouveau chez Rammstein dont certaines compositions de l’époque Mutter n’ont jamais vu le jour. Mais cette fois-ci, Rammstein, sans pour autant avoir l’intention de faire de Reise, Reise un double album, produit beaucoup plus de chansons qu’à l’accoutumée. L’idée était plus ou moins de sortir un album dans la foulée de Reise, Reise, sans qu’aucun projet précis ne soit vraiment arrêté.

« les chansons (chutes) sont tellement bonnes que ç’aurait été un vrai gâchis de ne pas les utiliser », déclarent les membres du groupe. Selon Christoph « Doom » Schneider, « les reprises n’étant pas de bonne qualité », Rammstein passe donc à cette idée d’un album de chutes.

Mais pour l’heure, les Allemands préfèrent se consacrer à leurs clips et singles. L’attente commence à se faire sentir, donc. Mais après le niveau atteint par Reise, Reise, le public se demande bien comment le groupe pourrait délivrer un album de la même trempe en si peu de temps. Quelques jours après l’annonce d’Universal, Olli déclare dans une interview que le nouvel album sera « le grand frère de Sehnsucht mais en empruntant aussi à Mutter et Reise, Reise ». Plus tard, Paul Landers déclare à des fans lors d’un aftershow que l’album s’appellera Benzin et que ce titre serait le premier à sortir dans le courant de l’été 2005. Du concret… Quelques temps après, le site officiel du groupe annonce que Reise, Reise (vol.2) sortira en octobre 2005. Alors que l’album imminent est toujours en fin de production, Universal pousse le groupe à choisir un autre nom. C’est ainsi que, fin août, est annoncé Rosenrot (« Rose rouge ») au lieu de Reise, Reise (vol.2). C’est vrai que çà fait quand même plus recherché…

Rammstein studio apéro

Bon, les gars, maintenant qu’on leur a mis 2 albums dans la tronche en un an, on peut faire péter la pilsner et les bretzels!

Rosenrot sort le 28 octobre 2005 en France et dans à peu près toute l’Europe / fédération russe (quelques pays le voient débouler plutôt le 31), un mois plus tard en Amérique latine et, bizarrement, le 6 décembre au Canada (Québec inclu).

En France on se remémore la présence du groupe au Virgin des Champs Elysées pour dédicacer l’album, la « bonne idée » marketing qui a provoqué un Exode sur la plus belle avenue del mundo.

Qu’en est-il donc réellement de ce recueil de « chutes » ou de « surplus »? Eh bien force est de constater que Rammstein délivre un album étonnement homogène pour un ensemble constitué de chansons issues d’époques et de sessions d’enregistrement différentes, développant un travail d’ambiances sonores ultra-ciselées encore différent de Reise, Reise.

Couv' BenzinComme pour les autres, l’album est précédé d’un premier extrait en guise « d’appât ». C’est le sombre Benzin (« Essence ») qui ouvre le bal en sortant le 7 octobre 2005. Benzin est un morceau puissant à la construction impeccable, fidèle à un Rammstein qu’on connaît bien: rythme carré, mur de guitares, claviers enveloppants sans être forcément au premier plan et premières notes immédiates. Bref, une pièce taillée pour devenir un tube (de plus) à part entière. En fait, Rammstein joue ce morceau depuis fin juin et la « tournée d’été » de Reise, Reise. Néanmoins, l’on note tout de même une sonorité tout à fait indépendante de l’album d’avant. Le clavier amène une sonorité plus purement électro qui s’impose dès le début et lors les parties couplet. Puis vient ce singulier son de trompette ou simili que l’on va retrouver dans un autre morceau de l’album, Rosenrot. Ce son n’appartient qu’à cet album et lui confère, du coup, une vraie personnalité. Tout comme les nappes profondes et envoûtantes qui sévissent tout du long. Elles entrent en résonance avec des paroles riches des multiples sens de lecture qu l’on peut y plaquer et d’une ambition poétique affirmée. En fait, Rosenrot est un album à textes. A l’instar de Benzin, qui paraît être assez basique au premier  degré mais qui peut-être sujet à… tout ce qu’on veut bien y voir!

– Benzin –

J’ai besoin de temps, pas d’héroïne
Pas d’alcool, ni de nicotine
Pas besoin d’aide, ni de caféine
Seulement de dynamite et de térébenthine
J’ai besoin d’huile pour du gazole
Explosif comme du kérosène
Avec un indice d’octane élevé, et sans plomb
Un combustible du genre essence

Essence
Essence
Essence
Oui

Je n’ai pas besoin d’ami, ni de cocaïne
Je n’ai pas besoin de médecin ni médicaments
Ni de femme, seulement de vaseline
Quelque chose comme de la nitroglycérine
J’ai besoin d’argent pour du gazole
Explosif comme du kérosène
Avec un indice d’octane élevé, et sans plomb
Un combustible du genre essence

Essence
Essence
Essence
Donnez moi de l’essence

Elle coule dans mes veines
Elle dort dans mes larmes
Elle me coule des oreilles
Coeur et reins sont des moteurs
Oui

Essence

Si tu veux te séparer de quelque chose
Alors tu dois le brûler
Si tu veux ne plus jamais le revoir
Alors fais le baigner dans l’essence

Essence
Essence
Essence
J’ai besoin d’essence
Essence
Oui d’essence
Donnez moi de l’essence
Je bois de l’essence
Oui

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Herzwerk R.o.D de PlanetRammstein.com)

Mais place aux images et leur quinte essence…

L’album est d’une richesse textuelle incontestable, et fouille les émotions pour mettre en exergue les petites fragilités ou dérapages humains qui viennent émailler la « normalité ».

Le 16 décembre 2005 sort la chanson éponyme Rosenrot. Parfait pour Noël! En ce qui concerne les paroles, Till Lindemann télescope un conte de Grimm (Blanche-neige et Rose-rouge) à un poème de Goethe (La petite rose de la lande). Il change juste le héros de ce dernier en héroïne pour la chanson. Ce morceau est le plus romantique de l’album et développe une ambiance plus calme que Benzin.

Sa genèse est chaotique puisque cette chanson date des sessions de Reise, Reise, enregistrées en Espagne au studio de Cortijo, et paraissait même sur le prémaster 13 titres de l’album. Et puis, choix artistiques faisant, elle reste au rebus. C’est seulement plus tard, après maturation, que les six membres du groupe estiment qu’il serait dommage d’en priver le public. Peut-être l’idée un peu plus concrète d’une sorte de séquelle de Reise, Reise est née à ce moment là…

Musicalement, Rosenrot est un morceau assez « monocorde » et donne l’impression de 2 ou 3 accords qui se battent en duel! On va dire que ce n’est pas ce que le « Grösse Grup » aura fait de plus complexe et raffiné. Ce qui contraste, d’ailleurs, avec la recherche parolière. Cependant, la patte Rammstein est bien là et, même si la composition développe un rythme plutôt mid tempo (ce que le groupe fait depuis Herzeleid), ce rythme capte l’attention dès le début. Cette chanson voit aussi les guitares s’effacer totalement devant la basse lors des couplets, donnant à l’ensemble une sonorité inédite et moins chargée, typique de l’album. Les claviers lâchent sporadiquement des samples complémentaires, mais toujours aussi imaginatifs, qui se greffent au thème tout du long. On note également ce son ponctuel de simili-trompette déja trouvé dans Benzin, qui confère au tout un petit côté « folklo » mais bien en phase avec l’univers Rammstein. A noter que la rose est un symbole universel, employé autant par la mystique indienne que présente au coeur des liturgies chrétiennes. Ses géométries complexes ont été assimilées ou rapprochées du symbole de la roue, alors que sa couleur symbolise le sang du Christ. C’est pour cela que certains symbolismes placent une rose à l’intersection de l’horizontalité et de la verticalité de la croix christique.

Travaillant une gnose d’ordre universel, l’école de la Rose-Croix d’Or nous explique la signification de son symbole double (Rose et Croix):

La rose est le symbole de l’étincelle spirituelle en l’homme, provenant de la source originelle de toutes choses, l’Esprit divin. Elle est le cœur spirituel de notre microcosme et coïncide à peu près avec notre cœur biologique. C’est pourquoi les Rose-Croix parlent de la  » Rose du cœur « encore en bouton chez la plupart des hommes, mais qui peut un jour, si nous le désirons, s’épanouir en nous.
Le symbole de la croix est donc l’homme lui-même.

Notre corps forme en effet une croix. Symboliquement, la branche horizontale représente notre nature temporelle qui va son chemin de la naissance à la mort.
La branche verticale représente notre dimension éternelle qui, à partir de la terre, peut s’élever jusqu’aux plus hauts mystères divins. Dans le nom Rose-Croix est donc caché tout un processus : là où se croisent le temps et l’éternité peut refleurir en l’homme la Rose d’immortalité (la Pierre des sages) d’où jaillira la Force originelle capable de transmuter le plomb de la nature en or de l’Esprit.

– Rosenrot –

Un jour, une fille vit une petite rose

En fleur dans les montagnes en pleine lumière
Alors elle demanda à son amoureux
S’il pouvait aller la lui chercher

Elle la veut et c’est bien ainsi
C’était comme ça et ça le sera toujours
Elle le veut et c’est l’usage
Ce qu’elle veut, elle l’obtient toujours

On doit creuser les fontaines profondes
Si on veut de l’eau claire
Rose rouge, oh rose rouge
Les eaux profondes ne dorment pas

Le jeune homme gravit la montagne avec peine
La vue, ça lui est complètement égale
Il ne pense qu’à la petite rose
Et il l’apporte à son amante

Elle la veut et c’est bien ainsi
C’était comme ça et ça le sera toujours
Elle le veut et c’est l’usage
Ce qu’elle veut, elle l’obtient toujours

On doit creuser les fontaines profondes
Si on veut de l’eau claire
Rose rouge, oh rose rouge
Les eaux profondes ne dorment pas

On doit creuser les fontaines profondes
Si on veut de l’eau claire
Rose rouge, oh rose rouge
Les eaux profondes ne dorment pas

Une pierre se brise sous ses bottes
Une pierre qui ne veut pas rester accrochée au rocher
Et un cri annonce à tout le monde
Qu’ils tombent tous deux dans le vide

Elle la veut et c’est bien ainsi
C’était comme ça et ça le sera toujours
Elle le veut et c’est l’usage
Ce qu’elle veut, elle l’obtient toujours

On doit creuser les fontaines profondes
Si on veut de l’eau claire
Rose rouge, oh rose rouge
Les eaux profondes ne dorment pas

On doit creuser les fontaines profondes
Si on veut de l’eau claire
Rose rouge, oh rose rouge
Les eaux profondes ne dorment pas

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Une nouvelle fois, le clip, au coeur de problématiques de la société européenne, est d’une richesse visuelle tout à fait appréciable, et appuie la puissance sonore indéniable de cette chanson, à la fois poétique et guerrière. L’histoire fait le ping pong entre pulsions de vie et de mort en joue sur la symbolique des couleurs, notamment le rouge. Vice et v… ertu. En avant la haute def…

Rosenrot étant un album dans la continuité de Reise, Reise, Rammstein, fatigué de son périple d’un an à travers le  vaste monde, ne délivre aucune tournée de promo. Le groupe l’annonce dans les interviews dès la sortie de l’album. De surcroît, Rammstein éclate pendant au moins six mois, voir un an. Le besoin de repos/recul commence à se faire sentir…

Malgré cette désertion de l’espace scénique, Rammstein garde une présence médiatique avec un dernier extrait de l’album, Mann gegen mann (« D’homme à homme »), un titre qui fait parler de lui (une fois de plus!). En effet, il traite de l’homosexualité. Contrairement à la plupart des chansons, les textes de celle-ci sont assez clairs. A travers l’homosexualité, Rammstein critique l’homophobie qui va, malheureusement, souvent de pair ainsi que tous les blocages et tabous sociaux.

-Mann gegen mann –

Le destin m’a souri
Il m’a fait un cadeau
Il m’a jeté sur une étoile chaude
Si près de la peau, si loin des yeux

Je prends mon destin en main
Mon désir est masculin

Où l’eau douce meurt
Parce qu’elle est gâtée par le sel
Je porte le petit prince dans mon esprit
Un roi sans reine

Lorsqu’une femme s’égare avec moi
La face claire du monde est troublée

D’homme à homme
Ma peau appartient aux messieurs
D’homme à homme
Qui se ressemble s’assemble volontiers
D’homme à homme
Je suis le serviteur de deux seigneurs
D’homme à homme
Qui se ressemble s’assemble

Je suis le coin de toutes les pièces
L’ombre de tous les arbres
Dans ma chaine ne manque aucun maillon
Mais quand l’envie me prend par derrière

Mon sexe me traîte de traître
Je suis le cauchemar de tous les pères

D’homme à homme
Ma peau appartient aux messieurs
D’homme à homme
Qui se ressemble s’assemble volontiers
D’homme à homme
Mais mon cœur a froid certains jours
D’homme à homme
Des langues froides qui frappent là

Des langues froides qui frappent là

Pédé
ah
Pédé
Ah

Aucun équilibre ne m’intéresse
Le soleil brille sur mon visage
Mais mon coeur a froid certains jours
Des langues froides qui frappent là

Pédé
D’homme à homme
Pédé
D’homme à homme
Pédé
D’homme à homme
Pédé
D’homme à homme à homm
e

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Clansmam de PlanetRammstein.com)

Le single proprement dit sort le 3 mars 2006. Le clip est assez « chaud » mais, finalement, plus esthétisant qu’autre chose. Ceci étant, les formes masculines sont mises en valeur de telle manière que toutes ces coulées de chair musclée et (surtout bien) huilées donnent l’impression d’atteindre les limites tolérables de la vidéo « soft ». Et çà ne manque pas de faire jaser. Mais sans ce petit parfum de souffre, que serait Rammstein?

Côté sonique, c’est le retour à l’avalanche de décibels. Un morceau fort de l’album, calibré pour le tapage, très bien construit et d’une production impeccable. Tout comme dans la chanson Rosenrot, Rammstein met la ligne de basse en avant lors des couplets en faisant quasiment taire le mur de grattes, celles-ci ne se bornant qu’à une sonorité claire non saturée. Un mariage très sympathique la basse étant l’instrument trop souvent masqué par le reste mais pourtant essentiel. Les claviers du Docteur nous gratifient de samples drôlatiques lors des couplets, et le refrain explose avec un travail sur l’ampleur de la voix lorsque Till Lindemann déclame le titre. Un missile qui pilonne grave les conduits… auditifs, et le pire… c’est qu’on aime çà!

Ainsi donc, Rammstein réussit plutôt bien son pari de « récup ». En effet, on ne peut pas dire que des titres comme Benzin ou Rosenrot soient des déchets issus de rapiéçages incertains et hasardeux. Il est vrai que la sélection des titres qui figurent sur la version finale d’un album est toujours le résultat de choix véritablement cornéliens liés à la capacité maximale de stockage d’un CD mais également, et de plus en plus aujourd’hui avec l’évolution des technologie numériques, à la cohérence artistique globale d’un projet. Sélectionner ne veut pas dire supprimer ou dire que ce que l’on met de côté est mauvais en soi, mais juste garder une cohérence par rapport à une ligne directrice fixée au départ. Avec Rosenrot, Rammstein délivre un album globalement mid tempo. C’est, d’ailleurs, ce qui pèche un peu, on aurait aimé que l’album nous fasse « headbanger » un peu plus. D’un point de vue musical, c’est sûr qu’on est assez loin d’un Herzeleid ultra-sec des débuts. Ici, Rammstein nous embarque dans une sorte de vaste flottement d’ambiances amples et envoûtantes, serties de riffs de guitares à la sonorité puissante, avec des textes à tiroir d’une richesse poétique qui n’a plus rien à prouver, une basse plus présente à certains moments et un chanteur… qui chante! Néanmoins, même si l’ambiance générale va vers quelquechose de globalement plus lent, quand Rammstein enclenche le turbo, çà fait mouche. Et, dans ces morceaux plus péchus, nous retrouvons étrangement, mais avec le plus grand plaisir, un Rammstein beaucoup plus proche d’un Sehnsucht/Herzeleid que d’un Mutter/Reise, Reise. Et effectivement, avec le recul, une chanson aussi puissante que Zerstören (« Détruire »), à la sonorité typiquement « métal indus », aurait fait un peu tâche sur Reise, Reise, album plus expérimentateur.

Rammstein clôture donc son « voyage, voyage », la rose rouge plantée dans le c(h)oeur et son château « d’illuminé » bavarois discrètement glissé dans le visuel de l’album, une fois que l’on aura pris soin de le déplier. D’ailleurs, qu’est-ce donc que cette couverture d’album pour le moins inattendue? D’après Rammstein, la « Rose » de l’esprit progressiste se serait-elle prise dans les glaces du consumérisme? La domination sans partage de cet état d’esprit est-elle excessive? L’homme (en tant qu’Humain) est-il en train de bloquer sa propre évolution, à force de poursuivre les chimères matérialistes? Bonne question, Till, à laquelle nous travaillons nos vies entières à répondre… En tout état de cause, ces promenades musicales au cœur des vices et des failles portent en elles le parfum de la Kultur germanique romantique et hermétique des XVIIIème et XIXème siècles, tout en sachant rester en phase avec notre époque et son tempo rythmique. Malgré, donc, que l’on eût apprécié que les quelques surprises rythmiques de cet opus ne se cantonnent pas à des oasis de violence isolées dans un flot général plus lent, Rosenrot n’est en rien un album guimauve. Que ceux qui ne savent pas entendre apprennent à lire. Il n’est pas « en-deçà » de ce qu’à pu produire le groupe aupravant, mais demande juste une écoute un peu différente. Quand on a compris çà, on se laisse facilement emporter par des chansons aux profondeurs enveloppantes comme Hilf mir (« Aide-moi ») ou les méandres de sens sous jacents du très beau Feuer und wasser (« Feu et eau ») avec son intro superbe et le reste un peu plus énervé, des brûlots qui cachent bien leur jeu. Est-ce donc le « secret » de cet album, savoir creuser la façade aux décibels et prêter plus d’attention aux textes pour en dégager la richesse? Est-ce là la « ligne rouge » de Rammstein, bien cachée sous son écorce « métallique », valable pour toute la discographie du groupe?

La passion de Till Lindemann pour la musique mexicaine explose (enfin, pourrait-on dire) au grand jour avec Te quiero puta! (« Pas besoin de traduire! »). Influences personnelles du chanteur déja présentes, plus discrètement, dans la ballade Klavier (« Piano ») de l’album Sehnsucht et sur l’inédite Wilder Wein, ici elles nous donnent un tube i-né-vi-table. Till Lindemann chante même intégralement en Espagnol! Par contre, pas de sens caché dans ce morceau! Autre titre insolite: cette ballade purement radiophonique nommée Stirb nicht vor mir (Don’t die before I do) (« Ne meurs pas avant moi »), chantée en duo avec Sharleen Spiteri du groupe Texas, sur une idée du producteur Jacob Hellner. La chanson alterne voix masculine allemande et voix féminine anglaise. Une version purement allemande a été enregistrée avec la chanteuse allemande Bobolina et une rumeur courre aussi à propos d’une version française en duo avec la chanteuse Zazie… … C’est la seule chanson du lot qui ne soit pas une récup. Bien que fort sympathique, on se demande un  peu pourquoi Rammstein n’a pas écrit un morceau rouleau-compresseur à la place de cette ballade assez convenue. A noter également le morceau final Ein Lied (« Un chant »), très calme mais bien plus rammsteinien dans l’esprit, donc bien plus intéressant.

A titre d’info, voici les origines diverses des chansons qui composent l’album:

  1. Benzin (Composé à l’époque de Reise, Reise : selon les sources, le morceau s’appelait « Student » ou « Absynth ». La musique a été conservée, les paroles ont changé)
  2. Mann gegen Mann (Titre composé à l’époque de Mutter)
  3. Rosenrot (Paroles et musiques composées pour Reise, Reise. Le titre figurait d’ailleurs sur le master 13 titres de Reise, Reise).
  4. Spring (Paroles et musiques composées pour Reise, Reise.)
  5. Wo bist du (Paroles et musiques composées pour Reise, Reise. Le titre figurait sur le master 13 titres de Reise, Reise).
  6. Stirb nicht vor mir (Don’t die before I do) (Composé à 100% en 2005. Il existe une version allemande, chantée par Bobo.
  7. Zerstören (composée pour Reise, Reise, sous le titre Ankara)
  8. Hilf mir (musique et paroles datant de Reise, Reise.)
  9. Te quiero puta! (musique composée pour Reise, Reise (titre : ich bin), paroles ajoutées en 2005)
  10. Feuer & Wasser (composée pour Reise, Reise)
  11. Ein Lied (musique composée pour Mutter, puis parole écrites pour Reise, Reise)

La « Rosenrot » du traité alchimique d’Altona (Allemagne, XVIIIème siècle): feuer und wasser.

Rosenrot (© Rammstein 2005)

1/ Benzin
2/
Mann gegen mann
3/
Rosenrot
4/ Spring
5/ Wo bist du
6/ Stirb nicht vor mir (Don’t die before I do)
7/ Zerstören
8/ Hilf mir
9/ Te quiero puta!
10/ Feuer und wasser
11/ Ein lied

Donc pour Rosenrot pas de concerts, les mecs…

… Mais un gros projet à l’horizon…

– VÖLKERBALL –

Völkerball, dont la couverture s’inspire du graphisme des JO de Moscou de 1980, est un album live. En vérité, celui que le public attend depuis un bout de temps. En effet, déçu de ne pas avoir vu le Mutter Tour immortalisé à l’image, les rumeurs de DVD s’enclenchent dès le démarrage du Reise, Reise Tour. Et effectivement, le groupe va faire filmer quelques concerts en 2005 par l’équipe anglaise de Done & Dusted, une société de production d’événements filmés. Sur ce coup là, on peut dire que Done & Dusted a touché le gros lot!

Mmmm… Le feuï, le bon feuï!

L’attirail vidéo déployé est suffisamment conséquent pour être « grillé » direct par le public, qui se conforte dans la rumeur de DVD à venir très prochainement. Rammstein commence ses captations le 3, 4 et 5 février 2005 lors des concerts donnés au Brixton Academy, à Londres. Les caméras sont toutes présentes le 1er jour, quelques-unes resteront les jours suivant pour prendre des images complémentaires.

Rammstein arrive en bas d’chez oit, chaudar!

La rumeur de DVD live va donc bon train. Et Rammstein alimente. Richard Z. Kruspe et Christian « Flake » Lorenz déclarent, dans les interviews, que le DVD live « sera probablement tourné l’été, durant un festival ». Le Docteur va même plus loin en annonçant que « ce sera dans une arène ». Quelques jours plus tard, le 29 mars 2005, le groupe annonce son concert aux arènes de Nîmes programmé pour le 23 juillet. Le cerveau humain fonctionnant principalement par empirisme, la masse expectative du public en déduit donc que la majeure partie du DVD sera basée sur ce concert de Nîmes, cadre prestigieux oblige. En effet, c’est 16 caméras mobiles qui débarquent à Nîmes le jour du concert. Elles changent de place entre chaque chanson pour diversifier au maximum les points de vue, conformément à la demande du groupe. Les Allemands vont mettre à sac les arènes pendant près d’1H45, sur un total de 19 morceaux, incluant deux rappels. L’architecte romain des arènes doit se retourner dans son tumulus! Le souvenir de ce concert est tenace, tant pour le public que pour les musiciens eux-mêmes qui, disposant d’un espace insolite pour tout cramer, semblent avoir flotté sur un nuage:

« A Nîmes, c’était vraiment beau de jouer, car on avait la même hystérie qu’on trouve au Mexique ou au sud de l’Espagne », Oliver Riedel, bassiste.

« Le public français était fantastique, comme toujours. Cette ambiance là était vraiment spéciale », Till Lindemann, chanteur-(boucher)-parolier.

Le concert, qui a été donné dans le cadre du festival d’été « Les Arènes », est donc un succès, la ville de Nîmes jouant sur son cadre historique hors normes pour attirer les grosses pointures. Un peu plus tard, on apprend que Rammstein aura également fait filmer le concert qu’ils ont donné au Club Citta de Tokyo, le 3 juin de la même année.

Merguez grillées!

Et puis, l’été passe et la rumeur sur la sortie d’un nouvel album studio, Rosenrot, prend la vedette. L’album sort le 28 octobre 2005 et l’on pense donc raisonnablement voir sortir le live peut-être un mois plus tard, en tous cas dans la foulée vers la fin de l’année. Apparemment, le DVD est inscrit pour le 28 novembre 2005 sur les plannings d’Universal. D’autant plus que Rosenrot sort sous deux versions, l’une d’elle avec un DVD contenant trois chansons en live: Reise, Reise aux arènes de Nîmes, Mein teil au Club Citta à Tokyo et Sonne au Brixton Academy de Londres. Au total, c’est un quart d’heure de prestation live qui agrémente Rosenrot et où il est marqué clairement « Taken from the upcoming DVD featuring Rammstein on tour 2005 ». Je sais, je l’ai… Cette sortie, en plus de présenter un album inédit, est donc une bombe en ce qui concerne l’album live à venir. Mais personne n’est encore capable de dire quel site de concert le groupe va privilégier. Même si… on le pressent.

Mais le projet capote et « voyage » de report en report. Il est finalement annoncé pour septembre 2006, puis pour la fin de l’année. Völkerball sort finalement le 17 novembre 2006, soit plus d’un an après Rosenrot. Il s’agit d’un ensemble contenant CD+DVD mettant en avant le concert des arènes de Nîmes. Le CD contient 1H15 du concert des arènes (16 morceaux) et le DVD contient, outre l’intégralité du concert de Nîmes (19 morceaux sur 1H43 de concert), trois autres modules filmés en des endroits différents: 4 chansons extraites du concert au Brixton Academy de Londres, 2 chansons extraites de la captation au Club Citta à Tokyo + un film annonce et… un montage tiré d’un concert à l’Olympiski de Moscou en novembre 2004, sur l’excellent Moskau de Reise, Reise. Du coup, la tournée filmée étant celle de Reise, Reise, Völkerball n’aborde que très timidement Rosenrot et ne laisse apparaître de cet album guère plus que Benzin.

Quel allumeur, ce Richard…

Mais, visuellement parlant, nous devons bien admettre que c’est le concert de Nîmes qui l’emporte… Les arènes ouvrent le bal sur les ambiances abyssales de Reise, Reise où Rammstein tabasse d’entrée de jeu le public de ses riffs épais.

– Reise, reise –

Dans les flots aussi, on se bat à l’épée
Là où poisson et chair s’entrelacent et deviennent la mer
L’un manie la lance aux armées
L’autre la jette dans la mer

Ohé, Ohé

Voyage, voyage, marin, voyage
Chacun le fait à sa manière
L’un enfonce son javelot dans un homme
L’autre dans un poisson

Voyage, voyage, marin, voyage
Et les vagues pleurent doucement
Dans leur sang une lance est fichée
Qui saigne doucement dans la mer

La lance doit se noyer dans la chair
Homme et poisson doivent sombrer dans les profondeurs
Là où habite l’âme noire
Il n’y a aucune lumière à l’horizon

Ohé, Ohé

Voyage, voyage, marin, voyage
Chacun le fait à sa manière
L’un enfonce le javelot dans un homme
L’autre dans un poisson

Voyage, voyage, marin, voyage
Et les vagues pleurent doucement
Dans leur sang une lance est fichée
Qui saignent doucement dans la mer
Voyage, voyage

Voyage, voyage, marin, voyage
Et les vagues pleurent doucement
Dans leur coeur une lance est fichée
Elles se vident de leur sang sur la rive

Elles se vident de leur sang sur la rive

(Paroles de Till Lindemann, traduit par Lilienthal de PlanetRammstein.com)

Les ciel des arènes n’est plus qu’une mer de sang et de fureur. Inutile de dire que Völkerball se hisse très vite vers les hauteurs des classements de vente. La mise en scène coûteuse de Rammstein est toujours largement rentabilisée. Sa sortie difficile et les reports successifs n’entament pas la soif du public qui répond présent. Finalement, peut-être même qu’une certaine attente aura attisé les feux demandeurs de cet album nommé désir.

Que les p’tits malins qui n’ont pas payé leur place lèvent la main…

Völkerball(© Rammstein 2006)

– LIEBE IST FÜR ALLE DA –

Putain, 4 ans! C’est le temps qu’il aura fallu à Rammstein pour (se sortir les doigts du (-BIP-) et) resurgir sur le devant de la scène avec un album inédit depuis Rosenrot. 3 ans si l’on compte Völkerball. Liebe ist für alle da, LIFAD pour simplifier, enregistré en Californie au Sonoma Mountain Studio Estate et mixé au Toytown Studios de Stockholm en Suède, sort le 16 octobre 2009 en France et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne passe pas inaperçu.

En effet, pour attaquer tout de suite dans le vif de la polémique, c’est le 16 septembre 2009 que sort, en préambule, le premier extrait de l’album: Pussy. Ce brûlot de 4mn est illustré par un clip… comment dire… qui s’illustre! Il a tôt fait de défrayer la chronique car il met en scène les membres du groupe dans des situations ouvertement… pornographiques. Ce clip sort sous deux versions, l’une censurée, l’autre non. Voici la version soft:

Expurgé de ses scènes chaudes par l’image, on note aussi que la compression audio de ces vidéos accessible ne donne qu’une bouillie sonore assez loin de la qualité du mix. Mais c’est toujours mieux que rien. La charte interne de wordpress, l’hébergeur qui abrite ce blog, n’autorisant pas la publication de contenus à caractère pornographique, et ayant eu personnellement des petits soucis avec çà (suppression temporaire du blog!), il n’y a aura aucun lien direct vers la version originale non censurée. L’on peut noter tout de même, pour les curieux les plus baveux, qu’elle est visible sur le site porno visit-x.net.

Rammstein à l’ère des trucages numériques (et de la manip d’image)…

Autant dire que çà va loin. Exit Mann gegen Mann et son côté suggestif gentiment sulfureux mais somme toute assez soft, ici on rentre dans le lard direct! C’est même pas une vue de l’esprit… Et c’est un peu la question: quel intérêt à générer des images aussi rentre dedans alors que les choses du sexe ne sont plus vraiment un objet de censure dans les médias? Quoique… (ce pourrait être une analyse fort intéressante mais ce n’est pas ici le propos). A cette question qui partage, un embryon de réponse se profile, à savoir que face à un tel objet audiovisuel, il y a deux types de spectateurs: ceux qui connaissent Rammstein et ceux qui ne connaissent pas. Sans vouloir faire de ségrégation stupide, c’est un peu çà. Ceux qui ne connaissent pas vont tomber sur cette… chose et vont crier au scandale ou au n’importe quoi abusif et purement commercial très calculé. En tous cas vu et revu et donc sans intérêt. Le truc facile pour attirer les ados, quoi. Pour ce qui est du côté commercial calculé, on peut-être sensiblement d’accord. Mais c’est là où intervient la deuxième « sous espèce » de spectateurs suce-mentionnée, les ceusses qui connaissent le groupe. Force est de constater que ceux-ci sont à peine surpris d’une telle démarche artistique. Moi-même, je dois dire que… Au pire peut-on noter ici ou là quelques déceptions mais rien d’énorme.

Effectivement, quand on connaît un peu le groupe, l’on sait très bien le côté purement provoc des 6 Allemands, assumé depuis longtemps. Il n’y a qu’à voir les clips de Links 2 3 4, Mein TeilMann gegen mann, l’affiche de Mutter, ou encore la censure américaine sévère qu’avait subi, en son temps, la mise en scène live sodomaniaque de Bück dich, pour constater cet esprit un peu critique. D’ailleurs, en premier lieu, il n’y a qu’à lire les textes! Avec cette pléïade de clips divers et variés, on voit bien que Rammstein adore se mettre en scène mais jamais dans un esprit narcissique, plutôt pour servir un propos. Le groupe aime s’auto-parodier avec délice, voir plus haut les clips de Keine lust et Amerika, et force le trait jusqu’à l’absurde à des fins de caricature. Et c’est bien de cela qu’il est question avec Pussy. Il faut savoir que sous des dehors de paroles aux frontières du débile, la chanson parle de l’industrie du tourisme sexuel qui sévit en Allemagne.

En effet, en Allemagne, les prostituées officient dans d’authentiques maisons closes qui ont pignon sur rue de la manière la plus légale qui soit, en général aux abords des villes, et payent des impôts sur le revenu de leur activité. Rien à voir avec la France, nous parlons là d’une profession récemment reconnue officiellement par le gouvernement (en 2001). C’est probablement pour cette raison que Rammstein scande « Germany! » à la fin de sa chanson, sur fond de drapeau Allemand dans le clip. Du genre: il n’y a pas de quoi être très fier de l’Allemagne puisque c’est si simple de payer pour se taper des jeunes femmes (peut-être « importées »), sous le regard bienveillant des institutions et des réseaux de proxénètes. L’Allemagne a sûrement décidé la légalisation afin d’endiguer les trafiques mais c’est vrai que, d’un autre côté, çà facilite l’accès à ce genre de « services » et çà ne donne pas une image très reluisante. Point de vue français ou allemand, difficile de se prononcer tant ce « vieux métier » n’est pas… comme les autres.

Du coup, le propos de Pussy devient tout de suite un peu plus grinçant, en plus d’être servi par un clip politiquement incorrect. Le groupe se met en scène lui-même en pleine « action » avec des têtes de purs crétins pendant les coïts, parodiant également, d’un point de vue formel, les vieux films porno des années 70 encore tournés en pelloche. On est en face d’un clip qui joue le jeu de la marchandisation sexuelle à outrance, histoire d’aller jusqu’au bout du propos. Les médias vous vendent du charme à longueur de journée pour bazarder leurs produits débiles? Eh ben nous on va vous donner du sexe pur et jusqu’au fond! Un peu comme Gaspard Noé et sa violence irréversible. Rammstein franchit le miroir tabou de la pornographie jusqu’auboutiste et prend l’hypocrisie de la société marchande aguicheuse, ainsi que sa logique de séduction néfaste, à son propre jeu. Un « bain culturel » de bas étage dans lequel nous sommes constamment plongés, qui dénote, finalement, d’un esprit calculateur bien plus misérable et induisant des effets pervers bien plus nocifs que le franc-parler un peu bourrin de cette chanson et son illustration visuelle.

Mais nous qu’est-ce qu’on s’en bat de leur critiques, hein Tintin…

– Blague Est-Allemande –

Vocabulaire:

Ossi = Allemand de l’Est (fainéant et sans le sou selon les Wessis)

Wessi = Allemand de l’Ouest (arrogant, envahissant et pété de tunes selon les Ossis)

Un Ossi lit les programmes de télé : « Quelle merde ! Mais quelle merde ! dit-il à sa femme. Tu sais, je me demande tous les jours pourquoi autrefois je regardais la télé de l’Ouest. »

Quelques éléments d’auto-parodie ponctuent discrètement ce clip, notamment le corps d’athlète de Till Lindemann dans ses scènes de sexe, caricaturant de la sorte sa propre image de « goliath-chanteur ». On admire pourtant la qualité des effets spéciaux, totalement invisibles. On rassure immédiatement certains sur le fait que, non, les six musiciens de Rammstein ne se sont pas cognés eux-mêmes de jeunes putes roumaines à pas cher pour les besoins de leur clip et assouvir leur soif de notoriété! Tout cela est de la mise en scène et du trucage afin de servir un propos, aussi propres ces trucages soient-il. Aujourd’hui, les technologies numériques de masques, de compositing et de retouches colorimétriques ou d’aspect de l’image permettent ce genre de fantaisies. Il serait temps de le comprendre… (ceci en précision à propos de commentaires ou questionnements que l’on peut voir fleurir parfois sur les forums web).

Rammstein en 2005, lors du Reise, Reise Tour

Ce clip partage donc les avis. Les critiques sont tout à fait respectable car personne n’est obligé d’apprécier ce déferlement viandard, mais on note ici ou là le nombre conséquent de poncifs et idées prémâchées, développées par un argumentaire qui dénote d’une méconnaissance manifeste de Rammstein et sa musique. Qu’on crache sur Pussy et son clip, OK, qu’on déteste Rammstein en général, pas de problèmes, mais qu’on élève en Ultime Vérité un point de vue totalement subjectif sur ce que serait de la « bonne musique » ou du « bon métal » par rapport à un truc sauvage et binaire sans profondeur, développant une iconographie sois-disant nationaliste Allemande, il y a un « Gran Canyon » de préjugés faciles trop rapidement franchi. L’on note au passage que messire Leloupblanc a bloqué la possibilité d’ajout de commentaires sur l’espace de sa vidéo, et n’a pas permis l’intégration de la dite vidéo sur des pages web comme celle de ce blog. Sans commentaires (ahem!)… Il n’y a pas à perdre son temps à répondre, un point de vue sur Pussy étant exposé ci-dessus. Perso, je trouve un Pussy toujours moins vulgaire que les campagnes de pub de salons ou revues auto qui balancent de la fille nue au moindre nouveau modèle de leurs catalogues. Mais c’est là toute la magie d’internet: pouvoir s’exprimer (anonymement) sur à peu près tout et surtout sur ce qu’on ne connaît pas.

– Pussy –

Trop gros trop petit
La taille importe après tout
Trop gros, trop petit
Il pourrait être un peu plus grand

Mercedes-Benz et autoroute
Aller seul à l’étranger
Voyage, voyage, le plaisir de conduite *
Je veux seulement m’amuser et pas tomber amoureux

Juste un petit peu
Juste une petite salope

Tu as une chatte
J’ai un pénis ah
Alors quel est le problème
Faisons-le rapidement
Alors prends-moi maintenant avant qu’il ne soit trop tard
La vie est trop courte, je ne peux donc pas attendre
Prends moi maintenant, oh ne vois tu pas
Que je ne peux pas baiser en Allemagne

Trop petit, trop grand
Aucune importance une taille passe partout
Trop grand, trop petit
La barrière (de la frontière) devrait être levée

Jolie demoiselle, envie d’en avoir plus ?
Guerre-éclair avec le fusil de chair
Le Schnaps dans la tête, gente demoiselle
Je mets ma saucisse dans ta choucroute

Juste un petit peu
Sois ma petit salope

Tu as une chatte
J’ai un pénis ah
Alors quel est le problème
Faisons-le rapidement
Alors prends-moi maintenant avant qu’il ne soit trop tard
La vie est trop courte, je ne peux donc pas attendre
Prends moi maintenant, oh ne vois tu pas
Que je ne peux pas baiser en Allemagne

Allemagne
Allemagne

Tu as une chatte
J’ai un pénis ah
Alors quel est le problème
Faisons-le rapidement
Tu as une chatte
J’ai un pénis ah
Alors quel est le problème
Faisons-le rapidement

Tu as une chatte
J’ai un pénis ah
Alors quel est le problème
Faisons-le rapidement
Alors prends-moi maintenant avant qu’il ne soit trop tard
La vie est trop courte, je ne peux donc pas attendre
Prends moi maintenant, oh ne vois tu pas
Que je ne peux pas baiser en Allemag
ne

* Fahrvergnügen est un slogan lancé par Volkswagen, pour une publicité destinée aux Etats-Unis en 1989.

(Paroles de Till Lindemann, traduction ©2009 par Lilie pour RammsteinWorld.com)

Allez, que les pervers premier degré que nous sommes se rassurent, une âme charitable nous a parachuté le clip dans sa version non censurée sur le site viméo. Royal! (Houuuu, toi cocotte, mon gros doigt me dit que tu vas passer à la casserole…)

NB: alors voilà, il y a donc eu le clip de Pussy en version non censurée sur le site de partage Vimeo, cet emplacement le prouve. Mais, évidemment, cela n’a pas duré bien longtemps. Quelques semaines, voire quelques jours. « Ouiiii, internet, c’est la liberté! C’est le grand forum mondiaaal, le grrrrand réseau saussssiaaaaal! Ouiiiiii, cé thune(s) ré-vo-lu-tion! » À la branle heure! Espace d’expression, certes, mais très surveillé. Dès l’instant qu’Untel ou Unetel passe les tabous (qui n’en sont que parce-que nous voulons bien qu’ils en soient), c’est la corbeille sans autre forme de procès. Ils auraient pu le mettre en accès limité… C’est dire, à travers tout çà, à quel point il met en évidence les limites de notre société et de ses procédés « démocratiques ». Pas que nous soyons ici à fond pour le porno débile (car, comme dirait le proverbe chinois, l’imbécile regarde toujours le doigt qui lui montre la Lune au lieu de regarder la beauté de la Lune), non, mais alors que penser de cet acharnement envers un malheureux clip de 3 minutes 30 alors que l’obésité consumériste nous met constamment sous le nez des pop ups obscènes pour nous servir du porno à péage au kilomètre? Sans parler, évidemment, de l’érotisme soft utilisé depuis 40 ans par les publicitaires à 99F sans créativité (autant dire 90%), sous couvert de libération des mœurs, pour fourguer leurs produits toujours plus nombreux et leurs bagnoles polluantes dont l’industrie du carburant met à sac la planète… Donc, par pur esprit de contradiction, cet emplacement vide restera ici ad vitam, juste pour « montrer que ». A noter que le compte vimeo de cette personne a été carrément supprimé (tant qu’à faire, autant effacer les gens, çà va plus vite!) car cette personne avait mis aussi la vidéo du clip suivant de LIFAD, le maudit Ich tu dir weh. Cette mise en ligne d’Ich tu dir weh présentait, de loin, la meilleure qualité d’image et de son et rendait bien compte de l’esthétique visuelle. On devra maintenant se contenter d’une version bien en deçà, le nivellement par le bas étant à ce prix. N’est-ce pas un de nos plus beau specimen de pintade politicarde actuelle, le photoCopé d’homme politique, pour ne pas le nommer, qui a déclaré, en 2009, que le web était « dangereux pour la démocratie »? … Mais, bon sang, de quelle démocratie parlent-ils? La leur? Il est décemment permis de se poser la question…

Bon, et musicalement, çà donne quoi? N’étant ni critique de métier ni musicien, ne seront données ici que des impressions de pur mé(ta)lomane (non rémunéré pour çà). C’est simple: l’écoute s’est fait en plusieurs temps. La première laisse une sale impression. enfin, une demi déception où l’on ne sait pas trop quoi penser. On sent bien ce que Rammstein a eu l’intention de faire, à savoir un album péchu, rythmé, bourrin, varié, tournant la page Rosenrot et ses flottements électro-romantiques torturés, et renouant ainsi avec l’esprit tapageur. De ce côté là, c’est mission accomplie. Le rythme est assez enlevé et on se laisse emporter. Le problème est que, contrairement aux 5 grands frères (même Rosenrot), on a pas ce sentiment d’immédiateté de la compo-super-évidente-de-la-mort-qui-tue-la-vie-mortelle, c’est-à-dire, cette petite étincelle qui fait qu’on adopte une chanson dès les premières notes! Rammstein a toujours eu ce don particulier, une efficacité hors pair à créer des tubes mythiques car immédiats: le thème, le mur de riffs en puissance, les volutes électro des claviers, la voix gutturale qui martèle des paroles dures, les rythmiques toujours imparables du tandem basse-batterie, bref l’osmose de tous ces éléments qui crée une alchimie singulière, comme une forteresse sonore imprenable. Ici, les compositions ne convainquent pas complètement, créent moins « d’empathie », on sent parfois la musique patiner quelque peu dans des thèmes qui se cherchent et des reprises ou ruptures plus ou moins adroites, le jeu de guitare, moins pète-sec, semble enrobé d’une certaine mollesse, et manquer singulièrement de tranchant, de rythme, comme sur la chanson d’intro, Rammlied (« Rammchant »), dans laquelle le riff paraît défiler au ralenti! Les guitares font un peu trop tapisserie et ne sont pas mises assez en avant comme on l’aimerait, hormis sur certains morceaux. Bref, tout cela laisse un petit goût de pâte mal cuite. C’est un peu fouilli organisé et l’on ne retient rien de vraiment marquant.

Rammstein en 2009

Je me remémore alors la découverte inopinée de ce groupe dans la bagnole d’un pote vers 1998, avec les tubes « dance-indus » Sehnsucht, Engel, Tier et Du hast qui tournaient en boucle, le plaisir de la découverte d’Herzeleid après Sehnsucht, avec ses sécheresse de gratte assassines et son jeu de batterie qui défrise, la méchante claque de l’ouverture électro-symphonique de Mutter, Mein herz brennt (« Mon coeur brûle »), les variations de styles plaisantes de Reise, Reise même si l’album est moins métal que les précédents, les profondeurs musicales et l’étonnante homogénéité de Rosenrot même s’il manque au final d’un peu de pêche (y’a pas à dire, un morceau comme Benzin est tout à fait ce qu’on peut appeler un tube évident). Ici, pas d’immédiateté, pas d’étincelle qui fouette les oreilles et emporte l’imaginaire d’un coup d’un seul vers un exotisme guttural purement Germain. Rammstein aurait-il tout dit? L’âge commencerait-il à se faire sentir? Les Allemands s’englueraient-ils dans leur propre mythologie sonore?

Et puis… le temps aidant, on réécoute la galette et on commence à y trouver des affinités, des détails qui sonnent mieux, des aspérités inédites où l’attention accroche. Et puis on réécoute encore et on se surprend à fredonner les thèmes et les reconnaître. On cherche les traductions des paroles car l’on commence à vouloir comprendre ce que cachent ces comptines pour adultes, et on commence à y retrouver le style. Le relief sonore de l’album se déblaye petit à petit et l’on isole certains morceaux très lourds comme Waidmanns heil (« Bonne chasse »), l’immonde Wiener blut (« Sang viennois »), le puissant Mehr (« Plus ») ou l’énorme Bückstabü (« Mot créé par Till Lindemann! »). Alors il n’y a pas de morceau vraiment fracassant qui ressorte mais il y a des idées franchement sympa comme cette intro énorme au cor de chasse dans Waidmanns heil, qui nous fait douter un instant entre Rammstein ou Laibach, tant il est un tableau. Les riffs sont plutôt rapides et ne laissent pas place au repos. Le mouvement épique s’élève au degré le plus haut de l’album et la chanson développe un final plus intense et lyrique tout en gardant le rythme, portée par des choeurs ponctuels en soutien et un refrain scandé comme un leitmotiv, particulièrement efficace. On note aussi une sonorité de vieux clavier fatigué qui lance Haifisch (« Requin »), chanson qui se termine sur une douce conclusion à la harpe assez bien sentie. L’intro chorale du premier morceau Rammlied nous transporte dans des abysses obscurs indéterminés, peut-être ceux de l’emprise psychologique de la secte décrite dans les paroles. Morceau difficile à cerner, enténébré d’une structure complexe faisant le yoyo entre 3 mini-thèmes qui se répondent de manière assez peu évidente quand on écoute la première fois. Les couplets font penser à du Rammstein première époque et c’est assez plaisant, tout comme cette énorme voix qui scande le nom du groupe en deux temps. Les guitares manquent un peu de leur côté tronçonneuse qu’elles avaient avant, hormis à un (trop court) moment où la chanson semble arrêter sa course folle et où Till Lindemann hurle presque, et lors des couplets où l’on a l’impression de renouer avec Herzeleid. Mais quand on la réécoute (un peu à fond), eh bien… l’introduction prend toute son ampleur boueuse et l’ensemble acquiert un aspect tout de même percutant, à force de grosse caisse et de claviers… D’autres morceaux forts se dégagent comme Bûckstabü et ses riffs, pour le coup, vraiment puissants, Wiener blut et son intro… viennoise (!) lyrique très sympathique débouchant sur un duo gros riff – grosse caisse qui martèle le refrain, sans oublier les choeurs. A préciser que cette chanson traite de l’affaire Josef Fritzl, dont la mise au jour a secoué non seulement l’Autriche mais également à peu près toute l’Europe. À sont tour, la chanson Mehr marque l’album du sceau de la puissance. Son intro claque une sonorité électro-guitare des plus entrainante, accompagnant des couplets chantés/parlés. Mehr ménage une pause plus mélodieuse, intéressante car Till Lindemann lâche sa voix vers des styles plus subtils que le refrain outrancièrement presse-purée. Ensuite nous avons quelques compositions moins lourdes telles Haifisch, Ich tu dir weh (« Je te fais du mal ») ou encore Liebe ist für alle da, la chanson éponyme aux rythmes rapides et aux parfums punk sur les bords, encore une fois, chose inhabituelle pour du Rammstein. Ces morceaux, plus « légers » et enlevés, aux refrains peu évidents au début, finissent par trouver toute leur place au creux de l’oreille. Spécial coup de coeur perso pour Ich tu dir weh dont l’intro aux claviers est, on peut le dire, super sympa avec la guitare-batterie qui viennent nous réveiller façon « j’te balance un parpaing dans su’l’coin d’la gueule à 6H du mat ». Encore une fois, on pourrait croire une chanson issue des sessions de Mutter. Plaisir rétro, donc, pour un refrain mielleux qui, après l’incompréhension des débuts, reste irrémédiablement dans la tête. Le côté plaisant et presque léger du thème musical ne doit pas faire oublier à nos innocentes cages à miel à quel point les paroles sont immondes et plombantes.

Puis viennent deux ballades dont l’une, Frühling in Paris (« Le printemps à Paris »), paraît spécialement ridicule au premier abord et où Till Lindemann nous gratifie d’un « Non, je ne regrette rien » en Français dans le texte, embourbé dans un accent teuton à couper la merde au couteau. Mais là aussi, les écoutes successives et un coup d’oeil sur les traductions des paroles peuvent le rendre plus supportable… Ou pas! Ce ne sera sans doute pas la création la plus marquante de Rammstein mais incontestablement un morceau à réécouter. Et l’autre ballade, Roter Sand (« Sable rouge ») est le coup de coeur inattendu! Le démarrage un peu cliché avec la partie sifflée enchaîne sur une guitare sèche esseulée et mélancolique. Le morceau s’élève constamment vers une sorte de climax lyrique par l’adjonction de choeurs assez discrets tout d’abord, mais qui subliment complètement la chanson sur la fin. Le morceau évite le cliché de la bombe qui explose à coup de guitares et batteries. Des paroles poignantes, romantiques à souhait et pleines d’une sombre poésie pour cette touche délicate et tristoune de fin d’album. On n’oubliera pas non plus Pussy, le morceau le plus accessible de l’ensemble, à l’image de ce qu’avait pu être Amerika sur Reise, Reise, et qui s’impose en tant que single un peu plus commercial. C’est le seul morceau vraiment évident de l’album avec ses claviers et ses guitares présentes mais pas trop violentes non plus. Presque pop, pourrait-on dire.

A noter que l’album est sorti aussi en version longue garni d’un deuxième CD contenant 5 chansons dont trois inédites, Fürhe mich, Donaukinder et Halt. Ces chansons sont très réussies mais plutôt lentes. Fürhe mich et son riff de grattes carré à l’ancienne, puissant et se suffisant à lui-même ramène tout droit au Rammstein des premières heures. Les claviers sont très présent et en parfaite harmonie avec l’ensemble. Les deux autres morceaux sont plus lyriques avec des choeurs. Le quatrième morceau est une version orchestrale de Roter sand, paradoxalement assez en-dessous de l’originale. La grandiloquence orchestrale ne rajoute rien par rapport à la version album où la sobriété est justement ce qui crée l’accroche. Le cinquième Rammchant, Liese, est le morceau foutage de gueule puisqu’il s’agit de Roter sand sans les choeurs avec exactement le même thème. Par contre… les paroles sont totalement différentes, c’est une tout autre chanson. Aucun intérêt de prime abord, se surprend-on à penser. Ou peut-être faut-il explorer les textes… Une jeune femme, Liese, est le personnage central de l’histoire. On constate aussi que ce morceau forme une trilogie avec Roter Sand et Roter Sand « orchester version ». Dans cette dernière, Rammstein modifie la forme de la chanson (ses arrangements), alors que Liese reprend le thème a minima mais change le fond. À l’image de l’album entier qui, d’un point de vue sonore, semble commencer par une naissance alors qu’il traite de mort psychique (un individu qui se fond dans une masse qui pense pour lui) et termine sa course par la mort physique d’une personne qui s’opposait à une autre.

Ainsi, LIFAD est un album auquel il faut donner la chance de la réécoute car il ne dévoile ses saveurs que progressivement. Est-ce pour autant un album plus riche? Epique et varié, assurément, mais avec peut-être un petit arrière goût de manque d’homogénéité. Le concept guitares-machine a énormément évolué au cours de la discographie de Rammstein, beaucoup d’autres groupes pratiquant cette association à merveille. Aujourd’hui, Rammstein cherche plutôt les ambiances et les profondeurs psychologiques insondables. On sent les guitares et le jeu de batterie s’empâter dans quelque chose de plus coulant et globalement moins agressif, et se noyer plus dans une globalité forçant l’oreille à une écoute d’ensemble, alors qu’on pouvait les apprécier presque isolément dans les albums d’avant. Maître Doom utilise plus fréquemment sa grosse caisse, ce qui confère à l’ensemble une sonorité métal plus commune et, paradoxalement, un peu moins percutante, plus ronde. Mais le rythme soutenu et le lyrisme sont deux éléments bien présents et, tout comme dans les deux albums précédents, Till Lindemann crée des variations et expérimente même quelques gueulantes inhabituelles (Bückstabü) ou presque vomitives à la fin de Mehr.

LIFAD est donc bon album dans son ensemble, il ravit nos oreilles sans aucun problème et se bonifie à mesure des écoutes, mais manque un peu de réelle surprise. Cela refait penser aux déclarations du groupe, début 2009, sur la genèse difficile du disque. En effet, en pleine session d’enregistrement, le groupe, non content de ce qu’il délivre, décide de tout gommer et reprendre à zéro! Rammstein trouvait que ce qu’il avait fait « sonnait comme n’importe quel groupe de métal » et a tout balayé d’un revers de manche. Cette décision, courageuse, a tout retardé de 6 mois. A la base, LIFAD était prévu pour 2008. Et c’est peut-être ce questionnement musical que l’on ressent… Toujours est-il que:

1) force est d’admettre que LIFAD tourne en boucle sur la platine CD et maltraite les pauvres enceintes. Nous ne sommes que de faibles créatures… sous l’emprise de la Rammstein-addict!

2) le carton plein est au rendez-vous à travers la vieille Europe. En France, l’album entre directement en 3ème place des ventes le 16 octobre, pour rafler le disque d’or à peine deux semaines plus tard. En Allemagne c’est 1er des ventes à la sortie et disque de platine sous 48H! 200 000 disques vendus en 2 jours, çà laisse rêveur tout artiste ayant envie de vivre de son art… Disque de platine également en Finlande et en Autriche, disque d’or (en date du 29 octobre) également en Suisse, en Pologne, en République Tchèque et en Belgique. P’tain Kenny, aux abris, c’est la blitzkrieg!

Le Joker n’est pas mort, ses bouffons non plus…

Malgré cet engouement du public, il génère de l’incompréhension et de la censure dans son sillage, j’oserais dire comme d’habitude. Et c’est en Allemagne que çà tape dur:

Petra Meier, vice-président du « Département fédéral allemand des médias dangereux pour la jeunesse » a indiqué que le nouvel album de Rammstein Liebe ist für alle da sera bientôt interdit au moins de 18 ans en Allemagne. L’interdiction a été prononcée pour plusieurs motifs. Premièrement, la chanson Ich tu dir weh et l’image du livret montrant Richard Z. Kruspe en train de fesser une femme nue représenteraient des pratiques S/M choquantes pour les mineurs. Deuxièmement, la chanson Pussy inciterait aux rapports sexuels non protégés. Après la censure et la fermeture de plusieurs fansites cet été par Pilgrim (management de Rammstein), c’est en quelque sorte l’arroseur arrosé et il est intéressant de voir quel impact cette interdiction aura sur la sortie d’Ich tu dir weh, prochain single prévu, ainsi que sur les concerts prévus en Allemagne.

Merci à Rammstein-Austria.com

Mise à jour du 09/11 : Universal Allemagne vient d’indiquer que Liebe ist für alle da sera complètement retiré des étalages allemands dans la nuit du mardi 10 au mercredi 11 novembre à minuit. La vente ne pourra se faire qu’aux plus de 18 ans après demande explicite de leur part à leur revendeur, sous présentation d’une pièce d’identité. Aucune diffusion sonore d’Ich tu dir weh ne sera permise en Allemagne et les paroles de cette chanson ne pourront plus être écrites dans les médias. Il sera également interdit de montrer la photo de l’artwork sur laquelle porte la censure. À noter que la censure a été originellement demandée par le Ministère fédéral pour la famille, dirigée par Ursula von der Leyen.

Et les autorités allemandes de s’acharner:

Nous vous en parlions il y a quelques jours, le dernier album du groupe, Liebe ist für alle da, se retrouve censuré en Allemagne. En effet, les paroles de la chanson Ich tu dir weh (ainsi que l’image du livret montrant Richard Z. Kruspe en train de fesser une femme nue) seraient choquantes pour les mineurs. Une nouvelle version de l’album verra le jour le 16 novembre. Elle contiendra la même tracklist que la version non censurée mais sans la chanson Ich tu dir weh. La photo jugée choquante sera également retirée du livret.

Source: http://www.rammsteinworld.com

Donc le deuxième extrait de LIFAD est Ich tu dir weh, la chanson aux textes barbelés, arrondis pourtant d’un refrain assez mélodieux. Le clip a été tourné dans la semaine du 20 octobre 2009. Cet extrait, initialement prévu fin décembre 2009 a été repoussé au 5 février 2010 en Europe et le 8 au Royaume-Uni. Le groupe ne semble pas avoir pris en compte les foudres de la violente censure à l’oeuvre. Censure étonnante, pour ne pas dire proprement scandaleuse, dans un pays assez ouvert sur les branches dures du rock d’habitude. Limiter l’accès en magasin aux mineurs est une chose, entailler l’oeuvre en elle-même en est une tout autre. Début 2010, la censure s’intensifie en ce qui concerne les concerts du groupe:

Nouveau rebondissement dans l’affaire de la censure. Le  ministère allemand des familles va interdire au groupe de jouer Ich tu dir weh lors des deux concerts de Dortmund (6 et 7 février). Le ministère va exiger que chaque membre du groupe signe un document précisant que la chanson ne sera pas jouée. Si cette consigne est violée, Rammstein devra payer 10 000 €. L’administration allemande va collaborer avec la police et les fans de moins de 18 ans devront être accompagnés par un parent pour assister au concert. Les mineurs non accompagnés seront renvoyés chez eux.
Le promoteur des concerts a déjà été contacté par téléphone par les autorités : Nous allons transmettre l’information au management et au groupe. La décision finale reviendra à Rammstein.
On ne sait pas encore si cette censure sera appliquée aux autres concerts allemands de 2010.

Quelques jours plus tard, les autorités allemande enfoncent le clou:

Les mesures prises par le ministère allemand des familles (cf. news) concernant les prochains concerts de Rammstein à Dortmund se sont encore intensifiées.

Aucune chanson du nouvel album Liebe ist für alle da ne pourra être jouée, sous peine d’une amende de 10 000 € par membre ! Rappelons que les fans de moins de 18 ans devront être accompagnés par un parent ou tuteur pour assister aux concerts.
On ne sait pas encore si ces mesures seront étendues à toute l’Allemagne, mais présenter un concert sans chanson du nouvel album est difficilement envisageable. Rammstein pourrait donc choisir de payer l’amende. Rendez-vous les 6 et 7 Février pour connaître la décision du groupe.

Source : Metal-Hammer.de ; Merci à Sehnsucht.dk

Source: http://www.rammsteinworld.com

Même s’il est clair que les chansons de Rammstein ne font pas dans la dentelle, il est amusant de voir à quel point ces textes mettent en évidence les freins et blocages du modèle de société actuelle, si éprise de libertés individuelles et de « démocratie », nous dit-on. Et si cet entêtement dans la provocation et la mise en lumière de tels blocages sociétaux faisait partie intégrante de la démarche de Rammstein? Disons, sans surestimer le groupe non plus, comme une sorte de test? Parce-qu’à un moment, on peut se demander à quoi sert de pondre autant de chansons volontairement provocatrices si, au final, on n’en tire qu’une censure aussi acharnée (et, au passage, des amendes aussi gratinées!). La notion de liberté a encore des progrès à faire. A l’instar du clip de Pussy, à l’humour excessif et à contre-pied, il n’y a pas de quoi brandir le drapeau national.

Christoph « Doom » Schneider a été interviewé à propos de la sortie de cette chanson juste avant le concert du 12 novembre 2009 à Barcelone:

« Nous avions planifié de sortir cette chanson en single et nous avions déjà tourné la vidéo mais malheureusement nous ne pouvons plus le faire (à cause de la censure, ndlr). Nous devons réfléchir à quoi faire et décider d’une autre chanson. Nous avons déjà filmé un autre clip qui devait sortir après Ich tu dir weh. La video pour Ich Tu Dir Weh était juste une vidéo de performance live, comme Mann gegen Mann.« 

Source: http://www.rammsteinworld.com

– Ich tu dir weh –

Tu es en vie juste pour moi
J’accroche des décorations sur ton visage
Tu m’es totalement soumise
Tu m’aimes, car je ne t’aime pas

Tu saignes pour le salut de mon âme
Une petite entaille et tu t’excites
Ton corps (est) déjà tout déformé
Peu importe, ce qui plaît est permis

Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie

Avec toi, j’ai l’embarras du choix (1)
Du fil barbelé dans le canal urinaire
Je mets ta chair dans le sel et le pus
D’abord tu meurs, puis tu reviens quand même à la vie

Morsures, coups de pieds, coups violents
Aiguille, tenailles, scie émoussée
Si tu désires quelque chose, je ne dis pas non
Et j’introduis en toi des rongeurs

Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie
Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie

Tu es le navire, je suis le capitaine
Quel est le but du voyage ?
Je vois ton visage dans le miroir
Tu m’aimes, car je ne t’aime pas

Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie
Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie
Je te fais du mal
(Mais) Ça m’indiffère
Ça te fait du bien
Écoute comme ça crie

(1) L’expression allemande « die Qual der Wahl » signifie « l’embarras du choix ». Till l’a renversée, ce qui pourrait se traduire par « le choix de l’embarras ». Mais « die Qual » désigne ici le tourment subit par le narrateur.

(Paroles de Till Lindemann, traduction ©2009 par Lilie pour RammsteinWorld.com)

Bon, c’est clair qu’il y a plus mielleux comme déclaration d’amour… Mais, comme beaucoup de chansons du groupe, ces textes bruts peuvent induire un sens second, plus caché, ou, disons, une possibilité de lecture alternative. En oubliant le côté sexuel primaire, on pourrait aussi y voir une métaphore de l’état de la démocratie à l’heure actuelle dans les pays occidentaux, de l’état de l’économie et de son côté destructeur à échelle mondiale. Vues par ce biais, certaines paroles résonnent trouble, comme « Tu es en vie juste pour moi », « Tu m’aimes parce-que je ne t’aimes pas » ou encore « Tu es le navire, je suis le capitaine », « Je te fais du mal, çà te fait du bien », « Et j’introduis en toi des rongeurs », etc… Il est permis de s’interroger… En ce qui concerne le clip, comme le déclare « Doom », il ne s’agit là que d’une performance live, donc rien de spécialement créatif ou illustratif par rapport au texte de la chanson (mais peut-être que c’est pas plus mal…). A voir juste pour la plastique et la chanson, donc. Ce clip réunit des effets de scène qui sont déployés lors des tournées. Ce nouvel album de Rammstein faisant l’objet d’une forte censure, les vidéos du clip que l’on peut trouver sur les sites de partage ne sont pas de qualité idéale, mais en cherchant, on peut trouver des versions pas trop massacrées par la censure.

– Blague Est-Allemande –

– Quelle est la différence entre un Allemand de l’Est et un terroriste ?
– Un terroriste a parfois des sympathisants.

Le 2 novembre 2009, Rammstein tourne le clip de ce qui sera le troisième extrait de LIFAD après Ich tu dir weh, au château Marquardt, près de Potsdam (banlieue sud-ouest de Berlin). Réalisé par Jörn Heitmann, déja résponsable de plusieurs clips du groupe par le passé, celui-ci a requis une douzaine de figurants en habits de soirée, hommes et femmes (on ne se refuse rien…). Apparemment, il y aura un corbillard, des flingues, de la bagarre, un cercueil, des visages de cire, un ange noir. Il s’agit du titre Haifisch. Paul Landers nous annonce la couleur:

« La prochaine vidéo sera pour Haifisch, et çà sera une vidéo classique de Rammstein avec une histoire derrière, mais je préfère ne pas donner plus de détails et vous laisser être surpris! »

Merci Paul… Ce titre, qui n’est pas un des plus violents de l’album. Il parle, tout comme Los sur Reise, Reise, des obstacles et des bâtons dans les roues qu’à pu, ou que peut encore, rencontrer le groupe.

Sorti globalement le 31 mai 2010 (à deux ou trois jours près suivant les régions d’Europe et du vaste monde), il est le dernier extrait de LIFAD. Effectivement, Rammstein délivre un clip de haute facture, comme ils aiment nous les soigner, un véritable court métrage construit autour d’une histoire qui fait contrepoint à la chanson, et vient l’éclairer d’une saveur particulière. Le décorum est somptueux, l’humour présent par pointes rétrospectives. Le groupe est trop heureux de saisir l’occasion de faire des clins d’oeil à son propre univers visuel. Placardé sur le thème de la mort, de l’imposture et des petites trahisons entre amis au quotidien, le clip repasse le film de la vie artistique de ces messieurs et, comme d’habitude, le détourne pour mieux en faire ressortir le propos.

En septembre 2009, Richard Z. Kruspe se confie, lors d’une interview accordée à la publication française Hard Rock Magazine, sur la gestation-création de LIFAD. Il est clair que nous n’en perdrons pas une miette, histoire de comprendre un peu mieux ce qui se cache derrière le concept Rammstein:

Hard Rock Magazine: J’aimerais démarrer sur un morceau en particulier, Wiener Blut. Lorsque nous avons écouté l’album en juillet dernier (2009, ndlr), nous n’avions pas de tracklisting, mais après l’écoute lorsqu’on nous a donné les titres, j’ai totalement retrouvé l’ambiance suggérée par le nom du morceau en entendant la musique avec ces alternances de parties calmes où Till semble vouloir attirer la jeune fille dans les ténèbres en la rassurant avant que la réalité ne se dévoile et que tout explose. C’est rare chez Rammstein que textes et ambiance musicale soient à ce point liées de façon aussi subtile.

Richard Z. Kruspe: Eh bien en général, nous commençons toujours par la musique même si parfois nous pouvons modifier quelques arrangements après coup par rapport aux textes. Mais il est vrai qu’avec Liebe ist für alle da nous avons changé notre façon de procéder, cette fois nous avons joué avec quelques idées que nous avions, en repassant dessus, en apportant des modifications. Ce morceau est un bon exemple de ce nouveau processus car nous avons demandé à Till de revenir dans la salle de répétition pour qu’il expérimente plusieurs choses au chant, nous n’avions jamais fait cela auparavant. Nous avons travaillé avec lui sur les textes et nous en avons réellement tenu compte pour la composition de la musique. Ce fut le cas avec quelques autres titres mais celui-ci est le plus représentatif.

HRM: Ce n’est pas la première fois que vous prenez pour base un fait divers atroce issu de votre région pour créer une chanson, ce fut déja le cas avec Mein teil et l’histoire du cannibale qui était Allemand, si je me souviens bien…

RZK: (Rires) Oui, c’était un Allemand, en effet. On pourrais croire que çà n’arrive qu’en Belgique, mais non en Allemagne aussi (rires).

HRM: Vous appréciez de pouvoir mêler l’univers de Rammstein avec de véritables faits plutôt que de simplement créer des histoires imaginées? De plus, çà permet probablement d’avoir un impact plus fort sur l’auditoire car il connaît déjà l’univers et l’atmosphère qui vont avec ces titres.

RZK: Je pense qu’en effet çà devient plus réel pour l’auditeur à partir du moment où nous partons d’une vraie histoire. C’est tellement répugnant quand tu te penches vraiment dessus que je crois que nous sommes un des rares groupes à pouvoir se permettre de partir de ces histoires pour créer des chansons, et du coup les morceaux n’en sont que plus intenses, les émotions créées sont beaucoup plus fortes. L’auditeur connaît la véritable histoire et les images qui y sont associées, çà lui permet de se référer à la réalité.

HRM: Du coup, çà vous tenterait de faire un clip à partir de ce morceau étant donné que visuellement c’est assez facile de savoir vers quoi partir?

RZK: Non, la dernière fois que nous avons tenté cela c’était avec Mein teil justement et c’est parti vers du grand n’importe quoi (rires). Parfois ce qui est le plus évident n’est pas le meilleur choix. Et puis souvent, particulièrement avec ce morceau, c’est du pur Rammstein et je vois çà plus ou moins comme une forme d’art. Du coup, j’aime bien que les gens puissent se construire leur propre image, se faire leur propre histoire à partir de ce qu’on leur propose. Donc j’ai peur qu’avec cette chanson, si on devait la mettre en image, on perdrait tout le côté imaginaire qui peut-être développé par chacun. C’est pourquoi nous avons décidé de lancer Pussy en premier single. La première fois que j’y ai pensé, je me suis dit que çà allait forcément créer une polémique car c’est un morceau qui craint un peu quand même, du coup soit les gens vont adorer soit ils vont détester. Mais si tu prends cette chanson et que dans le clip tu prends une direction un peu différente ou alors si tu la rend encore plus extrême que ce qu’elle est, çà devient intéressant et çà peut créer des réactions. La première fois que nous avons soumis cette idée à Jonas Akerlund, le réalisateur du clip, et que nous lui avons envoyé le morceau, il nous a envoyé un mail trois heures plus tard nous disant « OK, faisons une petite révolution et partons sur un clip porno ». On avait donc quelque chose d’intéressant, une chanson qui craint et un porno hardcore.

HRM: Je comprends mieux les petits teasers que l’on a pu voir alors, très typés porno allemands des années 80 (le clip n’était pas sorti au moment de l’interview, ndlr).

RZK: Oui, c’est probablement le truc le plus intéressant que j’ai fait de ma vie (rires). On en revient encore à la sexualité, mais après tout on n’est que des hommes.

HRM: Pour dériver de la sexualité vers l’amour, un autre morceau m’a fait tiquer au niveau des textes car ce n’est pas la première fois que Till utilise cette façon de faire. C’est sur Liebe ist für alle da, comme parfois le refrain se termine par nicht für mich (« pas pour moi »), par exemple en parlant d’amour, cela voulant dire que le personnage n’y a pas droit, et souvent en fin de chanson, le dernier refrain se termine par auch für mich, comme si le personnage campé par Till avait réussi à contraindre le destin, ou une personne en particulier, et à lui aussi profiter du sujet dont il parle dans le texte.

RZK: Oui, c’est moi qui lui ait demandé de rajouter cette phrase à la fin car il y a de l’amour pour Till aussi (sourire). Au départ, cette phrase n’était pas dans le texte comem s’il n’avait pas droit à l’amour, mais je lui ait dit que si, lui aussi y avait droit. C’est vrai que Till écrit souvent de son point de vue, je suppose que çà vient de la façon dont il a grandi, il croit toujours ne pas avoir droit aux mêmes choses que les autres. Les premières idées que nous avions trouvé pour le thème de l’album, et son titre d’ailleurs, ne nous satisfaisaient pas du tout et nous avons dû chercher longtemps pour trouver quelque chose qui nous convenait. Au bout de plusieurs mois de réflexion infructueuse, en réécoutant ce morceau, je me suis dit que cette phrase était très commune (L’amour est là pour tout le monde ») mais qu’en même temps, en y réfléchissant à deux fois, elle avait un sens plutôt profond et d’un coup, j’ai eu cette image d’une personne qui avait un rapport sexuel avec un animal. Du coup, je me suis demandé si l’amour pouvait exister pour tout le monde, même pour les personnes mauvaises et si c’était le cas, pouvait-on leur pardonner leurs actes? J’avais alors un thème précis dans ma tête: on écrit généralement sur le côté sombre de la vie mais en tant qu’êtres humains, sommes-nous prêts à tout pardonner?

HRM: Cette idée rejoint du coup le sentiment que j’ai eu en écoutant l’album, je trouve que c’est un des plus sombres et plus violents que vous ayez composé récemment, notamment avec cette utilisation de la double pédale inhabituelle qui renforce encore le côté percutant de la musique, ce qui va à l’opposé de la signification du titre.

RZK: Oui, çà résume ce que je pense de la vie, il y a beaucoup de côtés sombres avec lesquels tu essaies de créer un équilibre. Du coup, cette violence exprimée au travers de la musique est équilibrée par le fait que chacun puisse trouver l’amour sur Terre, même nous (rires).

HRM: J’ai également trouvé que vous aviez beaucoup employé de claviers, de samples, de choeurs, d’arrangements, pour moi ce sont des parties qui prennent vraiment une part importante sur pas mal de titres. Bien plus que sur Reise, Reise ou Rosenrot.

RZK: Vraiment? Pour moi c’est tout le contraire. On a bien entendu toujours utilisé des sons électroniques dans nos albums, mais cette fois, je trouve que çà ne ressort pas tant que çà.

HRM: Çà ne ressort pas forcément systématiquement, mais on sent que c’est très présent tout au long de l’album.

RZK: Vraiment? Je ne les ai pas entendu, pour ma part (rires). Mais après tout je ne suis qu’un guitariste (rires). De plus, dès le départ, le but était de faire un album bien plus percutant, heavy, direct et rapide que d’habitude. Quand nous composions et répétions les morceaux, nous étions tous réunis dans une toute petite pièce qui ne faisait pas plus de 10m2 et nous ne pouvions du coup pas travailler avec de gros amplis. On s’est rendu compte que physiquement, à cause de cette limitation de puissance sonore, nous avions tendance à jouer plus vite et plus dur. Si tu as un énorme ampli, tu as juste à faire sonner un accord et çà donne un résultat immédiatement puissant, alors que là avec un petit son, tu dois plus te donner. Donc le but était de sortir un maximum de puissance et après être passé par l’enfer, nous y sommes parvenus et sommes revenus au paradis.

HRM: Ces sessions « intimes » sont les premières qui ont apparemment été abandonnées d’après ce que j’avais vu ou alors c’est véritablement ce qui a conduit à l’album final?

RZK: En fait quand nous avons démarré, pendant environ 4 semaines nous avons composé des riffs avant de jammer ensemble, mais nous ne créions pas véritablement de chansons. Une fois cette étape terminée, la plus grosse erreur que nous ayons commise a été de nous mettre sur nos ordinateurs pour créer les morceaux en tant que tels et je sentais qu’il manquait quelque chose. On est donc revenus à la formule « jam », mais çà ne plaisait pas à tout le monde, çà a été très compliqué. Mais au final, je suis content que nous soyons parvenus à nous en sortir, à avancer et à terminer cet album tout en restant encore ensemble et que Rammstein n’ait pas splitté suite à çà. Je crois que les gens ne devraient dire qu’ils jouent dans un groupe qu’au bout de 10 ans pendant lesquels ils sont parvenus à se supporter, en-dessous de cette période, ce n’est pas un groupe (rires). Composer et enregistrer un album, c’est facile; rester dans un groupe pendant 10 ou 15 ans, ce n’est vraiment pas évident, c’est le plus difficile.

HRM: C’est vrai que le break que vous vous êtes imposés juste après Rosenrot, pendant lequel chacun a vaqué à ses occupations semble avoir été salvateur.

RZK: Oui, j’ai été le seul à monter autre un projet, les autres ont simplement pris du recul. Mais c’était essentiel pour moi de m’éloigner et de faire autre chose, même si c’était un vrai cauchemar pour moi de revenir ensuite dans cet enfer. Mais au final, quand tu vois que tu peux obtenir un excellent résultat, çà vaut le coup de traverser l’enfer. Là maintenant si tu me demandais si j’étais prêt à refaire un album de Rammstein, je te dirais non!Si tu me reposes la question dans 5 ans, j’aurais peut-être changé d’avis. Pur le moment, je suis juste impatient de remonter sur scène.

HRM: en parlant d’Emigrate, tu comptes te pencher sur un deuxième album?

RZK: Oui, nous allons sûrement refaire un disque une fois la tournée de Rammstein terminée.

HRM: Toujours avec le même line-up, notamment Arnaud à la basse?

RZK: Arnaud est toujours là pour le moment, mais forcément je passe plus de temps à Berlin en ce moment et de son côté il n’est plus trop dans la musique pour le moment, il est parti dans d’autres projets d’animation pour le cinéma. De mon côté je suis toujours en train de travailler, je réécris des choses, j’ai parfois des pistes pour créer un morceau, etc… mais tout reste encore à préciser.

HRM: Pour revenir à Rammstein, j’ai eu un autre sentiment à l’écoute de l’album, comme si vous aviez eu la volonté de mélanger un peu tous vos albums, comme la production de la batterie assez proche de celle sur Reise, Reise, ou alors des références au premier album, Herzeleid, avec ce refrain que psalmodie Till « Ramm – Stein » sur Rammlied.

RZK: En fait c’est moi qui chante cette partie (sourire). Mais tout cela n’a pas été fait sciemment. Même si on a toujours le même batteur, il change un peu sa façon de jouer comme tu l’as remarqué avec l’utilisation de la double pédale et puis cette fois nous avons quitté l’Europe pour nous rendre aux Etats-Unis, çà a changé pas mal de choses. Au niveau du son de la batterie, je pense que c’est le meilleur que nous ayons eu. Bien sûr, nous avons toujours le même producteur, donc forcément il travaille toujours plus ou moins de la même façon, et puis bien entendu depuis Mutter c’est Stephan Glauman qui mixe tous nos albums, on peut donc les rapprocher au niveau du son. C’est assez amusant, d’ailleurs, de voir la différence entre nos trois derniers disques et les premiers, c’est plutôt flagrant et çà vient de la façon dont il nous mixe.

HRM: Pour moi, la marque de fabrique niveau gros son chez Rammstein provient de la façon dont vous mélangez les guitares et la basse.

RZK: Oui, c’est une histoire de fréquence. Je ne sais pas comment les autres groupes travaillent, mais en ce qui nous concerne on enregistre toujours les guitares, ensuite la basse rejoue exactement les mêmes lignes afin d’apporter certaines fréquences en soutien puis il fait ses parties de basse qui sont différentes. Mais ce qui doit entrer en jeu également c’est que nous sommes des Allemands, donc tout est parfaitement carré (rires).

HRM: Il y a un morceau qui n’a pas vraiment de titre, B********, en écoutant bien j’ai cru comprendre un truc du genre « buckstebu ».

RZK: Eh bien tu peux écrire ce que tu veux, çà marchera, c’est un mot magique. Si tu le répètes plusieurs fois, quelque chose de magique se passera… (rires)

HRM: Ok, je testerais çà à la maison… Pour revenir sur votre retour après le break dont nous parlions auparavant, as-tu ressenti une quelconque pression ou appréhension pour remettre la machine en marche? Ou alors LIFAD étant déja votre sixième album, tout se déroule de façon plutôt relax et que ce soient les labels ou le management, ils n’ont plus d’effet sur vous?

RZK: Il y a toujours une pression, ne serait-ce que personnelle. Au départ, lorsque nous sommes revenus, je ne voulais pas faire d’album. Çà ne me paraissait pas être la meilleure chose à faire. Je pensais qu’il valait mieux que nous nous retrouvions dans le cadre d’une petite tournée afin d’avoir vraiment le sentiment d’être de retour. Mais j’étais le seul à penser de cette manière, donc nous sommes repartis en mode de composition, ce qui n’a pas été simple pour moi, surtout après être sorti d’un projet sur lequel j’avais plus de facilités pour travailler. Je crois encore qu’on aurait pas dû faire comme çà, mais maintenant c’est fait et on n’y peut plus rien. Mais ma situation personnelle était différente, j’avais enregistré un album entre temps alors que les autres non, j’étais donc fatigué du studio, je voulais passer à autre chose. Tu sais, c’est comme si tu dois faire l’amour à ta femme trois fois de suite, qui voudrais faire çà? (rires) C’est dans la nature de l’homme, si on te présente 5 femmes, tu pourras les honorer toutes à la suite, mais pas 5 fois la même (rires).

HRM: Par rapport à la tournée justement qui est en train de se monter, tu peux déja nous en dire un peu plus? Lorsque j’ai discuté avec Christoph en juillet, vous étiez encore en train d’élaborer le show à venir.

RZK: Quoi qu’il arrive, nous nous retrouvons piégés à notre propre jeu… Il nous est impossible de proposer un show moins imposant que ce que nous avons fait jusqu’à présent. Ces concerts sont devenus une vraie partie intégrante du groupe, du coup la seule façon de nous en sortir est de faire toujours plus. Des fois c’est un peu frustrant, j’aimerais que nous soyons au niveau de Pearl Jam en ce qui concerne les shows (rires). Mais d’un autre côté c’est très ludique, tu as l’impression de redevenir un enfant et de jouer avec des legos pour construire ton spectacle. Tout ce que je peux dire, c’est que ce sera assez énorme, spectaculaire avec plein de lumières, de pyro, de mise en scène… Tout simplement toujours plus (rires).

HRM: Juste pour finir et revenir sur votre passé, jusqu’à l’époque de Mutter les Allemands semblaient ne pas trop apprécier le succès que vous rencontriez au niveau mondial en raison d’un complexe dû à la Seconde Guerre Mondiale et on vous reprochait encore vos supposées tendances d’extrême droite. Tout cela a-t-il changé depuis le temps, les mentalités ont évolué?

RZK: Je crois que l’opinion générale par rapport à ce complexe dont tu parles a changé, notamment grâce à la coupe du monde de football organisée en Allemagne en 2006. C’était la première fois que les Allemands étaient vraiment fiers d’être Allemands sans ressentir de culpabilité ni le poids de ce qui s’est passé durant la guerre. C’est bien car je pense que tu dois ressentir une fierté saine par rapport à tes origines. En ce qui concerne mon cas personnel, j’ai ressenti le besoin de m’éloigner de ce pays pour apprécier l’endroit d’où je viens. C’est vrai qu’à l’époque j’étais souvent énervé du comportement des gens à l’égard du groupe et de son succès.

HRM: C’est peut-être une histoire de génération aussi, les jeunes semblent avoir perdu ce complexe depuis pas mal d’années.

RZK: C’est vrai, mais mes sentiments sont partagés par rapport à la nouvelle génération d’Allemands. Je ne comprends pas qu’ils ne parviennent pas à avoir une quelconque orientation politique, je crois qu’actuellement nous avons la génération la moins politique que nous ayons jamais eu. J’ai grandi en Allemagne de l’Est où la dimension politique était très présente dans le système, la seconde Guerre était très présente ne serait-ce qu’à l’école. Je crois qu’ils manquent un peu de fierté par rapport à leurs origines. Bien sûr, c’est également très mauvais de ressentir trop de fierté nationaliste, mais il doit y avoir un bon équilibre entre les deux. Je me rappelle d’un matche de foot qui opposait l’Allemagne à l’Argentine où je m’étais rendu avec Christoph et Paul; ils avaient peint le drapeau allemand sur leurs joues pour supporter notre équipe, personnellement je ne voulais pas faire çà et quand l’Argentine a commencé à nous mener 1 à 0, j’ai vite pris leur truc pour me peindre le drapeau moi aussi étant donné qu’on ne gagnait pas (rires). Je ressens encore quelques complexes de cet ordre, mais beaucoup moins qu’avant. Je crois que l’ensemble des Allemands suit la même voie. En ce qui concerne le groupe, c’est encore différent car je crois que nous serons toujours là pour provoquer. Je ne crois pas que personne ait véritablement cru que nous puissions être d’extrême droite, c’est juste qu’ils avaient peur de ce que çà pouvait représenter. Mais nous ne nous réunissons jamais autour d’une table pour discuter de la prochaine provocation que nous pourrions faire, çà se fait tout naturellement. Quelqu’un balance une idée, et si çà nous plaît on part dessus.

Propos recueillis par Sven (© Hard Rock Magazine, novembre/décembre 2009)

Met de l’huile… sur le feuer!

L’Histoire est donc en train de s’écrire, toujours à coup de provoc, de censure et de grosse caisse. Mais aussi de disques d’or. Et çà, Rammstein sait faire! Mais finalement tant mieux, Rammstein ne passe pas inaperçu et fait parler de lui. Çà fait probablement partie de la stratégie de com du groupe mais leurs chansons ont toujours eu ce goût de souffre particulier qui met le doigt là où çà fait mal (ou là où çà fait du bien). D’ailleurs, une autre « provoc » de Rammstein, hormis ses chansons elles-mêmes, est ce « somptueux » coffret collector contenant l’album en version longue (2 CD) et… 6 godemichets roses translucides du plus bel effet, une paire de menottes et un tube de vaseline! Le tout pour 225€ TTC, mesdames-messieurs, business is business.

Voix de greemlin: « Mmmiâââm-mmmiâââm… »

En tous cas, les concerts de la tournée ont encore été chargés de promesses visuelles gargantuesques! Quels « sévices » scéniques « brûlants » a encore subit le public (masochiste et consentant)! Paul Landers avait précisé, dans une interciew donnée à noisecreep.com, que la tournée LIFAD se déroulera probablement sur 3 ans et que Rammstein ira honorer les Etats-Unis. Mais Paul explique que pour des raisons techniques, il est plus difficile de jouer là-bas et les shows du groupe y sont moins impressionnants. Les restrictions pyrotechniques sont importantes et, alors qu’en Europe le groupe joue devant des salles type Bercy allant de 10 000 à 20 000 personnes, aux U.S., il joue devant 2000 personnes. Et Paul de déclarer:

« Si les Américains veulent voir un vrai show de Rammstein, je leur recommande de venir nous voir en Europe »

Paul et le Docteur ont confirmé un peu plus tard que Rammstein a l’intention de tourner en Amérique à l’automne 2010. On entend dire ici et là que LIFAD pourrait être le Dernier album de Rammstein, dernier au sens de ultime. Ce serait dommage mais, après tout, rien n’est éternel. Till Lindemann avait déclaré vouloir s’arrêter de brailler après 50 ans. Profitons donc du moment présent:

Waaaarrfff… Dire que je ne pourrais pas aller les voir…

A noter que, question concert, le LIFAD Tour, qui s’interrompt fin décembre 2009 pour reprendre du service fin janvier 2010, est passé au festival d’Arras. En effet, Rammstein a prévu un concert le dimanche 4 juillet 2010 en tant que tête d’affiche. A l’image du concert aux Arènes de Nîmes, du Rammstein au coeur de la vieille ville, çà a dû valoir le détour!

– Blague Est-Allemande –

Allez, on s’envoie une ch’tite Est-Allemande toute mimi (se) pour finir:

– Quelle est la différence entre une Trabant et la grippe ? – Au moins la grippe on est sûr de pouvoir la refiler à quelqu’un.

Voici, en guise d’amusement, quelques tentatives d’explication de texte des paroles de LIFAD, rencontrées sur un fan forum. Çà peut paraître comme çà un brin capillotracté mais c’est bigrement intéressant. En tout cas, cela nous montre qu’une création originale est constituée d’une surface apparente premier degré, compréhensible immédiatement, mais aussi d’une foule d’autres choses plus souterraines, conscientes ou non, d’ailleurs. A chacun de juger mais de la part d’un groupe comme Rammstein, plus rien ne m’étonne…

Citation de « Fiel »:

Déjà, je tiens à toujours mettre en relation chanson et album, qui s’intitule « L’amour est là pour tous ».

1/ Rammlied
Pour moi, cette chanson use d’ironie pour nous montrer « l’amour sectaire ». Ceci est renforcé par l’intro qui me fait penser à des chants religieux. Cette chanson se devait d’être la N°1 du cd, et ceci pour 2 raisons:
1) le rapport avec le premier « contact » que l’on a eu de LIFAD; je m’explique: on a acheter l’album, ensuite, avant de découvrir le cd, on a découvert la pochette, qui fait beaucoup penser à des peintures religieuses. De plus, le « trip » autour du chiffre 3 (3 serviettes, 3 bouts de plante carnivore, etc) et de la trinité (le père, le fils et le St. Esprit). Après, je ne vois pas bien où cela mène, si quelqu’un a une idée ?
2) j’ai l’impression que cette chanson joue le rôle de clefs de lecture, exactement comme dans un recueil de poème… Ils nous expliquent comment comprendre le cd.
« Qui attend avec réflexion » ??? Pourquoi avec réflexion; et sur quoi ?
« Sinn und Form bekommen Verstand »: Le fond et la forme deviennent compréhensibles;
un chemin –> celui de R+
Un objectif –> Que l’on comprenne ?
Un motif
Ramm-Stein!
Une direction
Un sentiment –> l’amour ?
Depuis la chair et le sang
Une collectivité. –> nous ? Le cd dans son ensemble ?
En tout cas, cette chanson ne fait en aucun cas l’éloge de Rammstein.

2/ Ich tu dir weh
A mon avis, beaucoup plus explicite
La traduction me convient (en même temps je ne suis pas bilingue)…
Je crois que l’humiliation sexuelle et la totale maîtrise psychique sont les principaux thèmes. De plus, le refrain sonne pour moi comme un ensorcellement.
Mais ça ne m’étonnerait pas qu’il y ait un sens caché. D’ailleurs si quelqu’un a une idée, je suis preneur…

On fait des albums trop compliqués, j’en ai marre!

3/ Waidmanns Heil
Pour moi, il y a un sens caché évident dans cette chanson, le problème c’est que je n’arrive pas à l’expliciter…
J’ai 3 pistes, mais avant de vous les exposer, je vais vous montrer pourquoi cette chanson est bien plus qu’une « bonne chasse »…
En premier lieu, cette chanson est traduite comme « le salut du chasseur » (Weidmanns Heil)…
Or; le titre est Waidmanns Heil avec un « a » et non un « e »… Erreur d’impression et sur la pochette et sur le livret des paroles je n’y croit pas !
Alors: 1ère piste:
Waidmann ne veut rien dire en allemand… Mais, si on décortique tout ça, mann = homme et Waid = la guède (plante d’où l’on extrait le bleu pastel)… Bon, l’homme pastel… voilà ! Une des caractéristiques du pastel est de n’être pas totalement définies, net. Ce qui me fait penser à un transsexuel (je vais loin, je suis d’accord, mais l’amour est là pour tous, je doute que ce soit une chanson uniquement sur les animaux, bien que l’on peut penser à la zoophilie).
Ma 2e hypothèse: (ok, elle est un peut tirer par les cheveux) WMWM: vous voyez ???
Die Maid = la jeune fille… Maidmann: magnifique oxymore qui rejoint l’idée du transsexuel…
Ce qui me dérange un petit peu, c’est « La créature doit mourir »: le transsexuel ? Cela m’étonnerait de Rammstein; c’est pour cela que je suis complètement perdu… Alors si un bilingue pouvait m’éclairer…
De plus: Je vais chasser un « Kahlwild »… Kahl = chauve, wild = sauvage… Traduit comme gibier sans bois… mais pour moi, le chauve m’évoque le pénis… Ce qui rejoint « Afin que je puisse tirer dans le mille », « La queue frétille comme une anguille », « de fines gouttes de sueur
dégoullinent sur le genou ».
Ensuite, on ne peut pas exclure totalement l’idée de la chasse conventionnelle, confortée par la présence des cuivres dans l’intro…
Alors d’après vous qui est le créature qui doit mourir ???

4/ Haifisch
Très énigmatique à mon sens…
Le requin, propre à la terreur, pleure…
« Six coeurs, qui brûlent »: je pense que c’est d’eux dont il s’agit… mais qui est le requin et quel rapport… Là je ne comprend pas..
« On peut penser à nous »: sous-entendu ce n’est pas nous ???
Bref… j’ai de la peine à me faire une idée de celle-ci

Ouais, bravo! Moi non plus, je ne savais pas qu’on faisait des trucs aussi subtils!

5/ B********
Alors, cette chanson m’inspire l’adolescence…
J’ai l’impression qu’ils parlent d’une jeune fille qui cherche absolument le sexe, et qui se cherche en même temps… Qu’en pensez-vous ?
En même temps, je crois que le sens apparaitrait si l’on savait ce que veut dire « Bückstabü ».
Car il est dit que ça signifie « ce que vous voulez »… Cela équivaut à absolument tout… Je ne pense pas… Je pense Richard a répondu cela pour évitez la question du journaliste et ne pas révéler l’intrigue…
Il paraît que c’est un mot inventé par le groupe; mais avez-vous déjà essayé d’inventer totalement un mot ? C’est impossible; on retrouve toujours une partie d’un mot existant comme base… Il est possibée que Bückstabü soit un diminutif, mais je suis quasiment certain qu’il s’agit d’un anagramme commençant par la lettre B… Je dis cela car les 8 * correspondent à toutes les lettres excepté le « B » qui est explicite… Pourquoi le « B » est-il présent ??? Le symbole « * » est communément utilisé lors de censures… Bref, j’ai l’impression que l’histoire autour de l’invention de ce mot est un mythe.
PS: arrêtez de comparer cette chanson au black metal; j’peux vous assurer que s’en n’est pas.

6/ Frühling in Paris
Comme quelqu’un l’a dit récemment, je pense aussi qu’il peut s’agir d’un amour franco-allemand durant la 2ème guerre mondiale, Paris ayant été pris en juin 1940 (au printemps = Frühling).
Cela pourrait être le contexte historique de la chanson.
Quant au sens, je pense qu’il s’agit d’un dé-pucelage mutuel (j’étais si jeune + ça saigne + elle lui crie des mots au visage). Un autre élément important est que die Haut n’est pas utilisé dans le sens de haut, mais peau… C’est de l’hymen dont il s’agit… Alors quand il lui retire son pucelage, le printemps saigne à Paris… Le contexte historique évoqué ci-dessus me semble bien caduc…
C’est à mon avis pour cela que cette chanson est douce et calme, comme une première fois.

Pyromanes, OK, mais violents, NON!

7/ Wiener Blut
Pas grand chose à dire, à part que l’idée de sombre ainsi que d’enfermement est omniprésente.
Si elle parle de Kampusch, c’est l’amour « façon » syndrome de Stockholm qui est évoqué; si elle parle de Fritzl, c’est de l’amour incestueux dont il s’agit…
Possibilité de réponse: la phrase « Je te plante une petite soeur » qui ne veut absolument rien dire; sauf dans le contexte de Fritzl, car si sa fille accouche d’une enfant de son père; c’est alors sa demi-soeur… Planter est à mon avis utilisé dans le sens d’inséminer… Cela pourrait trancher entre Kampusch/Fritzl…

8/ Pussy
Très pop comme tout le monde le dit, ce qui est, je pense, tout à fait normal. Elle se devait d’être pop; tout comme chantée en anglais (c’est la seule de l’album: donc pas anodin comme pour Amerika). Lorsque l’on écoute cette chanson, on pense directement à un truc commercial à la MTV (tout comme le clip). Mais à mon avis, cela est fait exprès, car l’amour que prône le genre d’émissions sur MTV (Dismissed et Cie), tout comme une bonne partie de la société d’aujourd’hui est un amour purement charnel, sexuel. Je pense même que Pussy a une vertu morale que l’on remarque dans la fausseté du clip, qui est aussi faux que ce genre d’amour… En passant, le clip n’est qu’un gros montage.
Pussy a donc tout a fait sa place dans cet album (pas comme certains le prétendent) car elle représente le sexe et l’amour charnel.
Par contre, je pense que le choix de cette chanson comme 1er single avait effectivement un caractère médiatique ainsi qu’un but qui était de toucher un maximum de gens.

Maintenant, une question me turlupine: pourquoi dit-il qu’il ne peut pas b*iser en Allemagne, si, justement, cette chanson parle effectivement du tourisme sexuel en Allemagne ???

C’est juste pour vous faire parler pass’qu’on est trop des dieux, en vrai!

9/ LIFAD
Ce que je comprend, c’est que le personnage n’arrive pas à trouver « l’amour » ou plutôt, à b*aiser…
Au fur et à mesure de la chanson, il contraint une femme, soit par la force, soit à l’aide de l’argent à coucher avec lui…
On peut penser à quelqu’un qui n’est pas gâté par la nature, mais qui trouve quand même « l’amour »; comme quoi il est là pour tous !
Maintenant, je suis pas très satisfait, je pense que cette chanson va plus loin, avez-vous une idée ?

10/ Mehr
A mon avis cette chanson parle de l’amour matériel. Nous voulons toujours plus de choses et nous ne nous contentons jamais de ce que nous avons…
Mais elle peut aussi avoir une analogie avec la nymphomanie; car le nymphomane n’en a jamais assez et ne peut être repus…
A noter: les « Mehr » dans les refrains qui sont de plus en plus nombreux.

11/ Roter Sand
Cette dernière chanson parle, comme l’un d’entre vous l’a bien formulé, d’un triangle amoureux.
2 hommes, une femme. Il y a un homme en trop, pour qui cette histoire se solde par la mort (façon western, d’où les sifflements de l’intro). A mon avis, c’est d’ailleurs à cause de la présence de la mort que cette chanson occupe la dernière place de l’album…
A noter également que l’un vise l’autre au visage (eine zielt mir ins Gesicht); mais que ce dernier est touché à la poitrine, au coeur… C’est aussi l’amour qui est tué.

Le face à faces…

Pour conclure, je dirais que la constance n’est effectivement pas musicale chez Rammstein; mais plutôt syntaxique. Aucun autre groupe n’aurait pu faire cette oeuvre ! (La musique: oui; mais LIFAD en entier: non).
Maintenant je comprend très bien que ça puisse déplaire et je ne prétends pas du tout que la musique ne m’importe pas… Simplement, si l’on reste uniquement sur la musique, le débat est clos (des personnes aiment, d’autres pas).

PS: vous devez sûrement vous dire que tout ce que j’ai dit est farfelu; qu’ils n’auraient jamais poussé autant loin… Et pourquoi pas !?!?
D’ailleurs, je n’ai pas parlé du cd bonus, car je ne possède pas les traductions; mais ce qui me saute au yeux c’est que Roter Sand est présente 3 fois (pas 2 mais 3: c’est vraiment beaucoup et vraiment rare)… Mais 3, outre les 3 personnages de cette chanson, ça ne vous rappelle rien ??? (c.f. Le début de mon post)…
A bon entendeur.

Çà peut paraître tiré par les cheveux mais cette réflexion en profondeur est réellement passionnante. Car comme disait Léonard de Vinci: « Qui pense peu se trompe souvent. »

Liebe ist für alle da (© Rammstein 2009)

CD1:

1/ Rammlied
2/ Ich tu dir weh
3/ Waidmanns heil
4/ Haifisch
5/ B********
6/ Frühling in Paris
7/ Wiener blut
8/ Pussy
9/ Liebe ist für alle da
10/ Mehr
11/ Roter sand

CD2:

1/ Führe mich  2/ Donaukinder  3/ Halt  4/ Roter sand (orchester version)  5/ Liese

***

MADE IN GERMANY 1995-2011

La saga continue. C’est en novembre 2010, soit un peu plus d’un an après la sortie de LIFAD, que Paul Landers, fidèle à son rôle de précurseur en bonnes nouvelles, parle d’un best of parcourant toute la carrière du groupe, lors d’une interview accordée à un journal mexicain. La sortie, initialement prévue pour avril 2011, est repoussée à l’automne, afin d’accompagner la tournée de promo. Tournée mondiale avec scène enflammée, cela va de soi! Le 17 juin, le titre définitif est dévoilé et c’est le 5 décembre que sort cette compilation (le 2 en Allemagne, Suisse et Autriche), qui contient une chanson inédite en dernière piste. D’ailleurs, cet extrait sort le 11 novembre dans la triade germaine Allemagne-Suisse-Autriche et le 14 novembre dans le reste du monde. Il s’intitule Mein land (« Mon pays ») et s’avère de facture classique mais bougrement efficace. Un leitmotiv esseulé aux accents arabisants introduit le mur guitares-basse-batterie qui a tôt fait de ramener le roi Métal en vedette de l’événement. Les claviers apportent juste ce qu’il faut de profondeur délétère, la voix martèle un refrain mixé tout en puissance, un peu à l’image de Mann gegen mann, et nous voilà une nouvelle fois embarqués pour l’excursion sonore. En bon ambassadeur, la couverture de cet extrait annonce la couleur parodique.

Comme d’habitude, les paroles, d’apparences assez simplistes, invitent à réflexion.

Mein land

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais avec moi de l’Est vers le Sud

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais avec moi du Sud vers l’Ouest

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais avec moi de l’Ouest vers le Nord

Puis il arrive en courant

Avec le drapeau à la main

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays, Mon pays

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais avec moi du Nord vers l’Est

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais avec moi de l’Est vers l’Ouest

Où vas-tu, où vas-tu donc?

Je vais seul de pays en pays

Et rien ni personne

Ne m’invite à rester

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays

Ma vague et ma plage, Oui

Une voix venant de la lumière

Tombe du ciel vers le visage

Déchirant l’Horizon

Où vas-tu, ici, plus rien n’est libre

C’est mon pays, C’est mon pays, C’est mon pays

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays

Mon pays, Mon pays

Tu es ici dans mon pays

Ma vague et ma plage

Mon pays

Expulser

Mon pays

Chasser

Mon pays

Oublier

Mon pays

Nulle part je ne peux rester

Mon pays.

Le clip, quant à lui, bardé d’un humour corrosif, fait mouche dès le premier visionnage. Comme pour certains autres, il apporte un degré de lecture particulier. En effet, il semble que, une nouvelle fois, le groupe pointe du doigt un pays plutôt qu’un autre…

… Ou, plus que d’un simple pays, peut-être nous parle-t-on aussi d’un nouveau genre d’idéologie, celle du confort. En tout état de cause, c’est avec un plaisir certain que nous constatons l’esprit de provoc, du moins critique, toujours au premier plan dans l’écriture de Rammstein. Grand bien nous fasse, la dimension piquante de l’œuvre du sextette allemand en fait tout l’intérêt. En ces temps de crise, dont on ne sait plus s’il elle a été partiellement consentie ou si certains en profitent pour asseoir un pouvoir bancaire généralisé à la tête même des Etats, et ce jusqu’au cœur de la vieille Europe (auquel cas il serait temps d’ouvrir les yeux au lieu de dire ¡Halleluja!), cette mise en image de Mein land suit un parcours. Celle, cruelle, d’une lente déprédation des conditions de vie, avec, pour point de départ, un monde idéalisé à l’imagerie naïve, brandissant ses brochettes d’ados stupides qui se rencardent sur une plage à surf.

Tous les codes « Beach boysiens » des années yéyé, ceux de la félicité consumériste d’après guerre, sont récupérés et amplifiés jusqu’au grotesque. Pour paraphraser Magritte, ceci n’est pas Mon pays, c’en est juste l’image surfaite, créée de toutes pièces à des fins bassement marchandes. Et viens-y que je te vende mes séries télévisées fourrées aux schémas sociaux inégalitaires et au misérabilisme pathologique, un discours avalé par nos chères têtes blondes dès leur plus jeune âge, viens-y que tu vas pouvoir acheter les figurines en plastique pétrolifère de tes héros préférés, et les magazines de midinettes qui vont avec, produits à grand coups d’arbres déforestés, et les 45 tours qui vont avec, produits par nappes de vinyle entières. La réalité de cette grande mécanique aux rouages d’abêtissement, nous la voyons aujourd’hui toute nue, débarrassée de son masque d’hypocrisie devenu inutile.

Das modell

Tout brûle, des acquis sociaux aux structures des États et des services publics, en passant par l’idéal égalitaire qui les sous-tendait, tout cela s’est consumé sur l’autel d’un Dieu argent dont la monnaie même n’existe plus. Nos impôts ne sont plus qu’un prétexte à l’enfermement dans une logique de remboursement sans fin, instabilité permanente justifiant jusqu’aux décisions les plus insupportables. “Notre pays“, radeau sans signifiance désormais à la merci des falsifications internationales, n’est plus qu’une mise en scène infâme d’orgies télévisées sans frontières, aux chantres soixantenaires sois-disant élus ou tenant les rennes des fonds monétaires mondiaux et des empires médiatiques de connivence. Comme dirait l’ami Léo Ferré, il n’y a plus rien.

Mais pas d’inquiétude, une gouvernance non élue, aux intentions non discutées, aux directives non votées et non débattues, va s’empresser, sous couvert de démocrassie et de droit au libéralisme forcené, et forcer les peuples vers vers l’uniformisation culturelle d’abord, économique et politique par la suite. Le meilleur des mondes, comme dirait Aldous Huxley, sans identités, sans différences, sans saveurs, sans richesses, un désert de différences. Un monde idéal où nous boirons tous du soda brun à l’aspartame, où nous entendrons chanter la même musique partout, où nous serons assistés par ordinateur ou pucés au GPS dernier cri, où nous côtoieront les mêmes absences d’idées, où la peur du lendemain l’emportera sur la contradiction et le dialogue, sous peine de soupe populaire, où tous les programmes télé du monde n’auront plus pour eux que la banalité clinique de leur surnombre. Bref, Koka-kolà, Wonderbra et « sometimes woooaar ». Disparu, Mein land! Dévorée, mon âme! Les événements internationaux actuels incitent donc à la plus grande attention, si ce n’est vigilance, sans pour autant basculer dans une paranoïa primaire ou d’autres idéologies plus nauséabondes encore. Comme d’habitude, Rammstein, pour en revenir à eux, sonne le tocsin d’une problématique dont on commence à sentir les effets concrets un peu partout et qui, comme nombre d’entre nous, les préoccupe.

En ce qui concerne Made in Germany, on constate, au passage, qu’Ich tu dir weh en est absente et que LIFAD ne compte donc que deux extraits. La censure n’a apparemment pas desserré son étau autour de cette chanson et n’en autorise toujours pas la publication ni la diffusion commerciale. A noter que Feuer frei! n’y figure pas non plus, discrètement remplacé par Mein herz brennt, chef d’oeuvre avéré du groupe mais cependant jamais extraite de l’album Mutter. On se remémore la polémique brûlante qui avait accompagné la sortie de cette chanson, suite aux tristes événements du lycée de Columbine, aux États Unis, pour lesquels Rammstein avait été montré du doigt à cause de l’influence prétendument néfaste de sa musique sur les auteurs de la fusillade. Feuer frei! était une réponse provocante à ce mini lynchage médiatique du groupe, mais n’a jamais été censuré pour autant. Parfois des grumeaux restent coincés et des mauvais goûts persistent. La saveur de poudre à canon et de mort plane-t-elle toujours autour de ce morceau? L’a-t-on interdit au groupe pour cette compilation? On est en raison de se le demander puisque Feuer frei! est un classique incontesté…

Made in Germany 1995-2011 (© Rammstein 2011)

1/ Engel
2/ Links 2-3-4
3/ Keine lust
4/ Mein teil
5/ Du hast
6/ Du riechst so gut
7/ Ich will
8/ Mein herz brennt
9/ Mutter
10/ Pussy
11/ Rosenrot
12/ Haifisch
13/ Amerika
14/ Sonne
15/ Ohne dich
16/ Mein land

***

Merci au site rammsteinworld.com, à son fan forum super sympa, bonne ambiance et très instructif, ainsi qu’à ses traductions, planetrammstein.com pour son complément d’infos et, bien sûr, wikipedia sur lesquels j’ai absolument tout pompé et sans qui cet article n’aurais pas été possible. Merci également à www.coutois.cc/rda/rda.html pour la touche d’humour made in RDA! Et bien sûr à tous les nombreux forums ou sites croisés en cours de route plus ponctuellement.

Et, évidemment, merci à Rammstein de continuer.

« STERBEEEEEEEEEEEENNNNN!!!! WAIDMANNS, MANNS, MANNS, MANNS-HEIIIILLL!! »

Franck Balmary.

Euh… C’est bon les gars, c’est fini l’article. Vous pouvez me ramener, maintenant!

Martyn Bennett

Posted in SOYONS FOLK! on 30 décembre 2008 by larocheauxloups

couverture gritMartyn Bennett, musicien écossais né au Canada, a fortement influencé l’évolution moderne de la fusion celtique, mélange de musique celtique traditionnelle et d’électro. A 10 ans, il joue de la cornemuse et gagne des prix l’année suivante. Il étudie ensuite le piano, le violon et la composition dès 15 ans à Edimbourgh, puis au Royal Scottish Academy of Music and Drama.

Le monde de la musique classique est éprouvant. Sous la pression, il contracte un cancer des testicules en 1993. En 1994, il revient à ses premières amours, le folk et la musique traditionnelle tout en découvrant l’électro.

En 1996 sort son premier album, au titre éponyme. 1998 est l’année de Bothy Culture, son plus grand succès. En 2000, quelques mois après un concert mémorable au Cambridge Folk Festival, on lui diagnostique le lymphome de Hodgkin.

Son dernier album, Grit, est enregistré pendant sa lutte contre le cancer et marque un changement drastique dans sa sonorité. Il est devenu trop faible pour jouer des instruments, et doit se tourner vers des séquenceurs et des synthétiseurs pour continuer à créer.

Bennett meurt en 2005. Sa dernière composition, Mackay’s Memoirs, a été jouée lors de l’ouverture du Parlement écossais en 1999. Ce dernier album a été enregistré par le Broughton High School le matin après la mort de Bennett, alors que personne n’était au courant de son décès.

Bennett est un superbe musicien et compositeur. Sa musique est éternelle, il nous transporte dans son univers folk traditionnel et moderne à la fois. Ses albums traduisent une maturité grandissante, jusqu’à Grit, chef d’oeuvre de fusion celtique, et sa grande oeuvre Mackay’s Memoirs. Point final de sa trajectoire éphémère mais ô combien nécessaire.

J’ai découvert Bennett par l’album Grit, qui mélange électro, musique celtique et paroles, contes, histoires, sermon dits par des Ecossais et enregistrés pour l’album. Magistral.

Dans le maquis de la world électro Bennett est une étoile qui brille d’un éclat puissant. Ne manquez pas cet artiste tout simplement fabuleux.

superbe chanson de son dernier album, Grit,  le son que j’adore de Bennett :

toujours de Grit, une de mes préférées :

très belle compostion traditionnelle :

de l’abum Bothy Culture, dialogue à travers les âges entre oûd et cornemuse :

dès ses débuts en 1995, le son Bennett est là :

en live à Glasgow :

http://www.martynbennett.com

Nicolas

Gjallarhorn

Posted in SOYONS FOLK! on 30 décembre 2008 by larocheauxloups

Gjallarhorn est un groupe finlandais qui mélange les sonorités classiques des pays de la Baltique à différents sons du monde entier, dont notamment le didgeridoo. Autour de la chanteuse Jenny Willhelms, les membres développent percussions, violons, mandolines et flûtes. Depuis 1994, la composition du groupe a quelque peu changée, modifiant la sonorité des albums en finesse. Reste la voix pure de Jenny, qui vocalise très haut en suédois, finnois et islandais.

En 4 albums gracieux, Gjallarhorn s’est créé un univers particulier qui envoûte à mesure des écoutes. Oui, ce n’est pas un groupe facile d’abord mais qui s’accroche au cerveau jusqu’à ne plus vouloir en sortir. Comme une drogue musicale, les mélodies s’insinuent au plus profond de soi, rappelant des souvenirs immémoriaux, avant que la Terre ne bascule, quand l’Hyperborée était le centre du monde…

Inclassable, Gjallarhorn ne laisse pas indifférent. Alternant ballades et musiques guerrières, percussions endiablées et mélodies suaves, les 4 albums sont des bijoux de ce que l’on appelle malheureusement la world music. Bousculez vos disquaires pour trouver Gjallarhorn, le groupe ne vient pas facilement à soi.

Premier album sorti en France, Ranarop est leur album le plus puissant, de loin mon préféré avec le didgeridoo en fil rouge. Le second, Sjofn, reste fidèle au premier. Les 2 suivants évoluent avec les changements de musiciens, le son est moins percutant.

Issu de la mythologie nordique, Gjallarhorn est le cor par lequel le dieu Heimdall envoie un message aux dieux d’Asgard et aux mortels de Midgard. Nous communs mortels profitons des mélodies du cor divin ! Heimdall se servira de Gjallarhorn pour annoncer la venue de Ragnarok, l’apocalypse de la mythologie nordique, se terminant par la submersion du monde sous les eaux.

une superbe ballade qui monte en puissance, typique du son Gjallarhorn, de l’album Sjofn, avec une guimbarde :

une de mes préférées, de l’album Ranarop, didgeridoo et la voix sublime de Jenny :

encore une ballade, du dernier album (Rimfaxe) :

le groupe en action :

une dernière, de l’album Ranarop :

Nicolas

Boris

Posted in LE "METALLIC CORNER", TERRITOIRES SONORES on 17 décembre 2008 by larocheauxloups

Eh non il ne s’agit pas de Cyrulnik, Vian, ou Karloff, encore moins de cet infâme kéké des plages qui fut jadis le roi des « soirées disco » (n’en déplaise à Franck Dubosc et son bide commercial), ici, public, tu es branché sur La Roche Aux Loups alors place aux authentiques talents!
Ce trio du Soleil Levant électriquement déchaîné sévit depuis déja 12 ans au bas mot et n’en fini pas de surprendre malgré une discographie bien fournie. Véritable mur de son qui pourrait faire pâlir d’envie les poids lourds des groupes de stoner US les plus énervés, c’est avec une retenue toute asiatique que Boris trashe, tranche, ou encore tronçonne avec panache les espaces confinés de nos tympans ou des salles de concert dont on a l’impression qu’elles sont toujours trop étroites pour eux.
Une chose est certaine en tous cas, c’est que cette lame de fond sonique aux harmoniques parfois presque noisy en fait « jumper » plus d’un!

En témoigne ce corosif « Korosu »:

On aura tous noté la double basse de Takeshi, le chanteur.
Boris et satan (un calme faussement plat pour un talent artistique faussement flou):

Le son à l’état « brute » (mais, purée, c’est çà qu’on aime! C’est çà qu’on veut!):

Un « Furi » endiablé:

Çà parce-que vraiment, çà déchiiiire!!

Aaaahhh, la violence, la violence, certes! Mais « l’esprit » Boris, c’est aussi çà. Expérimental, mon cher Watt-Son!

Agathe ze bluuues avec ce morceau presque noirdézien!!

Allez, un p’tit « Farewell » pour la route:

Ouff!! Çà défrise… Eh ba non, le Japon ne pense pas qu’à travailler.

Et pour (se) finir, le myspace de Boris, en complément (rien que pour le gigantesque « Akuma no Uta »):
http://www.myspace.com/borisdronevil

Franck

Morthem Vlade Art

Posted in LE "METALLIC CORNER", TERRITOIRES SONORES on 16 décembre 2008 by larocheauxloups

Il est des artistes qui développent spontanément des univers singuliers et forts, hors des sentiers battus malgré des influences évidentes. Tout un chacun possède des influences parce-qu’il naît dans un contexte préexistant à lui même mais le tout est de savoir digérer ces influences sous peine de sombrer dans le néant créatif.
Morthem Vlade Art, groupe Français composé du couple Gregg Anthe pour la musique et Emmanuell D. pour les textes, lorgne parfois clairement , il est vrai, vers les Depech Mode et autres influences électro voir new wave des 80’s mais est de ces artistes qui repoussent sans cesse leurs propres limites et horizons créatifs tout en gardant une cohérence sonore qui fait leur identité.
Groupe aujourd’hui en berne au profit du nouveau projet de Gregg Anthe In Broken English, MVA reste malgré tout un groupe marquant pour ses expérimentations parfois limites bruitistes mais aussi pour ses envolées noires et lyriques propulsant l’imagination vers des latitudes insoupçonnées.
En 5 albums tous aussi aboutis les uns que les autres, MVA aura imprimé sa marque au monde électro-goth.
« Preuve à l’appui »:

Deux autres vidéos qu’on ne peut intégrer au site mais qu’on va quand même vous filer les liens:

Un remix électro réussi d’une chanson du premier album épique:
http://www.youtube.com/watch?v=HS8ak_lBzsc

Et les expérimentations des dernières heures:
http://www.youtube.com/watch?v=BiZx05POBOg&feature=related

Franck